Pour faire connaître leurs biens et entretenir la relation avec leurs clients, les agences immobilières de luxe développent des expertises dans l’éditorial, l’événementiel et le digital.
Comme la haute couture ou l’horlogerie de luxe, le secteur de l’immobilier de prestige se caractérise par une attention aux détails et une anticipation des désirs des clients. Leur cible privilégiée, ce sont les UHNWI, «ultra high net worth individuals», dépassant les 30 millions d’euros de patrimoine. Dans cet univers exigeant où la valeur des biens se chiffre en plusieurs millions d'euros, l'image est primordiale, et les agents immobiliers se font eux-mêmes communicants. «Nos agents ne viennent pas forcément de l’immobilier mais de la finance ou de la joaillerie, témoigne Andrea Boström Mouls, directrice de l'agence Varenne, spécialisée dans la rive gauche à Paris. Ce sont de bons commerciaux mais ils sont avant tout passionnés par l’humain. Ils connaissent par cœur les besoins de leurs clients, prennent des nouvelles de leur famille, partagent les adresses des bonnes écoles. Ils sont un peu comme les agents d’artistes de la série Dix pour cent.» Thibault de Saint Vincent, président de Barnes, résume ainsi son métier : «Quand un propriétaire confie un mandat de vente à une agence, il la choisit par rapport à son marketing. Nous définissons le plan média, marketing et de commercialisation pour communiquer au mieux en fonction du bien. Par exemple, pour commercialiser Mount Vernon, la réplique de la propriété de George Washington à Saint-Cloud, nous ne pouvions pas nous baser sur le prix du mètre carré local. Il fallait valoriser l’histoire du lieu et viser une clientèle américaine.»
La communication de l’immobilier de prestige s’appuie toujours sur des outils traditionnels, les magazines sur papier glacé en particulier, qui se divisent entre annonces exclusives et éditorial sur l’art de vivre. Chez Barnes, le magazine est édité à 150 000 exemplaires, et distribué aux abonnés du Figaro, dans les hôtels Barrière, les salons privés Air France et Eurostar. «Chaque numéro compte environ 25 pages de publicité pour des marques de luxe et une centaine de pages d’articles sur l’art, le design, le vin, le yachting… Nous consacrons toujours une interview à entrepreneur du monde du luxe comme Philippe d’Ornano ou Richard Mille. Nous défendons les entreprises familiales», précise Thibault de Saint Vincent. Daniel Féau édite deux numéros par an pour 250 000 exemplaires au total déclinant chacun un thème particulier : l’art, la décoration, la culture, les antiquités… Le magazine est également mis en avant lors des ventes de la maison Christie’s, avec laquelle l’agence est liée par un accord de licence. Chez Junot, agence familiale fondée il y a quarante ans à Montmartre, on aime inviter des artistes à dessiner sur la couverture, comme Jean-Charles de Castelbajac ou Jordane Saget. Ce dernier a illustré le numéro anniversaire sur les années 80, dans un univers coloré qui tranche avec le classicisme des appartements haussmanniens.
Des partenariats sportifs et culturels
Sur ce marché où le bouche-à-oreille et la fidélité sont clés, les agences entretiennent leur réseau avec des partenariats et des événements autour du sport ou de la culture. Historiquement lié au golf, Daniel Féau sponsorise plusieurs rencontres, ainsi que les tournois de tennis de Roland-Garros et Rolex Masters, l’Association pour le rayonnement de l’Opéra de Paris, Paris Art & Design… «Ces événements permettent de favoriser les rencontres et de partager un art de vivre», souligne Éric Donnet, directeur général de Daniel Féau. Émile Garcin soutient l'initiative du danseur Hugo Marchand «Les Étoiles au château», en mettant à disposition des propriétés pour ces spectacles accessibles au plus grand nombre. L’entreprise familiale aide aussi à la restauration de châteaux en région. «Nos partenariats ont toujours un rapport avec la pierre», précise Nathalie Garcin, coprésidente. À l’occasion de Paris Déco Off, Varenne a confié la décoration d’un hôtel particulier du 7e arrondissement au studio The Socialite Family qui a présenté une collection de mobilier. «Cet événement nous a apporté beaucoup de contacts, assure Anne-Constance Helly, responsable marketing. Dans toutes nos communications, nous ne voulons pas être standardisés, nous voulons avant tout faire vivre une expérience.» Pour ses 40 ans, Junot a réalisé un partenariat original avec Berthillon, qui a confectionné un dessert glacé baptisé Sacré Cœur en hommage à ses origines montmartroises. «Nous sommes très attachés à l’esthétique sur tous nos supports, de nos agences aménagées comme des cabinets d’architectes à nos cartes de vœux personnalisées, qui sont de petits objets que l’on garde», témoigne Anne Kuperfis, directrice communication de Junot.
Des formats adaptés aux réseaux sociaux
Bien entendu, depuis plusieurs années, l’immobilier de prestige a investi l'univers des réseaux sociaux, Instagram, LinkedIn et même Tik Tok. Si la clientèle rajeunit, avec l’arrivée des «millenials», ce sont bien souvent les prescripteurs plus que les acheteurs finaux que les agences ciblent sur les réseaux sociaux. «Autour d’un client, il y a un écosystème de conseillers, notaires, gestionnaires de patrimoine, qui va pouvoir relayer les communications sur les réseaux», précise Éric Donnet, directeur général de Daniel Féau. Les agences disposent le plus souvent de leur propre équipe digitale qui produit les vidéos avec une direction artistique soignée. Barnes est passé de 60 000 à plus de 230 000 abonnés sur Instagram grâce à son association avec le créateur de contenus Zacharie Maille, qui a appliqué quelques règles d’or. «Il faut des formats courts, pas plus d’une minute, pour capter l'attention, explique-t-il. J’utilise les plans au drone, le grand angle et le montage en accéléré, pour montrer le plus de pièces possibles dans un temps réduit.» Dans cet univers feutré, les propriétaires peuvent être réticents à exposer leurs biens, «mais c’est comme une vitrine de magasin de luxe, ajoute-t-il. Le bien ne perd pas en valeur, bien au contraire, on peut tout à fait être en off market [hors annonce] tout en ayant une exclusivité sur Instagram. Il faut à la fois être divertissant et véhiculer les valeurs de Barnes». Comme dans tous les secteurs du luxe.