Comment réduire l’impact environnemental de la SNCF, un groupe de 152000 salariés en France et 42 milliards d’euros de chiffre d’affaires ? Et comment encourager l’usage du train, symbole du transport bas carbone ? Ce sont les défis que doit relever Muriel Signouret, directrice RSE de l’entreprise, nommée en mai dernier.

Quel est le bilan carbone du groupe SNCF et sa trajectoire sur les prochaines années ?

Muriel Signouret. En 2023, notre bilan carbone s’élevait à 1,4 million de tonnes de CO2 sur les scopes 1 et 2. C’est beaucoup mais c’est finalement peu par rapport à l’impact qu’auraient eu les 15 millions de voyageurs que l’on transporte chaque jour s’ils avaient pris l’avion ou la voiture. Bien entendu, on ne veut pas en rester là. On a l’ambition de réduire de 30% nos émissions de CO2 sur les transports et de 50% sur les bâtiments d’ici à 2030. Un exemple concret : les TGV sont déjà très décarbonés puisqu'ils fonctionnent à l’électricité mais les TER sont encore pour 60% non électrifiés et c’est là que l'on doit porter nos efforts. Pour les bâtiments, il faut savoir que la SNCF est le deuxième propriétaire foncier après l’État et gère 12 millions de mètres carrés de bâti. Nous devons rendre ces bâtiments plus performants au regard de nos objectifs. En 2024, nous avons fait la moitié du chemin de notre trajectoire puisque nous avons réduit de 47% notre bilan carbone par rapport à l’année de référence, 2015.

Et sur le scope 3, quels sont vos objectifs ?

Sur le scope 3, nous travaillons avec nos fournisseurs pour qu’ils s'engagent eux aussi dans la décarbonation. Dans tous nos appels d’offres, par exemple, nous avons une note RSE qui compte pour 20% de la note finale. 

Quelle est votre feuille de route en tant que directrice de la RSE ?

Dans la droite ligne de la raison d’être de l’entreprise, « Agir pour une société en mouvement, solidaire et durable », je me suis fixée deux grandes boussoles : continuer à augmenter notre impact positif sur la société et réduire notre empreinte environnementale. 

Sur le premier point, cela passe d’abord par développer l’offre de trains. Un voyage en train représente 70 à 90% d’émissions de gaz à effet de serre en moins qu’un même trajet en avion ou en voiture. Le train pèse en effet pour 0,2% des émissions de CO2 des transports mais ne compte que pour 10% des déplacements. Il y a donc une marge de progrès considérable. L’impact positif passe aussi par notre ancrage dans les territoires : nos 3000 gares, 28000 kilomètres de lignes, 14,6 milliards d’achats par an auprès de fournisseurs à 97% français. Ces achats contribuent à plus de 260 000 emplois indirects localement. 

Nous produisons également de l’énergie solaire avec notre nouvelle filiale lancée il y a un an, SNCF Renouvelables. Nous avons l’objectif d’installer des panneaux photovoltaïques sur notre foncier bâti et non bâti et de devenir autosuffisant d’ici 2050, sachant que nous sommes le premier consommateur industriel d’électricité en France. 

Enfin, nous voulons faire de nos salariés les principaux acteurs et les principaux bénéficiaires de la transition écologique, grâce à des formations ou au mécénat de compétence longue durée.

Et concernant l’objectif de réduire l’impact environnemental ? 

Il passe par trois priorités : la décarbonation, j’en ai parlé, l’économie circulaire et la biodiversité. Nous développons une politique d’économie circulaire à grande échelle pour tous nos matériaux : les ballasts, les rails, les appareils numériques, les tenues de nos agents… Non seulement nous limitons la consommation de ressources mais nous les orientons en fin de vie vers le réemploi ou les chaînes de valorisation. Parmi nos décisions pour protéger la biodiversité, nous avons arrêté l’usage du glyphosate depuis 2021 et avons renouvelé nos engagements auprès de l'initiative Act4Nature. 

Au final, nous progressons sur tous nos indicateurs : décarbonation, féminisation des emplois, achats responsables… L’organisme EcoVadis nous a attribué la note de 85/100 en 2024, ce qui nous place dans le 1% des entreprises de transport les mieux notées dans le monde. 

Comment agissez-vous face aux risques liés au changement climatique ?

Nous sommes confrontés à de plus en plus d’aléas climatiques extrêmes, dernièrement des inondations dans le Pas-de-Calais qui ont emporté 300 mètres de voies ferrées, une mini-tornade dans l’Yonne cet été qui a fait chuter plusieurs arbres sur la voie grande vitesse… Nous menons des études de vulnérabilité de nos actifs face à deux familles de risque principales : la chaleur et le feu d’une part, l’eau d’autre part. Quand on remplace des rails ou des matériaux de signalisation, on le fait avec des matériaux plus résistants à la chaleur. Pour les projets de nouvelles voies, on étudie le cas échéant le tracé en fonction de l’étude de vulnérabilité. Nos agents travaillant en plein air sont équipés de tenues adaptées, bénéficient de zones d’ombre pour faire des pauses… Certaines solutions sont déjà mises en œuvre, d’autres demandent plus de temps et d’investissements. 

Comment « faire aimer le train » pour que sa part parmi les modes de transport augmente ?

Je l’ai dit, le train est la solution de mobilité la plus durable. Donc si on veut collectivement prendre le virage de la transition, il faut s’attaquer au transport, le secteur le plus polluant en France devant l'industrie et le logement. On voit bien que si on double la part modale du train, de 10 à 20%, cela permettrait de s'engager vraiment dans la transition écologique. D’où la nécessité d’investir dans la robustesse et la modernisation du réseau mais aussi dans de nouveaux services : renforcer l’intermodalité en gares en installant 45000 places de parking à vélo, proposer des prix réduits à l’instar du Pass Rail pour les jeunes cet été ou encore avec les Ouigo, les trains de nuit, et demain les SERM, les services express métropolitains qui vont relier les grandes villes et leurs périphéries pour éviter que les gens prennent leur voiture. Toutes nos filiales travaillent pour rendre le train plus accessible, et ça fonctionne puisque les TER ont enregistré une hausse de 10% de fréquentation au premier semestre par rapport à la même période de l’année dernière. La RSE est vraiment au cœur de la stratégie de la SNCF, qui entend réconcilier la planète et les mobilités.

Vous êtes une ancienne journaliste. En quoi cela influence-t-il votre façon d’exercer vos fonctions ? 

Je m’applique l'œil critique de la journaliste : pas de « bullshit », des preuves. Je suis aussi très attentive au message que l’on fait passer pour que la RSE soit bien comprise et appropriée par les gens. La RSE souffre de trop de complexité, il faut un récit inspirant, simple et concret pour embarquer le plus grand nombre. 

Parcours

1998. Sciences Po Aix.

1999-2010. Journaliste (dont cinq ans à Stratégies).

2011-2012. ENA, promotion Marie-Curie.

2013-2016. Cheffe du bureau de la programmation budgétaire, service de la synthèse et du pilotage budgétaire, ministère de la Défense.

2016-2020. Secrétaire générale, et en charge de la transformation numérique de Public Sénat.

2020-2023. Directrice de cabinet du PDG du groupe SNCF.

2023-2024. Directrice des gares de Paris Lyon et Paris Bercy. 

Depuis mai 2024. Directrice RSE du groupe SNCF.

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