Alors que la moitié des produits affichent des allégations vertes ambiguës ou mensongères, les eurodéputés se sont prononcés, mardi 12 mars, sur un projet de loi qui repose sur la preuve. En cas d'infraction, les entreprises risqueraient une sanction financière.
Affirmations vertes mensongères, labels fantaisistes, bilans climatiques douteux : les eurodéputés ont voté pour éliminer l' « écoblanchiment » des étiquettes et publicités, en imposant leur vérification systématique et en restreignant drastiquement les allégations de compensation carbone. Le Parlement européen avait déjà validé mi-janvier l'accord trouvé avec les États membres pour interdire les allégations environnementales dites « génériques », jugées trompeuses comme « produit vert » ou « 100% naturel ».
Les eurodéputés se sont prononcés mardi 12 mars en séance plénière (467 voix pour, 65 contre, 74 abstentions) sur un autre projet législatif plus ambitieux interdisant l'ensemble des affirmations environnementales non soutenues par les faits. Le texte sera désormais négocié avec les États. T-shirt ou emballage « en plastique recyclé », « livraison neutre en CO2 », « biodégradable », « crème solaire respectueuse de l'océan »... Ces formules, destinées à happer le consommateur écoresponsable, seraient encadrées et obligatoirement vérifiées.
Sur 150 allégations vertes (emballages, publicités) examinées par Bruxelles en 2020, 53% contenaient « des informations ambiguës, trompeuses ou infondées » : textile, cosmétiques, électroménager... Aucun secteur n'était épargné. 40% n'avaient aucun élément factuel à l'appui. Et la moitié des quelque 230 labels écologiques européens étaient accordés avec des vérifications « faibles ou inexistantes ».
« Les consommateurs n'ont aucun moyen d'évaluer la véracité de ces affirmations, qui parfois ne concernent qu'un composant » et « peuvent avoir des significations totalement différentes selon les États », observe l'un des rapporteurs, l'eurodéputé (Renew, libéraux) Andrus Ansip. « Il est nécessaire de rétablir la confiance des consommateurs, d'apporter de la clarté juridique aux entrepreneurs et de l'égalité de concurrence », laquelle n'existe pas « si certains acteurs trichent », insiste-t-il.
Sanctions dissuasives
Le texte prévoit que les allégations écologiques sur des produits ou entreprises soient justifiées par des données récentes, scientifiquement reconnues, et identifiant tous les impacts « significatifs » pour l'environnement, y compris négatifs. Une liste « d'allégations et de produits moins complexes » pourraient bénéficier d'une « vérification plus rapide ou plus simple ». Les microentreprises seraient exemptées. « Les entreprises sont prêtes à payer pour ce surcroît de transparence et d'équité, mais pas plus que les avantages qu'elles en tireront : il faut éviter une charge administrative disproportionnée », souligne Andrus Ansip.
Les systèmes de certification environnementale, soumis aux mêmes critères, devraient être transparents et régulièrement réexaminés (l'« Écolabel » officiel conçu par l'UE serait, lui, exempté). La création de nouveaux labels privés deviendrait exceptionnelle. Enfin, les entreprises devraient faire contrôler le bien-fondé des allégations par des « vérificateurs indépendants » accrédités, et en cas d'infraction, risqueraient « des sanctions dissuasives » : exclusion des marchés publics, amendes jusqu'à 4% du chiffre d'affaires annuel.
« Pas de preuves, pas d'allégations écolo »
Les entreprises disposeront d'une marge de manoeuvre pour justifier leurs affirmations, sans nécessairement utiliser la méthode de référence (PEF) adoubée par l'UE pour mesurer l'« empreinte environnementale » des produits. La législation s'appliquerait aux produits et services non couverts par d'autres textes européens à visée similaire (une taxonomie réglemente déjà les investissements « verts »).
Face aux « messages vagues, trompeux ou infondés [...] nous sonnons la fin de la récré en imposant la vérification [...] La protection de l'environnement n'est pas un jeu », a réagi Pascal Canfin, président (Renew) de la commission Environnement. Ces « outils de stratégie commerciale » sont aussi des « instruments nécessaires à la transition écologique » en orientant les consommateurs « et il faut s'assurer qu'ils ne sont pas dévoyés », avait-il précédemment insisté.
Les ONG environnementales avaient salué un texte « mettant fin au Far West » du marketing vert. « C'est désormais simple : pas de preuves, pas d'allégations écolo. Les entreprises devront être transparentes », a abondé mardi Dimitri Vergne, du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC).
Compensation carbone
Concernant les allégations climatiques, l'UE avait déjà interdit en janvier les allégations d'impact environnemental « neutre » ou « positif » fondées uniquement sur la compensation des émissions carbone. Celle-ci revient souvent à planter des arbres ou à racheter des crédits de CO2, pratiques jugées inefficaces par rapport à la réduction directe des émissions.
Le texte adopté mardi autorise toujours les entreprises à « mentionner ces systèmes de compensation à condition qu'elles aient déjà réduit leurs émissions autant que possible et n'utilisent ces systèmes que pour les émissions résiduelles », sous réserve d'une stricte certification. « Elles ne pourront que compenser les émissions inévitables, et les consommateurs sauront quelle part cela représente. Cela améliore radicalement la situation actuelle, où prolifère une jungle d'allégations incontrôlables vantant la neutralité carbone », observe Dimitri Vergne.