Pour quatre enseignes de grande distribution, la manière de se positionner par rapport aux prix façonne une bonne part de leur image.

« En temps d’inflation, les gens font plus attention et l’image prix se rapproche encore davantage de la réalité des prix. Le ticket de caisse fait juge de paix », pointe Etienne de Laharpe, directeur des stratégies de BETC Shopper. « Lidl était très fort sur le prix et sur l’image prix. Ces 18 derniers mois, l’enseigne a connu une inflation supérieure à la moyenne : les clients l’ont vu tout de suite et sanctionné. Sans compter que ce modèle carbure aussi à l’impulsion sur des offres non alimentaires. Et quand ça se tend, beaucoup remettent à plus tard l’achat d’une découpeuse à plasma ou d’un extracteur de jus. À l’inverse, un Système U qui avait une image prix moins bonne que la réalité, a repris de la part de marché, autre signe que les gens font plus attention et ne confondent plus prix et image prix », poursuit-il. Précisons que l’enseigne a fait du « prix coûtant » son cheval de bataille dans sa communication, annonçant 150 produits et 4 fruits et légumes concernés chaque semaine sous le triptyque « petit prix, prix bloqué, prix baissé ».

Intermarché, dont la dernière campagne succède à la copy créative « Un euro, c’est beaucoup », fait également partie des enseignes ayant tiré leur épingle du jeu ces derniers mois. Le fruit d’une offre commerciale mais aussi d’une stratégie publicitaire longuement mûrie avec Romance, son agence créative depuis 2017. « Le ton humoristique adopté depuis plusieurs mois répond à ce qu’attendent les Français, à savoir ne pas tomber dans la bienséance et la morosité ambiantes. En somme, il s’agit de faire de cette situation d’inflation et de la communication publicitaire de l’enseigne autour des prix une forme de soupape de décompression », résume Jérôme Lavillat, directeur des stratégies de l’agence.

Pour le leader, E.Leclerc, « ce qui fait sa force sur l’image prix, c’est d’abord qu’il a objectivement le meilleur positionnement prix, synthétise Etienne de Laharpe. Ce qui rend cette image prix encore plus solide, c’est que cela fait des décennies que ça dure et que cette obsession est ferme, constante et visible du haut en bas de l’entreprise. Certes, il y a cet amplificateur qu’est la communication mais, à nouveau, c’est une histoire de réel. Et en publicité, ce qui fait la force d’E.Leclerc, c’est de se confronter au réel ». Une stratégie payante - l’enseigne grignotant mois après mois des parts de marché supplémentaires - qui ne va pas sans une « posture quasi politique à laquelle les consommateurs ruraux sont sensibles », juge Jérôme Lavillat.

Enfin, il faut citer Carrefour dont les prises de position à l’encontre de la shrinkflation, et les menaces de name & shame en magasins envers les marques ne jouant pas le jeu de la baisse des prix, ont marqué les esprits à la rentrée. À voir désormais si ce jeu périlleux sera suivi d’effets, l’enseigne ayant perdu 0,3 point de part de marché du 7 août au 3 septembre dernier. Il faut dire que la marque de distribution touche des consommateurs un peu plus aisés que E.Leclerc ou Intermarché.

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