Alors que la mise en œuvre du dispositif Oui Pub couplée à des facteurs économique et écologique devait enterrer les prospectus papier, une étude signée Cospirit semble prouver le contraire.
Non, le prospectus n’est pas mort ! Alors que la mise en œuvre du dispositif Oui Pub, des facteurs d’ordre économique et écologique mais aussi la volonté affichée par la grande distribution de s’en affranchir radicalement devaient signifier l’arrêt de mort des catalogues papier, une étude signée Cospirit semble démontrer l’opposé. Et pourtant, en septembre 2022, lors du lancement de l’expérimentation menée à grande échelle dans le pays, personne ne donnait cher de la peau des imprimés publicitaires sans adresse. Avec l’intuition que le passage du Stop Pub au Oui Pub pouvait au contraire rebattre les cartes, le groupe CoSpirit a mené courant mars une étude d’ampleur auprès de plus de 1 800 Français, situés à la fois en zone Oui Pub ou dans les zones géographiques non concernées. À la clé, de nombreux enseignements allant à l’encontre des théories dominantes et qui pourraient au contraire incarner un changement de paradigme vertueux tant pour le consommateur que pour les marques.
Premier constat de l’étude : un taux d’adhésion élevé envers le dispositif déployé actuellement dans près d’une quinzaine de villes et de collectivités territoriales, soit 2 à 2,5 millions de Français concernés, et qui le sera encore à titre expérimental jusqu’en 2025 avant une potentielle généralisation. « Cet engouement est valable dans les zones Oui Pub comme dans les zones de distribution classique », souligne chiffres à l’appui François Liénart, directeur insight & data chez CoSpirit. Ainsi, 53% des Français qui savent que leur commune est concernée ont d’ores et déjà apposé un autocollant Oui Pub sur leur boîte aux lettres et pas moins de 55% des sondés situés en zone de distribution classique ont l’intention de le faire lorsqu’ils seront concernés par la mesure. Preuve supplémentaire de l’attachement d’une partie de la population aux catalogues, « 6% des Français ayant apposé un autocollant l’ont fabriqué eux-mêmes », pointe-t-il au sujet d’un taux moyen en zones test qui se monte finalement à 28%. Un résultat acquis en quelques mois seulement et qui illustre une grande hétérogénéité en termes d’information.
Lire aussi : Faut-il avoir peur du dispositif Oui Pub ?
« Ces chiffres montrent que plus le dispositif est porté à la connaissance des habitants, plus il remporte une franche adhésion », synthétise François Liénart, mettant en exergue la disparité des efforts fournis par les municipalités concernées par le dispositif. Alors que certaines collectivités jouent le jeu, l’étude relève des taux qui plafonnent dans des villes comme Bordeaux et Grenoble. Un miroir des sensibilités politiques ? À n’en pas douter. Mais pas uniquement. Car si les imprimés sans adresse – un enjeu chiffré à plus de 2,3 milliards d’euros en 2021 en incluant les coûts de fabrication et de production – se retrouvent menacés, c’est aussi en raison de leur surcoût écologique. En effet, même si Stop Pub avait été apposé sur environ un tiers des boîtes aux lettres, les imprimés publicitaires représentent encore près de 900 000 tonnes par an et « une part significative de cette publicité est jetée sans avoir été lue », tançait il y a quelques mois l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Bonne nouvelle : le dispositif Oui Pub serait synonyme d’efficience. « Ce côté écoresponsable a été énormément mis en avant mais la réalité c’est qu’avec Oui Pub, il n’y a quasiment plus de déperdition et de gaspillage », plaide Sylvain Bedoni, directeur du pôle catalogues chez CoSpirit, en écho à une « empreinte carbone optimisée. » Difficile de lui donner tort. Car seuls 2% des sondés en zone Oui Pub ayant reçu des catalogues papier les plongent dans leur poubelle sans les avoir lu. Un pourcentage minime au regard des pratiques des Français dans les zones de distribution classiques (15%) et plus largement soumises au Stop Pub jusqu’alors.
Autre argument avancé pour défendre le bien-fondé du catalogue : l’axe économique. Dans un contexte d’inflation des coûts de fabrication mais aussi de distribution ne plaidant pas en sa faveur, le média garderait une longueur d’avance en termes de retombées directes. Et ce en dépit « de l’envolée des prix du papier et de coûts de distribution qui seront multipliés par trois ou quatre en raison de la nature ciblée et non plus généralisée des tournées effectuées par les opérateurs », avertit Florian Grill, PDG du groupe CoSpirit. Pas de quoi affecter le ROI du catalogue, selon les projections effectuées. Le taux de lecture très élevé en zone Oui Pub – 58% des Français lisent les catalogues attentivement, soit +73% vis-à-vis des Français en zone classique – est à l’origine de deux phénomènes. D’une part, un taux d’intention d’achat ou d’achat effectif lié à la lecture du catalogue estimé à +150%. D’autre part, un ROI plus avantageux (+16%) pour le catalogue en zone Oui Pub qu’en zone classique.
Lire aussi : Les nouveaux défis du courrier publicitaire
Dans cette configuration, la position des acteurs de la grande distribution, classiquement attachés au média, est à scruter de près. Ainsi, la volonté affichée par E.Leclerc de cesser totalement les prospectus à horizon septembre 2023, emboîté par un acteur comme Carrefour qui entend de son côté opérer en deux temps, a ouvert une brèche dans laquelle d’autres acteurs tentent de se ruer. À débuter par les concurrents directs dont certains auraient au contraire massifié leurs pratiques. Dernier exemple en date : le lancement par Milee (ex-Adrexo), acteur central de la communication locale, de 150euros, un média qui entend proposer gratuitement aux Français d’avoir accès aux promotions des magasins situés près de chez eux. « Les distributeurs veulent profiter de l’occasion pour réinventer leur business model mais cela ne se fera pas sans casse sociale au niveau des porteurs », éclaire Florian Grill.
Ultime interrogation face à ces résultats qui invitent à reconsidérer le catalogue papier : quelles positions les marques doivent-elles adopter ? « Notre recommandation va vers un mix plurimédia variable selon les territoires et qui inclut le recours au catalogue dans les zones concernées par le dispositif Oui Pub, associé – entre autres – à des dispositifs CRM, média local online, digital online, média offline ou encore e-catalogue. Au-delà, la principale conclusion, c’est qu’on passe avec Oui Pub d’un média subi et décrié à un média désiré et responsable », conceptualise le dirigeant, rendant hommage au fruit de la loi Climat et Résilience.
2 % Part des Français en zone Oui Pub jetant le catalogue sans l’avoir lu.
28 % Taux moyen de Français en zone Oui Pub ayant déjà apposé un autocollant sur leur boîte aux lettres.
54 % Proportion des Français en zone Oui Pub ne connaissant pas l’existence du dispositif ou ne sachant pas que leur commune est concernée.
55 % Part des Français ayant l’intention de poser un autocollant Oui Pub pour continuer à recevoir les catalogues papier.
+16 % ROI du catalogue papier en zone Oui Pub vis-à-vis des zones de distribution classique selon les projections de l’étude.