L’année 2023 a commencé avec l’annonce de la création d’un dividende sociétal et environnemental par deux grandes entreprises, Crédit mutuel et la Maif, pour tenter de lutter contre la crise climatique. Un modèle qui pourrait en inspirer d’autres.
Hasard du calendrier ou pas, Crédit mutuel et la Maif ont annoncé simultanément, le 5 janvier dernier, la création d’un dividende sociétal et environnemental. Le principe de cet ovni juridique est simple : ponctionner une partie du résultat net d’une entreprise pour financer des projets vertueux. « L’environnement s’invite à la table de la direction de la Maif, résume Hélène N’Diaye, directrice générale adjointe Assurances de personnes au sein du groupe Maif. On doit aller plus loin que notre propre métier pour nous préserver, nous. C’est une manière d’adresser l’injustice sociale et la protection de la biodiversité. »
De quels montants est-il question ? 500 millions d’euros par an pour Crédit mutuel Alliance fédérale (soit 15 % de son bénéfice net) pendant quatre ans ; un peu moins de 10 millions par an pour la Maif (10 %). Des chiffres significatifs. « Mais on en parle peu, déplore Anne-Catherine Husson-Traore, directrice générale de Novethic, filiale de la Caisse de dépôts et consignations (CDC) axée sur les problématiques de transformation durable. Cette communication constitue pourtant une façon maligne de remettre en cause le système capitalistique, et de souligner l’existence d’alternatives. »
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Est-ce le top départ d’un mouvement qui pourrait gagner tout le monde économique ? Vraie avancée ou coup de com ? Fabien Lucron, directeur commercial et marketing France de Primeum, spécialisée dans les rémunérations variables, s’est fait son opinion. « Difficile de ne pas être d’accord sur le papier avec une telle décision, dit-il. Mais on parle là d’entreprises qui n’ont pas vocation à faire des profits. C’est un super coup marketing. De quoi mettre leurs concurrents dans une situation gênante. C’est très bien vu, puisque cette décision répond aux attentes des consommateurs. »
« Rien n’interdit, aujourd’hui, à une entreprise commerciale de faire des dons, du mécénat de compétences ou de mobiliser la réserve légale obligatoire, à hauteur de 5 % des bénéfices a minima, libre d’affectation », note Laure Delanoue, avocate en droit des affaires au sein du cabinet parisien Cornillier. Mais Anne-Catherine Husson-Traore reste dubitative. « On est loin de voir des actionnaires renoncer à leurs dividendes, insiste-t-elle. Et les résolutions sur le climat (“Say on climate”), soumises au vote en assemblée générale et rendues à titre consultatif, sont peu utilisées en France. »
Selon le rapport du Haut Comité juridique de la place financière de Paris, rendu en décembre dernier, on ne compte que trois groupes cotés (TotalEnergies, Vinci et Atos) en 2021 et dix en 2022 à avoir adopté cette mesure. Même avec des actionnaires volontaires, le conseil d’administration reste maître à bord.