Que va changer la suppression des catalogues, auquel vient de souscrire Michel-Edouard Leclerc ? Pourquoi la grande distribution renonce à ce vecteur de communication ? Et quelles alternatives ?
L’annonce par les leaders de la grande distribution alimentaire, les magasins E.Leclerc, de ne plus distribuer de prospectus à partir de septembre 2023, montre le désamour progressif pour ce vecteur de communication, encore prisé de certains clients mais onéreux avec la flambée du coût du papier.
1. Où en sont les différents commerces ?
E.Leclerc n’est pas le premier à annoncer la fin des prospectus dans ses magasins. Les supermarchés Cora en avaient fait de même, avec une entrée en application à compter du 10 janvier 2023, et les enseignes du groupe Casino, Franprix et Monoprix, très implantées en ville où la pertinence du prospectus est moindre qu’en zone plus rurale, n’en distribuent plus depuis plusieurs années.
La portée de l’annonce de Michel-Edouard Leclerc en début de semaine dans Le Parisien, est toutefois significative vu le poids des plus de 700 magasins sous son enseigne.
Toutes les enseignes ont déjà réduit la voilure. Carrefour prévoit de faire passer au numérique « 80 % » de ses catalogues « dès 2024 ».
Le groupe précise avoir cessé la distribution à Paris et Lyon, mais explique être « contre le gaspillage, pas contre le catalogue », et dit envoyer par la poste un catalogue papier aux clients qui en ont fait la demande.
Chez Intermarché, 240 de ses 1 850 magasins passeront au tout numérique en janvier.
2. Quelles motivations ?
Ce mouvement répond à trois motivations, estime Laurent Landel, président de Bonial, qui vend aux magasins une solution de communication numérique à destination des consommateurs.
« D’abord, la prise de conscience écologiste des consommateurs », ensuite « l’inflation insupportable du coût de la pâte à papier ». Car, à 20 centimes environ le prospectus, c’est un vrai budget, qui se compte « en centaines de milliers d’euros » pour un seul hypermarché.
Dernier point, la percée du numérique qui a relégué au second plan le canal d’information qu’est la boîte aux lettres.
3. Pourquoi certains persistent ?
Il suffit de regarder les commentaires sur la page Facebook de E.Leclerc pour comprendre la réticence de certains patrons de magasins à se passer des prospectus.
« C’est bien, mais c’est encore trop tôt pour certaines personnes » âgées, dit une internaute, tandis qu’une autre juge la décision « dommage ». « J’aime regarder et comparer, quelques instants de détente le soir ».
« On a déjà engagé les réductions des prospectus, pour des raisons écologiques mais aussi économiques », explique de son côté un porte-parole de Système U à l’AFP.
« En ville, c’est vrai qu’un client qui n’a pas de voiture ne va pas s’amuser à comparer les prix avec le magasin à 5 km. Mais en zone rurale, où un magasin peut avoir dans sa zone de chalandise une concurrence importante » permet au commerçant de « se manifester, d’exister ».
En outre, tous les prospectus ne se valent pas, estime-t-il, citant le catalogue de Noël qui « peut servir pour la lettre au Père Noël » par exemple.
4. Quelles conséquences ?
Le mouvement semble inéluctable, observe Claude Charpin, directeur général de l’agence Dékuple spécialisée dans la communication numérique. « Quand on voit le faible nombre de personnes qui mettent l’autocollant "oui pub" dans les zones où le dispositif est en test… »
Cette expérimentation, prévue dans la loi Climat et Résilience de 2021 et en cours pour 31 mois, a lieu dans une quinzaine de communes ou communautés de communes. Elle interdit la distribution d’imprimés publicitaires par défaut, sauf si les consommateurs ont collé sur leur boîte aux lettres la mention « Oui pub ».
Auchan confirme que ce dispositif « accélère » la numérisation des prospectus.
Les moyens de toucher les clients fidèles ou potentiels restent nombreux. « Affichage, radio, pourquoi pas la télé », énumère Claude Charpain. Sans parler de la présence en ligne ou de la « communication promotionnelle par email et SMS ».
Cela ne fait pas les affaires de la filière prospectus, déjà sinistrée socialement et qui pèse quelque 20 000 emplois directs.
En outre, la communication numérique « est loin d’être neutre en matière d’émission carbone », observe Laurent Landel, de Bonial.
Dans le cadre de l’expérimentation « Oui Pub », l’Ademe doit mener une étude « comparée de l’impact environnemental des campagnes publicitaires par voie de distribution d’imprimés et de celles effectuées par voie numérique ». Résultat attendu en seconde partie d’année 2024, a indiqué l’agence à l’AFP.