Courchevel Méribel 2023, Coupe du monde de rugby 2023, Paris 2024... Après la Coupe du monde de football au Qatar, les grands événements vont s’enchaîner pour le plus grand bonheur des marques. Qu’en retirent les annonceurs ? Et comment agences et médias s’organisent dès à présent ?
L’annonce est tombée le 7 novembre. Danone a rejoint le club des sponsors des Jeux olympiques de Paris 2024. Certes, pas au rang des partenaires majeurs (BPCE, Sanofi, EDF, Orange et Carrefour), dont le ticket d’entrée est estimé entre 100 et 150 millions d’euros, mais avec un investissement (non communiqué) rapprochant les organisateurs de leur objectif : assurer 80 % de leurs ressources marketing d'ici à la fin de l’année. « Paris 2024 est dans les temps pour parvenir à son objectif de 1,1 milliard d’euros de sponsoring sportif », observe Magali Tézenas du Montcel, directrice générale de l’association des acteurs de l’économie du sport Sporsora. Des discussions sont toujours en cours avec LVMH, pressenti comme sixième partenaire majeur des JO. La Coupe du monde de rugby, qui se tiendra en France en 2023, a bouclé de son côté son budget, avec une trentaine de sponsors, pour un total de 85 millions d’euros de recettes. Les championnats du monde de ski à Courchevel et Méribel en février prochain sont quant à eux soutenus par la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes, Stef, Poma et l’eau minérale Bonneval.
La crise sanitaire, la guerre en Ukraine et les incertitudes économiques n’ont pas ralenti les ardeurs des marques. Mieux encore, s’engager dans ces grands événements n’a pas freiné le reste de leur sponsoring. « On craignait que le milliard d’euros dont les JO allaient avoir besoin ait un effet d’éviction sur leurs autres dépenses. Il n’en est rien. Orange, EDF ou la FDJ, partenaires de Paris 2024, ont maintenu leurs investissements par ailleurs », relève Bruno Bianzina, directeur général de l’agence Sport Market. Celui-ci remarque aussi que ces grands événements sportifs internationaux, les Gesi, attirent de nouveaux sponsors, à l’instar de France Pare-Brise pour la Coupe du monde de rugby. D'autres reviennent, comme Carrefour, qui avait lâché le Tour de France et les Bleus de Didier Deschamps en 2018, et qui revient au sport avec les Jeux.
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« L’attrait des marques pour le sport est plus fort que jamais parce qu’il constitue un vecteur d’audience et véhicule des valeurs très positives », analyse Bertrand Nadeau, directeur général d’Omnicom Media Group. Valeur refuge pour les annonceurs, le sport leur offre aussi une large palette d’actions de communication. « Le domaine des possibles est immense », note Magali Tézenas du Montcel, entre « recherche de notoriété, visibilité, préférence de marque, engagement des collaborateurs, marque-employeur, affirmation de sa raison d’être… ». « Que ce soit la Coupe du monde de rugby, engagée dans l’économie circulaire et l’éducation avec le programme Campus 2023, ou les Jeux, qui se veulent les plus responsables de l’Histoire, ces événements sont une aubaine pour les marques, une opportunité unique de s’associer à des valeurs qui vont nous propulser vers une société plus juste et plus inclusive », avance Lucas Varone, head of sport de l’agence Rosbeef.
Une bonne illustration de ce qu’un sponsor peut retirer d’un événement de ce type est donnée par Orange, partenaire des JO. L’opérateur télécom est partenaire premium, partenaire technique (il sera le seul à réaliser la connectivité de Paris 2024, alors qu’ils étaient cinq à se partager la tâche l’an dernier à Tokyo), et partenaire du Marathon pour tous, une épreuve grand public, une première pour les Jeux, ouverte à 40 000 personnes, dont 10 % des dossards sera réservés à Orange pour ses salariés, clients ou partenaires. « Nous sommes la marque la plus engagée aujourd’hui », se réjouit Geoffroy Sirven-Vienot, directeur sponsoring, événements, relations publiques et partenariats du groupe. Ses objectifs sont clairs. Il s’agit de répondre à « un défi technologique majeur », celui du déploiement de la connectivité, sur lequel Orange réquisitionne d’ores et déjà une équipe de 1 000 personnes, tandis que 500 salariés seront mobilisés comme volontaires pendant la compétition. « La raison majeure de notre engagement, c’est ce défi technologique qui constitue avant tout un accélérateur d’innovation », ajoute-t-il.
Partenaire premium de la Coupe du monde de rugby, Orange aura l’occasion de se roder l’an prochain avant des JO hors normes. « Paris 2024, c’est 37 championnats du monde au même moment, une cérémonie d’ouverture à l’extérieur d’un stade, une première là aussi, avec 600 000 personnes, 20 000 journalistes… », liste Geoffroy Sirven-Vienot, qui n’oublie pas l’accompagnement des territoires avec le déploiement de la connectivité jusqu’à Tahiti pour le surf. « Le sport, c’est du live, on le regarde tous au même moment pour vivre la même émotion, et pour les marques qui cherchent ça, on n’a pas trouvé mieux », justifie-t-il.
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Si les grands événements modifient la donne pour les annonceurs, ils transforment aussi le paysage des agences. « Le marché était structuré autour d’agences spécialisées mais là, on a assisté à une course à l’armement du côté des grands groupes, Havas et surtout Publicis, pour traiter ces sujets », remarque Bruno Bianzina de Sport Market. Cette entreprise de 15 personnes, dans le sillage des engagements pris par Paris 2024, est devenue l’an dernier société à mission. Elle a aussi dû faire face au départ de plusieurs talents débauchés par l’organisation des JO et repenser la question de son attractivité. « On a mis en place des partenariats stratégiques avec des agences de RP ou d’événementiel pour pouvoir répondre aux appels d’offres », remarque de son côté Céline Jobert, cofondatrice de LaFourmi, un groupe de 70 collaborateurs dédié à l’industrie du sport qui a racheté l’agence Leroy Tremblot en 2017. LaFourmi fait partie du groupement chargé de l’organisation du parcours de la flamme olympique. L’agence créative Rosbeef, 60 collaborateurs, partenaire d’EDF pour le sponsoring, vient de son côté de créer sa business unit dédiée au sport, Rosbeef United, avec huit personnes investies sur le sujet. « Le sport nous permet de faire tout ce qu’on aime et c’est l’opportunité de rentrer plus haut dans les sujets, cela dépasse la communication, comme on a pu le faire avec la création d’un terrain multisports dans un quartier de Vaulx-en-Velin pour OL Fondation et Adidas », explique Lucas Varone.
Côté médias, l’heure est à la mobilisation, notamment chez France Télévisions, diffuseur de Paris 2024. Le 16 novembre, la régie de la chaîne publique a présenté les huit packages qui seront commercialisés à partir du 1er décembre, « une anticipation inédite à 18 mois des Jeux », remarque Nathalie Dinis, directrice générale adjointe commerce de FranceTV Publicité. Le ticket d’entrée, selon la catégorie, est de 6, 8 et 10 millions d’euros, donnant droit à des billboards diffusés lors des retransmissions. Pour ces huit offres, « les plus valorisées que la régie ait jamais proposées », les marques déjà partenaires du CIO ou de Paris 2024 disposent d’un accès prioritaire pendant un temps limité. Le service public n’étant pas autorisé à diffuser de publicité classique après 20 heures, et aucune visibilité n’étant possible à l’intérieur des enceintes accueillant les épreuves, ces billboards de 8 à 12 secondes sont le seul moyen pour les sponsors d’être associés à l’événement lors des directs en soirée. À ce tarif-là, les premières diffusions, pour les deals les plus chers, démarreront dès mars prochain, à J-500 de la cérémonie d’ouverture.
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Twitter et consorts ne sont pas seulement la caisse de résonance des polémiques secouant régulièrement le monde du sport, comme on a pu le voir à l’occasion de la Coupe du monde du Qatar où « les comptes d’activistes pour les droits humains ou LGBT ont fleuri », remarque Félix Rauturier, analyste social intelligence chez We Are Social. Ils sont l’illustration, note Bastien Tardy, account director chez Reech, « de la nouvelle façon de consommer le sport ». « On regarde le match à la télé et très vite les réseaux sociaux en parlent et donnent encore plus de visibilité, avec une audience rajeunie qui n’a plus les mêmes codes qu’avant », note-t-il. Selon lui, le nerf de la guerre pour les marques, c’est le contenu. « Or qui de mieux que les créateurs de contenus pour le faire ? », plaide-t-il. « Avant, pour un euro de droits sportifs, il fallait en dépenser 6 ou 7 en activation pour créer de l’engagement. Aujourd’hui, avec seulement un euro en activation, voire moins, on arrive à être efficace avec des influenceurs qui peuvent créer tout au long d’un événement une expérience engageante », estime-t-il. Grâce à son format vidéo, TikTok rattrape aujourd’hui Instagram sur ce terrain. En accompagnant à l’année l’organisateur des 24 Heures du Mans, à raison de trois contenus postés sur TikTok chaque semaine, « nous avons réussi à passer le nombre d’abonnés du compte de 70 000 à 145 000 rien qu’en organique », revendique Martin Descroix, head of innovation de l’agence Hobbynote. Autre exemple du rôle joué par ces nouveaux médias : le 8 octobre, Squeezie a attiré 40 000 personnes au Mans et 1 million de visiteurs sur sa chaîne Twitch avec une course automobile réservée aux influenceurs. Comme une vraie chaîne de télévision.