Selon une récente étude de l’Observatoire société et consommation (Obsoco), 63 % des Français envisagent sérieusement d’aller vivre ailleurs dans les cinq prochaines années. Encore faut-il définir cet ailleurs. Ainsi, même si elle ne se situe qu’à une heure en TGV de la capitale avec un climat qui n’a rien à lui envier, la métropole de Lille souffre toujours de clichés dignes de Bienvenue chez les Ch’tis. Créée il y a à peine trois ans, l’agence d’attractivité Hello Lille se démène pour séduire les candidats au changement de vie. « Jusqu’en 2019, nous n’avions pas de bannière pour nous adresser aux différents publics, touristes, voyageurs d’affaires, entreprises, salariés. Je dis souvent que ces populations ont des envies d’ailleurs mais pas forcément de nous : il faut créer cette envie », explique François Navarro, son directeur général. L’agence met en avant les atouts de la région : l’hospitalité, la culture, la gastronomie, un tissu d’entreprises serré autour du groupe Mulliez (Auchan, Decathlon, Kiabi…). Elle mène tous les mois une campagne de publicité dans les métros de Paris et de Bruxelles sur le thème « On se voit dans une heure ? ». Avec une évolution notable des demandes depuis l’épisode covid : « Avant, les entreprises désirant s’implanter nous interrogeaient avant tout sur le coût de l’immobilier et les salaires, aujourd’hui 50 % de la décision repose sur le cadre de vie », affirme François Navarro. Le bien-être des salariés a pris du poids dans les choix d’installation. La région cherche aussi à retenir les étudiants après leur diplôme et à développer le tourisme urbain.
Un cadre de vie essentiel
Comme la métropole européenne, les collectivités locales travaillent leur image pour attirer les visiteurs et investisseurs, et plus encore avec la sortie de crise. Le 12 octobre, des agences d’attractivité de la Manche, du Calvados et de Caen ont organisé un job dating à Paris pour communiquer sur les 16 000 postes à pourvoir dans l’ouest de la Normandie. Intitulé de l’opération : « Je m’installe en bord de mer ». « Depuis quatre ans, nous sommes dans une dynamique exceptionnelle avec un taux de chômage au plus bas, souligne Catherine Brunaud-Rhyn, présidente de l’agence d’attractivité Attitude Manche. Il y a des demandes de recrutement dans tous les secteurs : technologies de pointe, manufactures, services, milieu médical… Mais nous avons un déficit d’image que nous cherchons à combler en mettant en avant la qualité de vie, les paysages et un immobilier encore abordable. Très clairement, depuis les confinements, c’est le cadre de vie qui prime dans la décision de déménager. » Raison pour laquelle l’Eurométropole de Strasbourg communique sur les valeurs écolos d’une ville qui se soucie de mobilités douces et de qualité de l’air. La collectivité a aussi créé Europtimist, un réseau de bénévoles qui facilite l’accueil des arrivants avec un partage de conseils et d’adresses. « Je crois beaucoup à l’humain, à la coopération entre les acteurs », soutient Anne-Marie Jean, vice-présidente de l’Eurométropole. Même inspiration en région Nouvelle-Aquitaine, qui a créé la plateforme Néoptimiste avec un magazine, un site internet et un groupe LinkedIn.
Séduire les télétravailleurs
Autre cible à privilégier pour les collectivités : les salariés en télétravail, qui recherchent l’évasion dans la nature quelques jours dans la semaine. C’est l’atout du Pays de Fontainebleau, à 35 minutes en train de Paris, qui fait la promotion de la forêt et du château auprès des urbains stressés. En septembre 2019, l’office du tourisme a mené une campagne à la gare de Lyon à Paris, avec la diffusion d’une vidéo immersive pour faire connaître cette destination. Depuis la crise sanitaire, l’offre de séminaires d’entreprise s’est étoffée, avec de nouvelles activités : sylvothérapie, équithérapie, yoga en pleine nature, randonnées, soirées VIP au château… « Les citadins avaient un tel besoin de nature qu’après les confinements, les routes étaient surchargées, confie Jean-Michel Geneteau, directeur de Fontainebleau Tourisme. Malgré la météo et l’absence des touristes étrangers, l’été 2021 a été réussi. » Pour lui, « il faut parvenir à développer le tourisme tout en respectant la forêt et les habitants. C’est pourquoi nous encourageons les visiteurs à séjourner sur place, pour prendre le temps de découvrir le territoire. L’offre d’hôtellerie permet d’accueillir des petits groupes ou de mixer séjour en famille et télétravail. Mais nous constatons que les réservations se font de plus en plus à la dernière minute. »
Des podcasts de promotion
Autre région, autre méthode : pour promouvoir un tourisme plus responsable et plus lent, Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme a créé une série de podcasts en partenariat avec Louie Media qui entame sa saison 2. Le programme part à la découverte de villes – Vichy, Annecy, Grenoble… – avec des connaisseurs des lieux. « Aux côtés de nos actions en digital sur les réseaux sociaux et avec des influenceurs, ces podcasts nous permettent de promouvoir un tourisme bienveillant qui prend le temps », témoigne Lionel Flasseur, directeur général de l’office du tourisme. La région mise aussi sur les micro-influenceurs pour faire connaître ses atouts auprès de communautés d’intérêt (nature, culture, gastronomie…). Le dispositif propose également une application, Partir ici, pour encourager le tourisme de proximité. Entre l’envie de changement durable et le nomadisme touristique, les collectivités doivent varier les cibles, les médias et les temporalités.