En 1999, le gouvernement français se dotait pour la première fois d’une charte graphique pour sa communication. Vingt ans plus tard, une étude Kantar révélait un sentiment d’éloignement et d’incompréhension des Français vis-à-vis de leurs institutions et administrations, sentiment exacerbé par une profusion de représentations et un mode de communication en inadéquation avec les nouveaux usages.
Il était donc nécessaire de répondre au besoin d’identité, de modernité et de cohésion de l’État dans sa prise de parole. C’est la mission qui a été confiée par le Premier ministre au Service d’information du gouvernement (SIG), qui a fait appel à l’agence 4uatre en association avec l’agence Madame Bovary. « Lors des premiers échanges en amont sur le brief, explique Camille Vincent, directeur de la création de 4uatre, nous avons eu cette intuition que la typographie pourrait jouer un rôle central dans cette réflexion sur une démarche de marque de l’État, comme un des outils puissants au service de la cohérence globale. »
Un habit moderne
4uatre propose alors au SIG la Marianne, une police de caractères sur mesure développée avec le typographe Mathieu Réguer. Un nom qui vient naturellement à l’agence. « Cette typographie est le visage de la parole et des écrits de l’État, il nous a donc semblé évident de la nommer Marianne », indique le directeur de la création. Son dessin convoque le patrimoine français au niveau des proportions et de la structure. Il est ainsi basé d’une part sur la capitale romaine, ce qui lui confère une dimension statutaire, et d’autre part sur le travail de Claude Garamond pour les bas de casse. Cet imprimeur du 16ème siècle a été le premier à établir le passage entre écriture calligraphique et écriture typographique. « Toutefois, l’enjeu étant de projeter ce nouveau caractère dans le futur, dans le digital, précise Camille Vincent, il est conçu avec une certaine simplicité : pas d’empattement, mais de la clarté, de l’accessibilité, un alignement des formes, une structure géométrique simple. On obtient ainsi une tension, un aller-retour, entre une base patrimoniale humaniste, latine, et un habit moderne et épuré. »
La Marianne est une police très complète composée de douze fontes, six romaines et six italiques, allant du thin à l’extra bold. Ces variations permettent de moduler les messages, d’apporter des hiérarchies de lecture, de travailler sur des contrastes, mais toujours au sein d’une même famille. Elle offre également une lisibilité optimale en digital. « Souvent, dans les projets de branding, on a deux polices, une de titrage, très identitaire, et une autre d’accompagnement, de texte. Là, l’exploit design, c’est de n’avoir qu’une seule fonte, qui fonctionne grâce à la force de son dessin dans les deux contextes », se félicite le directeur de la création.
Une communication harmonisée
Le territoire de marque proposé repose donc sur un système simple, à la valeur d’usage décuplée, pour permettre à l’État de communiquer de façon efficace et harmonisée sur l’ensemble de ses points de contact. « Les maîtres mots de cette nouvelle marque sont la clarté et la cohérence, pour une meilleure portée des messages ; la sobriété, pour aller à l’essentiel ; et l’inclusion, car nous avons le devoir de favoriser l’accès de nos communications à toutes et tous », détaille Michaël Nathan, le directeur du SIG.
Campagnes sanitaires, promotionnelles et de recrutement mais aussi courriers administratifs ou signalétique des lieux accueillant du public : tous les messages emploient cet élément commun et partagé, en passe d’être installé sur l’ensemble des postes des agents de l’État. Plus de 1 000 institutions publiques et près de 20 000 sites internet sont concernés, précise Michaël Nathan. « Jamais une typographie nationale n’a été déployée à cette échelle, complète Camille Vincent. Cette police a permis de redonner de la cohérence aux identités de tous les ministères. Il s’agit presque du plus fort symbole d’unité que l’on pouvait donner pour unir la parole du gouvernement. »
Verbatim
« Un facteur de lien entre l’État et le citoyen »
Michaël Nathan, directeur du Service d’information du gouvernement (SIG)
« La multiplicité des signes est un frein à la lisibilité et à la compréhension de l’action de l’État par les citoyens. L’enjeu est de créer un véritable repère, et par là même de faciliter la réattribution de ses actions. La typographie est un élément central du bloc-marque, facteur d’harmonisation et de mise en cohérence entre tous les supports, toutes les démarches et toute la communication de l’État, et de lien entre l’État et le citoyen. »