Ce jeudi 19 novembre, en regardant l'émission «Quotidien» (TF1), Julien Pontes, cofondateur et porte-parole du Collectif Rouge Direct contre l'homophobie dans le foot, a bondi devant sa télé. Objet de sa colère ? Une déclaration de l'ancien champion du monde de football, Bixente Lizarazu. À Yann Barthès, qui l'interroge au sujet d'éventuels propos homophobes entendus dans les vestiaires, l’ancien joueur de l’Équipe de France, langue de bois, oppose un simple : «Ça ne m’est pas arrivé».
«L’impunité règne ! », commente agacé Julien Pontes qui, chiffres à l'appui, rappelle que le football est encore un milieu sportif où règne l'homophobie. En effet, 41% des joueurs de football professionnel et 50% des joueurs évoluant en centre de formation « ont déclaré avoir des pensées hostiles envers les homosexuels », selon une étude commandée par Paris Foot Gay et coordonnée par le conseiller en psychologie du sport Anthony Mette.
Intolérance
La tolérance n’est pas plus présente chez les supporters puisque d’après les chiffres de l’Anestaps, 33% des supporters de foot admettent tenir des propos homophobes tel que « PD, tarlouze ou tapette ».
Veronica Noseda, cofondatrice de l’association Les Dégommeuses pointe du doigt le silence de la Fédération française de football (FFF). « Les lesbiennes ont été effacées de la communication publique sur le foot notamment par la FFF qui a tout fait pour les gommer de sa communication. Les instances restent relativement aveugles sur la question. »
Le 10 septembre 2019, alors que le début de la saison de football était marqué par de nombreuses interruptions de matches après des banderoles et chants homophobes, le président de la FFF Noël Le Graët ne calmait pas franchement le jeu en déclarant au micro de franceinfo : « L'arrêt des matches ne m'intéresse pas. C’est une erreur. » Une position vivement critiquée.
Sensibilisation
Pourtant, la Ligue de Football Professionnel (LFP) et la FFF ont lancé des partenariats pour mener des actions de sensibilisation dans les centres de formations et auprès des référents supporters des clubs de football professionnel avec plusieurs associations, à l’instar de SOS Homophobie et Foot Ensemble dont le président Yoann Lemaire constate une amélioration et une prise de conscience progressive. « Il y a une évolution depuis deux ou trois ans. On en parle de plus en plus, des joueurs commencent à ouvrir le débat et à s’engager. [...] Souvent les instances sont partantes mais il faut leur livrer un projet clé en main. »
En 2019, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre l'homophobie, le 17 mai, la LFP lançait sa campagne de sensibilisation à la lutte contre les actes à caractère homophobe par un acte médiatique fort. Les capitaines, coachs et arbitres étaient invités à porter un brassard et des lacets aux couleurs de l'arc-en-ciel, celles du drapeau LGBT+. Une opération jugée cependant « trop anecdotique » par Veronica Noseda.
Le rugby ouvre la voie
Du côté du deuxième sport français, la Ligue nationale de rugby (LNR) a commandé une étude afin de faire un état des lieux de l'homophobie dans le rugby. Celle-ci a révélé que 75% des pratiquants estiment qu’il est difficile d'être homosexuel dans le monde du rugby professionnel.
La LNR a alors réagi en lançant dès le mois de février son programme national « Célébrons la diversité » en commençant par le pilier #Plaquons l’Homophobie, en partenariat avec Têtu et la Société Générale, dans le but « de mettre en pratique les valeurs de vivre ensemble, d’intégration et de diversité du rugby », explique Thomas Otton, porte-parole de la ligue.
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La Ligue Nationale de Rugby affiche clairement son ambition de « faire bouger les lignes et montrer l’exemple » via des actions de terrain comme des ateliers animés par Têtu dans les 30 clubs professionnels, des entraînements avec des clubs inclusifs à l’image des Coqs Festifs ou encore des journées de championnats inclusifs. Au total ce ne sont pas moins de 30 événements qui sont programmés pour 2021.
Le foot a de quoi en prendre de la graine. De son côté, Yoann Lemaire de Foot Ensemble promet un gros coup de communication de la LFP pour le mois de mai 2021. « Une campagne nationale pour sensibiliser à la lutte contre l’homophobie est en cours de définition », confirme, sans en dire plus, la LFP, évoquant une étroite collaboration avec les associations. 2021, année de l'éradication de l'homophobie des stades ? Les paris sont pris.