Parlez-nous de ManyVids. Comment l’idée est-elle née et qu’est-ce que cette plateforme a de différent?
Avant de créer ManyVids, j’étais camgirl, et avant d’être camgirl, j’étais cheffe d’entreprise. J’ai créé des collections de vêtements mais en raison d’importants dégâts dans la boutique que je gérais, je me suis retrouvée endettée. Il a fallu éponger les dettes et un ami m’a conseillé de faire du live cam. C’était une activité lucrative mais j’ai vite réalisé qu’il y avait de réels soucis pour ce type de travailleurs, qu’on manquait d’outils et d’accompagnement. J’en ai donc parlé à Sed Dehan, qui est aujourd'hui directeur général de ManyVids, et à un autre ami, Gino Sciretta. Nous nous sommes attelés à créer cette plateforme correspondant à ce dont j’avais envie en débutant, à savoir un refuge où les artistes adultes sont respectés en tant qu’entrepreneurs indépendants, qui accompagne les talents et grâce à laquelle ils peuvent correctement gagner leur vie. Mais aussi un site sur lequel les internautes peuvent profiter de toutes les formes de sexualités et voir des modèles très diversifiés. MV est une plateforme basée sur le body positive et le sex positive, ce qui n’est pas le cas de la majorité des sites concurrents.
Quels sont les chiffres clés de ManyVids à date?
ManyVids compte aujourd’hui près de 130 collaborateurs et la plateforme héberge plus d’un million de vidéos. D’après une récente étude Alexa, ManyVids est à la 362ème place au classement des sites les plus visités aux Etats-Unis et figure dans le top 800 des sites les plus visités au monde grâce aux 3 millions de membres qui suivent quotidiennement 87 000 artistes, que nous appelons ‘‘MV Stars’’. ManyVids, c’est aussi 70 millions de pages visitées tous les mois.
En termes de communication, pourquoi avoir choisi de rester en retrait avant de faire savoir que vous étiez derrière le projet ManyVids?
Nous n’avons pas pensé cette plateforme comme un produit dérivé de Bella French mais comme un outil à part entière pour les cammers. Nous avons travaillé longuement avec mon équipe pour mettre au point tous les détails et l’imposer dans le paysage web. Atteindre les objectifs était mon obsession et être la figure de proue de ce gros navire m’aurait pris trop d’énergie. J’avais envie de la mettre ailleurs et de rester concentrée sur le développement. J’avais aussi envie que le site se suffise à lui-même. Il a tous les atouts pour exister de manière indépendante. Une fois le site lancé, je n’ai eu aucun souci à me montrer en tant que PDG de la plateforme. J’en étais même fière!
Estimez-vous que votre passage par HEC Montréal est l’une des clés de la réussite de votre société et de sa gestion au quotidien?
HEC m’a apporté la discipline et une approche précise des affaires, c’est certain. Mais j’ai aussi beaucoup appris d’hommes et de femmes d’affaires qui m’inspirent, et de mes expériences passées. Je trouve les entrepreneurs fascinants. Encore aujourd’hui, je m’intéresse au parcours de plusieurs d’entre eux, que je considère comme des mentors. Jack Ma, cofondateur du site Alibaba, est un exemple à ce titre. Venu de rien, il a connu des temps difficiles et personne ne croyait en lui au début, un parcours qui fait écho à ma situation personnelle. Donc si HEC m’a permis de me crédibiliser dans le milieu des affaires, l'expérience et les inspirations sont quand même ce qu’il y a de plus formateur.
Faut-il déduire du succès de ManyVids que les principes sur lesquels s’appuie la plateforme (body positive, sexe positive, fair business…) correspondent à l’évolution des attentes du public?
En tout cas, c’est très important pour nous. C’est même la raison pour laquelle ManyVids est née. Concernant les attentes du public, il faut croire que oui puisque le nombre de visites est exponentiel. Le monde change, évolue. On ne peut pas penser le divertissement sexuel comme dans les années 80. Les sexualités, aussi marginales soient-elles, s’affirment partout aujourd’hui et notre plateforme est le reflet de ce qui existe dans les foyers du monde entier. Les trans existent et ont une vie sexuelle, les personnes en surpoids aussi et ça plaît beaucoup! Chez ManyVids, nous croyons que tout le monde devrait avoir les mêmes droits et les mêmes possibilités, peu importe d’où il vient, ses croyances, sa culture, son orientation sexuelle ou son âge.
De la même manière, l’aspect techno est-il primordial pour se démarquer et fidéliser les internautes?
La technologie évolue sans cesse et c’est un outil incroyable de développement. C’est notre socle de travail donc nous sommes très sensibles à son évolution. Nous essayons d’être à la pointe de ce qu’on peut proposer aux internautes. Il y a évidemment beaucoup de travail à ce niveau, une énorme marge de progression mais c’est justement ce qui nous motive. Cela veut dire qu’on peut sans arrêt promouvoir de nouvelles fonctionnalités sur notre plateforme, c’est une forme de renouvellement permanent! Et, personnellement, travailler pour se démarquer, c’est ce qui m’anime le plus dans le fait de gérer une entreprise.
La production d’un documentaire comme #WeAreMany contribue à nourrir le récit de l’ascension de ManyVids. Le storytelling est-il devenu un passage obligé pour faire émerger une marque?
#WeAreMany est né de l’envie d’ouvrir les portes de MV au public. Car si l’on existe, c’est grâce aux internautes et à nos millions de visiteurs. Nous essayons de changer la façon dont le monde perçoit le travail du sexe et les travailleurs du sexe et #WeAreMany contribue à cela. Il faut raconter des histoires, les incarner pour que le public puisse se projeter. Mais, quand on y regarde bien, on remarque qu’il n’y a pas tellement de storytelling à faire nous concernant. Il s’agit juste de mettre en images et en mots ce que l’on vit au quotidien. La réalité se suffit à elle-même. Nous devons juste bien la montrer.
Quelles sont vos perspectives à court et plus long termes?
J’envisage de redonner au maximum la possibilité aux travailleurs du sexe et entrepreneurs indépendants de devenir prospères. Le travail du sexe sera radicalement transformé dans les prochaines années. Je crois au changement et avec une vision solide, du temps et des outils adéquats comme MVTube, nous atteindrons notre objectif, à savoir circonscrire très largement le piratage de l’industrie adulte et la rendre rentable pour ceux qui en sont à la source.
Chiffres clés
87 000 Nombre de MV Stars
1 million Nombre de vidéos hébergées par la plateforme
3 millions Nombre de membres que compte la plateforme
70 millions Nombre de pages visitées tous les mois