Demain, les annonceurs ne feront plus de publicité en télévision de la même façon. C’est ce qui se profile avec la réforme audiovisuelle prévue pour 2020, qui va notamment introduire la publicité segmentée et géolocalisée à la télé. Autrement dit, il sera possible pour une marque de diffuser un film publicitaire différent selon le lieu d’habitation des téléspectateurs ou le profil du foyer. Pour les annonceurs locaux, qui n'auront toutefois pas le droit de mettre l'adresse de leur magasin en fin de spot, ce sera l'occasion de communiquer de façon plus ciblée, donc en optimisant leurs budgets…
Tandis que se construit ce nouveau cadre, qui pourrait donc bénéficier aux «petits» annonceurs comme aux plus gros, les fournisseurs de solutions publicitaires lancent de nouvelles offres à l'attention des PME-PMI. Le but : ouvrir le champ des possibles à ces acteurs intéressés par l’opportunité de communiquer même sans gros moyens financiers. C'est le cas de Realytics, qui mesure la performance des campagnes TV sur le digital, et qui a lancé début octobre Adkymia, une plateforme d’achat TV en programmatique. L’objectif est de digitaliser l’achat de la publicité télévisée pour la rendre accessible aux PME. «Avec cette première française et européenne, Adkymia rend la publicité TV linéaire (télévision classique) accessible au plus grand nombre de marques», indiquait la société au lancement. De son côté, le trading desk Gamned! (groupe TF1) a élargi sa palette de services à la TV linéaire, dont il propose, depuis peu, d’optimiser l’achat. Une façon, là encore, d’ouvrir ce type de dispositif «aux acteurs absents du paysage audiovisuel», revendique l'entreprise.
Autre exemple, Smart, plateforme de monétisation publicitaire, a dévoilé en septembre un outil capable notamment d’analyser les données de consommation TV afin de segmenter les audiences et, au bout du compte, d’optimiser le ciblage des publicités. Dans un contexte de rationalisation des budgets, le ciblage reste l’une des clés d’une opération de communication réussie.
1. Gifrer se paie le petit écran
Télévision
Oui, les PME peuvent aussi avoir accès à la publicité télévisée. C’est ce que démontre une campagne pour le laboratoire Gifrer orchestrée par 9 secondes, «société de production de spots pub TV ultra courts», comme elle se définit. L’opération repose sur un spot de 13 secondes visant à promouvoir les produits pour bébé du laboratoire, qui compte 210 collaborateurs. «La logique est celle de l’ultra-ciblage», explique Gilles Madec, dirigeant de 9 secondes. Le spot est diffusé, tout au long de l’année sauf l’été, dans un environnement permettant de toucher les femmes en fin de grossesse et les toutes jeunes mamans, essentiellement autour de La Maison des Maternelles (France 5) et Baby Boom (TF1). Sur 2019, 70 à 100 spots sont programmés. «La promesse est celle de l’accès à la télévision. La presse parentale n’a pas la même puissance de persuasion. Sans compter l’effet magique de la TV : cela impressionne davantage le réseau de pharmaciens [où sont vendus les produits Gifrer] qu’ils soient présents en TV toute l’année», détaille Gilles Madec. Le budget brut de la campagne, démarrée en 2017, s'établit à 170 000 euros pour cette année. «Elle est agile car nous sommes obligés d’aller sur des supports ultra-ciblés. Je ne vois pas l’enjeu d’être sur TF1 pendant un match de football. Là, nous sommes au cœur de la cible», explique Céline Rambaud, responsable marketing et innovation produits chez Gifrer. L’impact sur les ventes est jugé satisfaisant : «Alors que le marché régresse en 2019, nous diminuons moins que lui» .
2. Pic&Pick touche ses concurrents au vif
Réseaux sociaux
Ce n’est pas parce que l’on vise une cible B to B que l’on ne peut pas faire preuve d’impertinence. En témoigne une récente campagne orchestrée par l’agence The Good Company pour Pic&Pick, une banque d’images française et solidaire (qui reverse une part de ses revenus à des associations ou fondations partenaires), créée en 2018. Pour séduire les communicants en agence ou chez l’annonceur, l’entreprise a diffusé sur ses réseaux sociaux, du 27 août au 11 septembre, un film de promotion de son offre. Sa particularité : il était constitué de visuels de banques d’images traditionnelles - ses concurrentes - articulés de façon à raconter une histoire avec des personnages, «Cynthia, Jennifer, Cyril, Félix et Steven», et avec Fred Testot en voix off. Le tout pour un budget de 21 000 euros incluant la production, l’investissement média et les honoraires de l’agence. «C’est très peu comme budget, explique Julien Quidor dit Pasquet, membre fondateur et directeur commercial de The Good Company. C’était une contrainte de création et, finalement, cela a été le point de départ de la campagne. Nous avons pris les banques concurrentes au pied de la lettre car elles se targuent de pouvoir raconter toutes les histoires avec leurs images.» Les résultats ont dépassé les attentes : la vidéo a enregistré 365 000 vues, contre 270 000 estimées, et généré plus de 30 000 interactions sur la période. Côté business, les équipes s'attèlent depuis la fin de la campagne à transformer l’essai.
3. Corsair vient toujours aux soirées
Événementiel
Welcome to Miami… sous le ciel de Paris. À l’occasion de l’ouverture de sa nouvelle ligne reliant les deux villes, la compagnie aérienne Corsair a orchestré avec la plateforme de publicité Paris Tonic une opération de communication incluant événementiel, influence, média et vidéo. Elle souhaitait avec cette campagne, baptisée «Miami Vibes», cibler plus particulièrement les millennials. En mai 2019, une soirée est organisée simultanément sur trois rooftops parisiens autour de trois ambiances rappelant la ville américaine : plage, cubaine et arty. En amont et en aval, l’événement a été promu dans les médias (le site de bons plans Gustave & Rosalie, le guide de sorties TimeOut, la radio Nova) via notamment des newsletters et des relais sur les réseaux sociaux. Des influenceurs ont aussi été sollicités. La soirée a également été captée en vidéo. Au total, l’événement a rassemblé 300 personnes sur place et a permis, via le digital, d’en toucher 4,5 millions. À titre d’exemple, la vidéo a été vue plus d’1,2 million de fois. Le budget de l’opération était compris entre 150 000 et 200 000 euros. «L’idée proposée au client était d’investir plus smart, c’est-à-dire de façon mieux ciblée, explique Antoine Constantin, directeur de Paris Tonic. Nous ne souhaitions pas faire de l’influence “juste” pour faire de l’influence mais nous avons essayé de créer un fil rouge que l’on pouvait tirer sur chacun des supports». Une manière de proposer une campagne cohérente sur chacun des canaux utilisés.
4. O2 recrute à la pompe à essence
DOOH
Lorsqu’il remplit son réservoir à la station-service, un automobiliste a un peu de temps et d’attention disponibles. C’est là qu’O2 est venu le cueillir. L’entreprise spécialisée dans les services à la personne a déployé une campagne de recrutement sur des écrans DOOH (digital out of home) disposés à un endroit inattendu : au niveau des pompes à essence. Une vidéo sonore de dix secondes proposant de rejoindre l’entreprise y était diffusée tout au long de la journée, au milieu d’une boucle de 90 secondes comprenant des publicités pour d’autres annonceurs. Via ce média qui se veut différenciant, l’idée était de miser sur la répétition et la proximité afin de trouver les futurs collaborateurs de l’entreprise. L’objectif de la campagne était également de renforcer la notoriété d’O2. Développée, comme l’ensemble du dispositif, avec l’agence Fill Up Média, la vidéo a été montrée sur 1804 écrans dans 182 stations-services de différentes enseignes, situées un peu partout en France mais sélectionnées par rapport aux agences de l’annonceur. L’opération, déployée en juillet 2019, a duré quatre semaines. «Les résultats ont été meilleurs qu’avec de l’affichage traditionnel», assure Manuel Berland, président de Fill Up Média. Une centaine de candidatures ont été reçues sur la durée de la campagne, dont le budget total était de 86 000 euros. Jugée satisfaisante, l’opération devrait être renouvelée.
5. Virgin Radio rajeunit les artistes
Vidéo
Les auditeurs migrent de la radio aux plateformes de streaming ? Qu’à cela ne tienne : pour tenter de les retenir, Virgin Radio a imaginé en mars 2018, avec l’agence La Chose, un dispositif original sur YouTube. L’idée de cette campagne, baptisée «Ils ont fait leurs premiers pas sur Virgin Radio», a consisté à proposer des versions revues et corrigées des clips de quatre artistes (Angèle, Jain, Ofenbach et The Pirouettes) en lieu et place des pré-rolls traditionnels. Durant une vingtaine de secondes, dans ces images, les chansons étaient interprétées en playback par des enfants ressemblant à leurs modèles, le tout dans des décors inspirés des clips originaux. Une façon de toucher les jeunes, utilisateurs assidus de la plateforme vidéo. La radio musicale disposant de moyens moins importants que ses consœurs généralistes, l’opération a été réalisée pour moins de 150 000 euros. Pour rester dans les clous, une stratégie d’ultra-ciblage - car orientée sur quatre clips - a été privilégiée. Le recours aux musiques des artistes concernés a permis, en parallèle, de limiter les frais de production. Un pari visiblement gagnant puisque l’opération a enregistré plus de 7 millions de vues et 17 millions d’impressions. Elle s’est accompagnée d’un jeu-concours sur les réseaux sociaux ainsi que d’une campagne d’affichage dans le métro parisien et de mises en avant dans la presse (hors budget).
6. O’Tacos offre sa tournée
Influence
Dans le cadre d’une opération orchestrée par Smile Conseil, agence de communication digitale, sept influenceurs ont participé à un Tour de France et de Belgique pour les restaurants O’Tacos. Au départ, l’agence souhaitait réunir tous ses influenceurs à travers un même projet et c’est la marque de restauration rapide qu’elle a choisie pour lui faire bénéficier de leur écho. Le plus suivi du groupe, vargasss92, comptabilise 1,5 million d’abonnés sur Instagram et plus de 3,2 millions sur Snapchat. Dans sept villes (Paris, Lyon, Marseille, Lille, Grenoble, Bruxelles et Liège), tous sont partis, dans un bus personnalisé aux couleurs de l’opération, à la rencontre du public et des abonnés, que ce soit en grand comité ou en groupes plus restreints et «exclusifs» dans les restaurants de l’enseigne. Au menu également : des défis mettant en avant la marque, comme «le O’Tacos presque parfait» ou «Qui veut gagner des O’Tacos», et des activités notamment sportives pour les influenceurs. Une communication quotidienne sur les réseaux sociaux a évidemment accompagné cette tournée, organisée sur quinze jours, en avril 2019. La campagne disposait d’un budget de 150 000 euros payés par la marque, incluant la logistique, les activités, les montages des vidéos promotionnelles..., auxquels s'est ajoutée une autre partie prise en charge par l’agence. Pour aller plus loin, un reportage réalisé pendant l’opération a été diffusé le 16 septembre au cinéma. La campagne a été couronnée par 55 millions de vues avec la mention de l’enseigne.
7. Charles & Alice font déguster les consommateurs
Street marketing
«Les annonceurs veulent plus avec moins de budget, il nous faut donc être malins. » Résumé par Virginie Batlle Jourdan, directrice conseil et développement au sein du groupe Globe, ce postulat a inspiré une opération réalisée à l’été 2019 pour Charles & Alice, société de fabrication de desserts aux fruits comptant 400 personnes. Entre le 15 août et le 15 septembre, l’entreprise est allée à la rencontre des consommateurs dans les gares, centres commerciaux, stations balnéaires et aux abords des enseignes de distribution, via un foodtruck doté d'une terrasse aménagée et un comptoir mobile, où des dégustations étaient proposées. L’objectif était notamment de booster l'image et les ventes de l'entreprise. L’initiative s'est doublée d’un concours photo sur Instagram afin de lui donner de l'écho tout en créant du brand content sur les réseaux sociaux. Le budget s’est établi à moins de 200 000 euros. Preuve de son caractère «malin», le dispositif a permis de toucher un public à la fois B to C et B to B, le foodtruck se rendant aussi au siège des enseignes de distribution. «Cela permet à l’annonceur de se mettre en avant par rapport aux enseignes et de travailler son référencement en amont», explique Virginie Batlle Jourdan. L’agence s’est aussi attachée à optimiser les coûts de production, par exemple en privilégiant la location du matériel. Au total, 5 villes (Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux et Avignon) ont été animées, 17 sites activés et plus de 600 000 Français touchés.
8. Bizzbee campe sur les réseaux sociaux
Digital
Sans les mêmes moyens que les géants de la mode pour faire une grande campagne média, Bizzbee, marque de vêtements et accessoires comptant 70 magasins en France, a trouvé la parade pour développer sa notoriété auprès des jeunes. Elle a entrepris, audacieusement, de prendre la parole tous les jours sur les réseaux sociaux. «Nous avons publié un contenu par jour pendant quasiment neuf mois, week-end compris, se remémore Gwenola Malagie, directrice marketing et commerce digital de Bizzbee. Nous avons appelé cela “les 365 Manifestos”.» Le principe était de tester différents formats, réseaux sociaux et horaires pour regarder ce qui fonctionnait le plus sur la cible visée afin de le reconduire à plus grande échelle. Ainsi, au fil des semaines, le rythme et la nature des publications ont été affinés. «Aujourd’hui, nous postons beaucoup sur Instagram. Le repost de contenus en stories avec des produits portés par les clients est un format qui marche bien», raconte la directrice marketing. Une façon, par la même occasion, de baisser les coûts de production, ces contenus étant réalisés par la communauté. D’ailleurs, aucun budget de production spécifique n’a été nécessaire. En effet, la marque a puisé dans les photos déjà produites pour ses campagnes «institutionnelles ». «Les 365 Manifestos » ont notamment permis de booster de 94 % le taux d’engagement sur Instagram, de générer 286 700 interactions et d’atteindre plus de 9,2 millions de personnes. Orès, agence lilloise de publicité et production, a accompagné cette réalisation.
9. Fenotek amuse les téléspectateurs
Télévision
Comment communiquer lorsque l’on est une start-up de quatre ans d’existence avec face à soi des «gros» comme Legrand ou Nest (Google) ? En jouant la carte du décalage. «Grâce aux salons professionnels que nous faisions, notre produit bénéficiait déjà d’un succès d’estime. Il s’agissait de le transformer en succès commercial. Nous communiquions déjà via les réseaux sociaux. Il fallait passer à la vitesse supérieure», raconte Bruno Davoine, dirigeant cofondateur de Fenotek, jeune pousse spécialisée dans les interphones vidéo connectés. Pour la première fois, en mai 2019, l’entreprise s'est lancée dans la publicité télévisée, en faisant le choix d’un ton humoristique, pour se différencier. Avec l'accompagnement de l'agence marseillaise Culture de Marque, elle a tourné une publicité, débouchant sur la diffusion sur CNews, pendant deux semaines, de 25 spots de dix secondes et autant de vingt secondes. Les spots les plus longs ont également été diffusés sur les réseaux sociaux de l’entreprise. Budget total : environ 50 000 euros pour la production et la diffusion. Il s’agit de la dépense la plus élevée jamais consentie par l’entreprise pour sa communication. Le ROI paraît impressionnant : «Sur notre site, les visites ont été multipliées par six», se réjouit Bruno Davoine. Les ventes, elles, ont été multipliées par dix, un boom auquel la publicité n’est évidemment pas étrangère. Façon de rentabiliser encore l’opération, une nouvelle campagne basée sur les rushs sera diffusée fin octobre ou début novembre sur la plateforme 6Play.
10. Tiptoe épingle ses produits sur Pinterest
Numérique
Les internautes viennent sur Pinterest pour s’inspirer. Tiptoe a voulu profiter de cette vague d’intérêt. Au printemps 2019, la marque de création de mobilier née en 2015 à Paris a misé sur la plateforme de partage d’images, qui représente 10% de ses commandes, pour augmenter ses ventes. Elle a pour cela notamment utilisé les épingles sponsorisées, ce qui lui a permis de fournir aux personnes intéressées des informations sur des produits présentés en photo, notamment leur prix. De quoi peser favorablement sur les ventes. Les résultats «très encourageants» ont d’ailleurs conduit l’entreprise à renouveler la campagne à l’été 2019. Pour la première vague, le budget n’a pas dépassé 5 000 euros. «L’arrivée d’une nouvelle plateforme sur le marketing payant est une opportunité pour les marques : le fait d’être parmi les premiers à l’utiliser, moins en concurrence avec d’autres annonceurs, présente un avantage au niveau du coût», se félicite Vincent Quesada, cofondateur de la marque, qui emploie aujourd’hui 15 personnes et dont les produits se sont vendus dans plus de 40 pays. Le dirigeant apprécie aussi «la qualification de l’audience» sur Pinterest, où la décoration fait partie des sujets les plus prisés, avec la beauté, la mode et la nourriture. La garantie, a priori, de toucher un public vraiment concerné par le sujet.