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Troisième et dernier volet de notre série pré-Cannes. Depuis une dizaine d’années, le festival de la publicité accueille certains des plus grands annonceurs mondiaux, comme les patrons marketing monde de Procter & Gamble et Coca-Cola, qui témoignent pour Stratégies.

Grand messe annuelle de la publicité mondiale, les Cannes Lions ne sont pas qu'une course aux prix créatifs entre agences. Les annonceurs se déplacent également sur la Croisette, du moins les plus internationaux d'entre eux. En témoigne la présence récurrente d'un «quatre majeur», qui s'illustre d'ailleurs souvent dans les remises de prix créatifs, une sorte de «G4» composé par les géants Procter & Gamble, Unilever, Coca-Cola et McDonald's.

«Seuls quelques annonceurs, comme par exemple Procter & Gamble, ont défini une politique en matière de créativité dans leur stratégie, remarque Anne-Marie Gaultier, présidente du Club des annonceurs et directrice marketing des Galeries Lafayette et du BHV. Chez les annonceurs français, la crise a changé la donne. Avant cette dernière, les agences invitaient plus souvent leurs clients.» Si bien que la plupart des membres du Club des annonceurs français ne se rendront pas aux Cannes Lions.

Présent en force cette année avec une vingtaine de personnes, Procter & Gamble est l'un des annonceurs historiquement liés au festival. Ancien directeur marketing monde de la multinationale, le charismatique Jim Stengel avait initié en 2003 la première venue de l'entreprise sur la Croisette, organisée de manière spectaculaire. Depuis, il a quitté le groupe, mais sera cette année au commande de la première «Cannes Creative Academy For Young Marketers», une semaine intensive destinée aux spécialistes du marketing âgés de moins de trente ans.

Son successeur chez Procter & Gamble, Marc Pritchard, perpétue la tradition. «Nous avons été l'un des premiers annonceurs mondiaux à se rendre à Cannes, souligne-t-il. Nous avons toujours fait le choix de la créativité en matière publicitaire, c'est pourquoi nous nous rendons au festival chaque année.» L'an dernier, Procter & Gamble a obtenu un Grand Prix pour sa marque de produits d'hygiène et de beauté Old Spice, dans la catégorie Film. L'évolution des relations entre les annonceurs et les Cannes Lions s'analyse aussi par la chronologie des événements.

Jonathan Mildenhall, vice-président responsable de la stratégie publicitaire monde de Coca-Cola, n'a pas manqué une édition du festival depuis seize ans, d'abord en tant que publicitaire (il a été président de TBWA Londres, après des passages chez BBH et McCann), puis pour la célèbre marque de soda. «Ce n'est qu'au début des années 2000 que les annonceurs ont commencé à prendre Cannes très au sérieux, se souvient-il. Coca-Cola, McDonald's, Procter & Gamble et Unilever ont commencé par effectuer des présentations. Voici environ cinq ans, les agences interactives ont rejoint en nombre le festival, suivies depuis près de trois ans par les entreprises high-tech. L'an dernier, Microsoft avait une présence importante.»

Echanges autour du thème de la créativité

A mi-chemin entre orient et occident, Cannes fait figure de «hub» mondial de la créativité. Les annonceurs y rencontrent les agences du monde entier, en particulier celles des réseaux publicitaires internationaux. «C'est le seul moment de l'année où tout le monde se retrouve dans un seul lieu de manière officielle, note Jonathan Mildenhall. Par exemple, cette année, j'ai prévu de voir Ogilvy Asie, qui a changé ses équipes créatives. Je les rencontrerai sur place.»

Chez Procter et Coca, les rendez-vous se succéderont inlassablement. Signe des temps, ils alterneront agences de publicité et géants des technologies numériques. «Durant ma semaine à Cannes, j'ai dix réunions de prévues par jour, glisse Jonathan Mildenhall, de Coca-Cola. Je vais rencontrer les dirigeants de nos agences de publicité, comme Ogilvy, Wieden + Kennedy, McCann et Johannes Leonardo, pour parler de points de vue créatifs. Mais je dois voir aussi Google, Microsoft, Apple et Facebook en particulier.» Même refrain du côté de Marc Pritchard, de P & G. «Parmi les rencontres prévues dans mon programme figurent entre autres des réseaux comme Omnicom, Publicis et WPP, explique-t-il. Mais aussi des sociétés comme Google, Facebook ou Microsoft. Ces rencontres sont à la fois une manière d'échanger des idées entre décideurs et de monétiser notre communication à travers de nouvelles approches.»

Ces échanges sur le thème de la créativité sont justement la marque de fabrique des Cannes Lions. «L'intérêt de la présence au festival tient aussi à ce dialogue sur des sujets créatifs en dehors de nos propres campagnes, considère Anne-Marie Gaultier, du Club des annonceurs. C'est l'occasion rêvée de plonger dans un bouillon de culture créative, rencontrer des annonceurs sur son marché et d'autres personnes des agences avec lesquelles nous travaillons. Pour nos membres qui n'y vont pas, nous organisons après le festival un décryptage des travaux présentés en compétition.»

Entre annonceurs, on a des choses à se raconter à Cannes. «Cette année, je rencontrerai Nike, Levi's et Unilever afin de parler de développement durable, de technologie et de planning stratégique, détaille Jonathan Mildenhall. Ces réunions avec les autres annonceurs sont informelles et nous ne parlons pas des relations avec nos agences respectives.» Mais la constitution de réseaux côtoie les conférences et les séminaires, qui deviennent les temps forts de la semaine des grands annonceurs. Une sorte d'atelier mondial de l'excellence publicitaire.

«Depuis 2007, j'ai rejoint Coca-Cola et je vais au festival dans la peau d'un annonceur, raconte Jonathan Mildenhall. Je passe beaucoup plus de temps dans les conférences et les séminaires. Autrefois, j'y allais surtout pour faire du réseau.» Mardi 21 juin, il animera une conférence intitulée «Coca-Cola, Liquid and Linked Mystique» sur le «storytelling». Sous l'influence des technologies numériques, celui de Coca-Cola évoluera notablement dans les deux à trois prochaines années.

Du côté de chez Procter & Gamble, Marc Pritchard marquera une pause. «Pour cette édition du festival, nous n'organisons pas de conférence, mais nous en avons tenu ces deux dernières années», rappelle-t-il. En 2010, il a ainsi animé un séminaire sur le thème du passage du marketing à des actions concrètes en faveur des consommateurs et leurs nouveaux modèles de créativité («From Marketing to serving Consumers and the New Approaches, Partnerships and Models that drive purpose-inspired creativity»). «Contrairement à d'autres festivals, les Cannes Lions ne sollicitent guère les annonceurs, regrette Anne-Marie Gaultier. Le cercle vertueux serait bouclé si nous étions plus associés à l'événement.»

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