Un mois après le Festival du film, Cannes rouvre son Palais des festivals du 19 au 27 juin pour accueillir la 62e édition des Cannes Lions et la 2ème des Health Lions. Deux nouveautés font leur apparition cette année: la catégorie «Glass», récompensant les campagnes qui «bousculent les préjugés sexistes et brisent les images stéréotypées des hommes et des femmes encore ancrées dans les messages publicitaires et marketing» et les Lions Innovation Festival (25 et 26 juin). Ce dernier mettra un coup de projecteur sur la manière dont la data et la technologie peuvent être des catalyseurs pour la créativité.
Pendant six jours, les jurés (dont treize Français) seront donc chargés de commenter, d’évaluer et de noter 37 426 campagnes, réparties dans 17 catégories. À l’issue de cette semaine, un successeur aura peut-être été trouvé à Harvey Nichols et sa campagne «Sorry, I spent it on myself» (Adam & Eve DDB London), multiprimée l’an dernier. De nouvelles agences françaises monteront sur le podium, certaines –espérons-le– au plus haut niveau comme, l'an dernier, Iconoclast avec le Grand Prix Cyber pour le site 24 Hours of Happy de Pharrell Williams, ou comme les multiprimées Marcel («Fruits et Légumes moches»/Intermarché) et Leo Burnett « («Ne serait-ce qu’une seconde»/Fondation Mimi). En attendant, toutes pourront se retrouver au French Camp Cannes de l’AACC.
Outdoor
Valérie Chidlovsky, conceptrice-rédactrice chez BETC
« Être jurée du prix Outdoor me permettra de faire un tour du monde mental en échangeant de manière prolongée avec des créatifs d’autres pays. Je trouve que cette catégorie est de moins en moins classique et de plus en plus technologique. De manière générale, depuis quelques années, j’ai remarqué que les publicités étaient souvent live. On rentre en contact avec les gens, virtuellement sur internet et réellement avec l’explosion des stunts. C’est drôle, très expérimental en fait. Ce sont des performances un peu arty. Mais j’adore toujours autant l’affiche traditionnelle.»
Press
Pierrette Diaz, vice-présidente en charge de la création de Young & Rubicam Paris
«À Cannes, on mesure bien l'évolution de notre profession. Depuis quelques années, on assiste à un éclatement des catégories qui sont de plus en plus nombreuses, pointues, précises. En catégorie Press, les idées ont tendance à se répéter, c'est donc difficile de se renouveler. On exploite tous les genres, il n'y a pas qu'une manière de faire, on se lâche beaucoup plus. Les idées sont très riches. On observe un retour à la rédaction, à l'illustration, au minimalisme, à l'exploit photographique. Dans cette catégorie, je pense que la Grande-Bretagne et de manière générale les pays européens sont les plus forts.»
Glass
Catherine Emprin, directrice générale de BETC
«Dans cette toute nouvelle catégorie, j’espère voir une renaissance du féminisme car il en a besoin. Féminisme doit cesser d’être un gros mot. J’espère voir des campagnes et travaux porteurs d’un renouveau de ces thèmes féministes, d’un élan non victimaire qui engage tout le monde, hommes et femmes, et qui laisse exister les différences entre hommes et femmes. Sinon, ce que je préfère à Cannes c’est m’enfermer dans une salle, entourée de créatifs qui viennent de partout, et être exposée à tous ces morceaux de bravoure, y reconnaître les différences de culture, et parfois, avec certaines copies, voir au contraire qu’elles parviennent à les transcender et à saisir quelque chose d’universel.»
Media
Laurent Foisset, directeur général d’IPG Mediabrands
«Cannes Lions est le Mondial de la publicité. Mais contrairement au Mondial de football ou aux Jeux olympiques, il a lieu tous les ans, avec du beau jeu, du suspens, des pays qui émergent, qui surprennent, des stars et tout le folklore autour! Être à Cannes c’est bien, être juré c’est la position idéale pour prendre le pouls de l’industrie, les meilleures campagnes, les tendances émergentes… Dans la catégorie Media, il faut garder à l’œil des pays comme les États-Unis ou l’Australie!»
Promo & Activation
Mark Forgan, directeur de création chez Rosapark
«L’Australie et la Nouvelle-Zélande se sont toujours distinguées depuis la création de cette catégorie Promo & Activation. Parce que les budgets sont plus petits, ces nations se doivent toujours de trouver des idées innovantes pour créer de l'impact. Maintenant, au-delà de ces deux nations, nous attendrons beaucoup cette année de l’Angleterre et des États-Unis, la promo occupant une large part de leur culture publicitaire. Depuis un an ou deux, ce secteur décolle en France avec des cas aussi célèbres qu’Intermarché. Je m’attends à voir plus d’entrées et surtout plus de succès français dans cette catégorie. J'ai déjà vu quelques grands cas promos sortir cette année sur Burger King et Transavia, et encore plein d’autres qui n'attendent qu’une chose: être jetés aux lions!»
Branded Content & Entertainment
Cédric Guéret, codirecteur de la création de Publicis Conseil
«Si les Cannes Lions restent la référence, à titre personnel, je préfère avoir un D&AD qu’un Lion. Toutefois, c’est un honneur d’y être juré, d’autant plus dans une catégorie qui représente l’avenir de la réclame. Être juré dans cette catégorie me permettra de voir ce que les autres pays font en termes de brand content et brand entertainement. Car si en France, on sait faire du brand content, ce n'est pas vraiment le cas en brand entertainment, contrairement aux Américains. Par exemple au Superbowl, les publicités comme celles de Skittles font partie intégrante du programme.»
Film
Jasmine Loignon, directrice de création chez BETC
«Cannes Lions est un rituel, une référence et un symbole. Y aller aiguise toujours ma curiosité, car on en revient souvent inspirés et encore plus exigeants. Depuis quelques années, j’ai remarqué l’intégration grandissante, l’expérience de plus en plus cruciale, et la complexité, dans le bon sens du terme. J’espère que cette année nous allons récompenser des créations différentes, courageuses. C’est le rôle d’un tel festival: montrer de nouvelles écritures, révéler des talents. C’est une chance d’être jurée à Cannes afin de pouvoir juger des travaux de qualité, de détecter ceux qui deviendront peut-être des références du secteur.»
Film Craft
Pierre Marcus, président & CEO de Prodigious France
«Comme mon père [Claude Marcus, neveu de Marcel Bleustein-Blanchet] était vice-président de Publicis, j’allais déjà à ce festival lorsque j’avais 5 ou 6 ans. Ça fait donc plus de quarante ans que j’y vais. La grande différence, c’est que jusque dans les années 80, il n’y avait qu'une catégorie, le Film. Avoir un Lion d’Or, c’était donc un évènement mondial. Aujourd’hui, avec la multiplication des catégories, même s’il y a plus de compétiteurs, c’est plus facile de remporter un Lion d’Or. Mais le festival reste quand même les Jeux olympiques de la publicité. Cette année, c’est la première fois que j’y suis juré. Je ne vais pas regarder un pays en particulier, si ce n’est, avec un œil amoureux, la France. Mais je connais ce qui se fait en France, donc je n’aurais pas de surprise. En craft, on tient le haut du pavé. C’est la catégorie où on doit exceller et être à la hauteur.»
Design
Béatrice Mariotti, vice-présidente et directrice de la création de l’agence Carré noir
«Alors qu’historiquement, les Cannes Lions n’étaient tournés que sur les campagnes publicitaires, ils se sont ouverts il y a quelques années à nos métiers du brand design et de l’identité visuelle [création des catégories Design en 2008 et Product Design en 2014]. J’espère que cette édition, à laquelle je participe pour la première fois en tant que jurée, sera la confirmation de cette reconnaissance. En effet, les premières sessions étaient assez floues mais depuis l’an dernier, la catégorie Design a gagné en épaisseur et en maturité. Avec l’intégration du digital dans le brand design, le travail des agences de design ne se résume plus à la création d’un logo et d’un univers de marque, mais comprend plus largement la mise en forme de la relation virtuelle et physique entre les marques et leurs publics. J’espère retrouver cette cohérence dans la catégorie Design.»
Cyber
Christophe Martin, directeur de la création de Dagobert
«Dans la catégorie Cyber, il y a une tendance des agences à essayer de devenir des cabinets de conseil, d'innovation... de fonctionner comme des start-up ou des médias. Dans le digital en particulier, il faudra cette année encore rester pragmatique vis-à-vis des tendances: le calendrier nous a démontré que "la bonne appli du moment" sera éclipsée par une autre l'année prochaine, ou bien avant. Idem pour une bonne partie des buzzwords du métier. La principale tendance est, me semble-t-il, une recherche de sens de la part des agences et des annonceurs, au-delà de la "simple" opération de communication, tout le monde cherche de la valeur ajoutée à la fois pour le consommateur et pour la marque.»
Direct
Anne de Maupeou, directrice de la création de Marcel
«C’est le festival des paradoxes, à la fois le plus critiqué et le plus incontournable. Celui qu'on fantasme souvent de zapper et qu'on fait religieusement tous les ans. Celui qui doit encourager la création, la liberté de ton, le risque et en même temps obéit à des enjeux financiers de plus en plus importants qui amènent à une forme d'académisme et de prudence dans les travaux présentés. Par ailleurs, je trouve qu’il y a de plus en plus (voire trop) de catégories. C'est normal qu'il y en ait plus qu'à l'époque TV/print/outdoor. Mais il y a tellement de sous-catégories que certains gagnent plus de Lions que d'autres uniquement parce qu'ils ont bien épluché le règlement, qui doit faire dans les 800 pages. Nous faisons quasiment tous des réunions dont le thème est "A-t-on inscrit les travaux au bon endroit?"»
Creative Effectiveness
Luc Wise, cofondateur d’Herezie
«Depuis quelques années, de plus en plus d’annonceurs participent à Cannes, c’est une excellente chose car ça favorise les partages d’expériences. À titre d’exemple, cette année, je suis juré pour la catégorie Creative Effectiveness qui regroupe annonceurs (Coca-Cola, Volvo Trucks, Mars…) et agences (AMV BBDO, Ogilvy, Droga 5 ou Herezie). Cette ouverture culturelle et ce décloisonnement des mentalités me paraissent essentiels pour le festival comme pour notre industrie au sens large. D’ailleurs, le fait que je sois juré sans être directeur de création montre que le Festival s’est ouvert à de nouvelles interrogations, de nouvelles méthodes, de nouveaux métiers.»
PR
Isabelle Wolf, fondatrice et dirigeante de Kingcom
«Je suis bluffée par la qualité de la production mondiale PR, qui est extraordinaire. Dans cette catégorie, je remarque l’audace de certaines marques qui n’hésitent pas à s’engager sur des causes ou des partenariats assez éloignés de leur core business en parvenant à créer de véritables plateformes de contenus qui font sens. Les PR pilotent désormais des opérations globales intégrant publicité ou promotion et stratégies digitales, ce qui change la donne (et démontre bien qu’en matière de stratégie de contenu, les RP sont les plus légitimes à porter le conseil et orchestrer le déploiement global). Cette année, j’ai trouvé que le Japon, les pays d’Amérique du Sud, le Liban étaient particulièrement fertiles. Quant à la France, elle doit montrer sa capacité à mener des campagnes de dimension internationale ou glocales ["global & local"], apporter une french touch et savoir faire rayonner ses idées créatives.»