De plus en plus utilisée par les marques en dehors du jeu vidéo, la technologie 3D figurait en bonne place dans les échanges à Adobe Max, la grand-messe annuelle sur la créativité, organisée par le groupe américain les 18 et 19 octobre à Los Angeles.
Les somptueuses villas de Beverly Hills sont loin, tout comme les collines de Hollywood ou les plages de Santa Monica et Venice Beach. C’est au cœur du quartier d’affaires de Downtown Los Angeles, au LA Convention Center, qu’Adobe a organisé les 18 et 19 octobre le retour de sa grande conférence annuelle consacrée à la créativité, Adobe Max, après trois ans d’absence pour cause de pandémie. D’ordinaire, ce sont 16 000 personnes venues des quatre coins du monde qui fourmillent dans ce bloc d’immeubles situés juste à côté du mythique Staples Center cher aux Lakers, rebaptisé depuis peu Crypto.com Arena. Cette année, elles étaient seulement 6 000. Parmi elles, beaucoup de créatifs utilisateurs des logiciels Adobe, de Photoshop à Illustrator, en passant par Premiere et After Effects.
Mais l’une des technologies stars de cette édition 2022 d’Adobe Max, c’est la 3D. « Nous sommes la division qui progresse la plus vite », plante d’emblée Sébastien Deguy, son directeur 3D et métavers (lire interview P. 26). La solution Adobe Substance 3D est déjà très implantée dans l’industrie du jeu vidéo, comme chez Epic Games, le studio qui développe notamment Fortnite. De nombreuses marques l’utilisent aussi, comme Puma, Bose, Salomon ou encore Burberry, principalement pour la modélisation 3D de leurs produits pour la vente en ligne, mais pas seulement. Pour autant, le groupe américain ne compte pas s’arrêter là.
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« Les expériences immersives vont jouer un rôle énorme dans nos vies quotidiennes dans le futur », esquisse Scott Belsky, chief product officer et executive vice president de Creative Cloud. C’est pourquoi le groupe américain veut enrichir encore sa palette 3D en vue de l’essor du métavers, avec d’abord le lancement de Substance 3D Modeler, un outil qui permet de créer des contenus 3D comme si l’on travaillait de l’argile digitale. Plutôt que d’utiliser des lignes vectorielles, le créatif s’équipe d’un casque de réalité virtuelle et de manettes lui permettant de donner vie à ses objets en 3D d’une manière plus naturelle. Cet outil sera d’ailleurs mis à disposition des créateurs d’expériences immersives dans l’environnement Meta Quest Pro dans le cadre d’un partenariat entre Meta et Adobe annoncé quelques jours plus tôt.
Autre nouveauté, le lancement de 3D Capture, qui permet de transformer rapidement plusieurs photos d’un même objet en modèle 3D. « Nous voulons élever le niveau de la 3D vers une expérience de plus en plus proche de la réalité », souligne Giovanni Nakpil, senior design evangelist and creative director chez Adobe.
Selon le groupe américain, le secteur de la 3D devrait représenter un marché de plus de 200 milliards de dollars d’ici à 2026. C’est dire qu’il faut y aller vite et fort. Parmi les marques qui utilisent déjà ces technologies, Burberry. Lors d’une session consacrée à la manière dont la 3D peut profiter à une marque patrimoniale comme celle-ci, la maison de luxe a détaillé comment cette technologie pouvait non seulement l’aider dans sa stratégie e-commerce mais aussi lui faire gagner beaucoup de temps dans son processus créatif. « La 3D a été un saut très important pour nous. Ça nous a aidés à réduire le temps nécessaire pour concevoir des produits de grande qualité, pour laisser plus de temps à la créativité », raconte Lucy Goodyear, senior manager 3D content creation and innovation à Burberry.
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Concrètement, grâce à la 3D, le temps nécessaire à la création d’une variation de couleur a été réduit par 77 % et la consommation de papier durant la phase créative a chuté des deux tiers, avance la marque. « Cette technologie nous permet aussi de faire face à des changements dans le vêtement beaucoup plus rapidement, par exemple si l’on ajoute une fermeture éclair sur un sweat », explique Lucy Goodyear. Autre défi relevé, le niveau de détail que la 3D permet de reproduire, que ce soit au niveau des matières, des textures ou même des broderies. La marque estime que la 3D lui permet par exemple de mieux mettre en valeur ses foulards en soie sur son site e-commerce. « Historiquement, c’était difficile de bien rendre en ligne l’aspect luxueux de nos foulards », se souvient la responsable 3D content creation and innovation.
Du côté de Nike, le design produit a désormais basculé dans l’ère du digital et plus spécifiquement de la 3D. « La création digitale de produit ouvre une nouvelle ère. En permettant de créer beaucoup plus, et bien plus rapidement, ça permet aux créateurs de réduire l’écart entre l’intention et la réalisation », estime Jalaj Hora, son VP of product innovation and consumer creation.
C’est ainsi que l’équipementier a conçu durant la pandémie les chaussures Air Max Scorpion, symbole de sa transformation digitale. « En temps normal, il nous faut huit semaines pour tester un concept. Là, grâce à la création digitale de produit, nous avons testé des dizaines de concepts en seulement cinq semaines », se souvient Jalaj Hora.
Autre bénéfice, la phase de shooting des produits qui n’est plus nécessaire avec une modélisation 3D. « La 3D permet de réduire l’empreinte carbone des marques en évitant à un produit d’aller à l’autre bout du monde se faire photographier », insiste Sébastien Deguy, d’Adobe, qui vient de lancer une calculette carbone pour aider les marques à chiffrer les bénéfices d’un rendu 3D comparé à des shootings photo réels. Au global, Nike chiffre à 75 % la réduction de l’empreinte carbone d’un produit créé de façon digitale. Un argument imparable pour les marques, en quête de respectabilité verte.
Pour aller plus loin
L’IA COMME COPILOTE DES CRÉATIFS
Face à l’essor de plateformes comme Dall-E et Midjourney, Adobe se place sans surprise du côté des créateurs, à qui il doit une bonne partie de ses revenus. « Notre but est de faire de l’intelligence artificielle le copilote de votre créativité », a martelé lors de la keynote d’ouverture Shantanu Narayen, le CEO d’Adobe, dont les logiciels intègrent déjà beaucoup d’IA, à commencer par Photoshop. Mais pour l’heure, le groupe américain ne propose pas de créer une image ou de la modifier à partir d’une instruction écrite.
CHIFFRES CLÉS
15,8 milliards de dollars. Chiffre d’affaires d’Adobe en 2021.
26 000. Nombre de salariés dans le monde.
20 milliards de dollars. Montant mis sur la table par Adobe pour racheter Figma, plateforme de travail collaboratif pour les créatifs.