Enquête
Un an et demi après le mouvement #MeToo, le secteur de la publicité est pointé du doigt pour son ambiance sexiste et ses multiples témoignages de victimes de harcèlement, tant sexuel que moral. Derrière les déclarations de bonnes intentions, l’assainissement du milieu de la pub reste à faire.

[Cet article a été publié en février 2019]

« Pour c ette interview d’un directeur de la création, tu n’iras pas au rendez-vous toute seule. Un collègue t’accompagnera. » Voilà ce qu’il nous est arrivé de dire à de jeunes recrues journalistes, chez Stratégies, lors de la préparation d’articles sur des personnalités du monde de la publicité. Certains noms, connus dans la profession pour leurs comportements « séducteurs » – pour dire le moins – nous incitent à cette prudence. D’autant qu’à la rédaction, trois de nos journalistes ont été confrontées, ces cinq dernières années, à des actes inappropriés de la part de contacts professionnels en agence.

Depuis le 4 mars, date de parution d’un article du Monde titré Dans le milieu de la pub, le règne du sexisme, le voile se déchire. Sur des « affaires », des agences, mais aussi des noms. Comme celui de Baptiste Clinet, lourdement mis en cause depuis des années dans des cas de harcèlement sexuel, et remercié le 8 mars par son agence, Herezie, à la suite de nouvelles révélations de l’enquête du Monde

L'apparition d'un #MeToopub ? 

Le journal du soir, comme d’autres médias – Quotidien, Slate –, poursuivraient leurs investigations sur le milieu de la pub. Et s’apprêteraient à livrer des noms de personnalités de la profession – ceux-là mêmes qui circulent depuis des années dans le milieu. Un an et demi après l’affaire Weinstein, la pub est-elle enfin en train de connaître son #MeToo ? À Stratégies, nous avons décidé d’ouvrir nos comptes Twitter à ceux – et surtout celles – qui souhaitaient livrer leurs témoignages. Là, la surprise a cédé le pas à l’effarement devant la teneur de ces récits (1).

Dans une agence créative phare : « Les femmes de plus de 40 ans ne l’intéressaient pas. Le fondateur pouvait arriver en open space et dire “t’as pris du cul” ou “t’es bien habillée toi”… ». Dans une grosse agence indépendante internationale : « Mon premier jour, l’un des patrons m’a parlé en huis clos pour me dire que j’étais une sous-merde et mon ancienne patronne, une grosse pute. » Dans un grand groupe de publicité français : « Il a initialement proposé un entretien d’embauche à l’hôtel à une jeune femme et lui a ensuite suggéré de participer à des parties fines, en lui disant que sa réputation de fille légère était de toute façon déjà connue dans les agences parisiennes. » Une autre agence indépendante multiprimée : « Je me souviens de cette femme qui n’avait couché avec personne à l’agence, l’un des dirigeants a dit en riant qu’il était prêt à donner 1 000 à 3 000 euros à celui qui arriverait à coucher avec. »

«Ce qui se passe à Cannes reste à Cannes»

Dans les témoignages reviennent beaucoup de souvenirs « cannois » – le Festival international de la créativité a engendré ce dicton, connu de tous et répété à l’envi : « ce qui se passe à Cannes reste à Cannes ». « J’ai subi des attouchements sexuels à Cannes de la part d’un directeur de création en vue. J’ai essayé de rester calme en me disant : ne blesse pas son ego, on ne sait jamais, si tu le recroises sur ton chemin… »

Dans le flot de ces récits, on sent, bien présente, la chape de plomb qui pèse sur ceux qui ont le courage de témoigner : « Quand j’ai découvert la Ligue du LOL, je me suis dit qu’enfin on allait pouvoir parler et arrêter de faire comme si ça n’existait pas. Moi je suis en freelance, je témoigne mais je ne découvre pas mon visage car j’ai peur de me faire blacklister. » D’autant que, comme le déplore Laurence Beldowski, directrice générale de Com-Ent, « on a acheté le silence de certaines femmes avec de l’argent, il faut le dire. Conséquence : ces personnes se voient mal témoigner a posteriori. C’est une pratique assez courante dans la com. »

Même son de cloche du côté de Christelle Delarue, fondatrice de l’agence Mad & Women, figure de proue du mouvement. « C’est effectivement une pratique répandue, qui ne concerne pas que le harcèlement sexuel mais toutes les formes de harcèlement. Ces accords transactionnels servent à acheter la conscience des victimes, ils ne sont pas suffisamment qualifiés pour que les personnes mises en cause en aient peur », regrette la dirigeante, évoquant un « climat de pression » et des motifs « jamais formalisés par écrit afin de se prémunir ». Dans les faits, le montant de ces protocoles, avant tout destinés à protéger la réputation des agences et/ou de certains de leurs collaborateurs, varie. De « plus de 10 000 euros » dans le cas d’une des deux ex-salariées d’Herezie –  selon les éléments révélés par Le Monde qui a eu accès à la proposition faite par l’employeur au titre du « préjudice moral ou professionnel qu’elle aurait pu subir » – à (beaucoup) plus dans d’autres circonstances.

La ligue du LOL et la dictature du cool

En dépit de ce culte du silence, Claire Maoui, ex-directrice de création chez FF Paris, a décidé de parler à visage découvert, via un post sur Medium: «L’article du Monde a été comme une claque qui m’a incitée à témoigner.» Stéphanie Valibouse, planneuse stratégique chez Spöka, a elle aussi voulu parler en son nom. Malgré la peur. «On n’a pas envie de se griller, de passer pour une personne à problèmes qui va faire des vagues. Car contrairement à l’affaire de la Ligue du LOL, qui concernait quelques personnes [dont la moitié de publicitaires], là, on parle de tout un secteur, de patrons d’agences, qui ne vont pas se mettre à pied eux-mêmes!»

« Un terreau fertile ». C’est ainsi que Claire Ravut, qui a dirigé pendant des années la création d’Australie et est aujourd’hui « créatrice de direction » de l’agence Broster, définit le milieu publicitaire. « La pub, c’était la forêt de Sherwood ! Pendant longtemps, la profession s’est considérée comme “à part”. Même s’il y a encore aujourd’hui beaucoup du mythe “Beigbedéien” dans l’image que l’on se fait de la publicité, le métier a vécu pendant des années sous le règne de la liberté, surtout chez les créatifs. C’était un tout petit milieu où tout le monde se connaissait, avec un système de starification, de culte de la personnalité : comme les coiffeurs, on se distribuait des statuettes en or comme si c’était des prix Nobel. Il y avait un consensus sur le fait qu’on ne faisait pas un métier comme les autres, qu’on devait être légers, cons et drôles. »

La déconnade érigée en modèle, avec pour héritage cette fameuse « dictature du cool », déjà brocardée dans l’affaire de la Ligue du LOL. Comme le décrit Claire Maoui : « Contrairement à d’autres milieux, nous nous tutoyons tous et nous avons une tenue vestimentaire et des horaires plus cool – et encore, disons plutôt “décalés” que “cool”… ». Cette fameuse « coolitude », en réalité une hétéro-beauferie de tous les instants, qui engendre in fine énormément de violence, comme le rappelle Stéphanie Valibouse : « Je ne sais pas en quoi le sexisme, le racisme, c’est cool. Mais la répétition de ce genre d’humour fait qu’on n’a pas envie de ne pas être cool, d’être la personne estampillée colérique, “reloue” de service. Et du côté des hommes, il y a la peur de ne pas s’intégrer au sein d’une équipe… »

Mad Men à la petite semaine

De fait, cet état d’esprit, ce côté « boys club », fonctionnement en meute, s’explique par la grande masculinisation de certaines fonctions, en particulier créatives. Lesquelles regorgeraient de Mad Men à la petite semaine, sans la classe vestimentaire de Don Draper. « Je n’ai jamais été confrontée à des cas de harcèlement sexuel dans les agences dans lesquelles j’ai travaillé, souligne Claire Ravut. Mais il y a eu pendant longtemps une sorte de consensus sur le fait que, les chefs, c’étaient les mecs. À tel point qu’il m’est arrivé souvent (comme à d’autres femmes directrices de création) que des mecs me disent “toi, c’est pas pareil, t’es un mec”. Comme si c’était un compliment, et surtout comme s’il était impensable de réussir dans ce métier si on était une femme. » C’est la fameuse «bro culture » et sa grande tradition de la remarque sexiste, brocardée lors de l’affaire de la Ligue du LOL. Un système de cooptation où, comme le décrivent de nombreux témoignages, les hommes se recrutent entre « potes » et se promeuvent entre « potes ».

Rare homme à témoigner en son nom, Antoine Le Troadec, directeur conseil chez Havas Paris, a décidé de dévoiler sur Twitter dans un long thread, un éventail de toutes les situations choquantes qu’il a pu vivre sur le sujet. « On se disait en début de semaine dernière qu’enfin l’omerta cessait. Après l’article du Monde, après les papiers dans Medium, je me suis senti coupable. Pourquoi les gens ne parlent pas ? On connaît tous les noms ! On se targue d’être en avance sur la société, d’analyser les tendances… La pub n’est pas du tout à la pointe dans le management, dans le respect des collègues, contre les remarques sexistes. »

« #TimeTo » chez les marques américaines

Du côté des clients, comment les annonceurs, à qui les consommateurs demandent de plus en plus de s’engager sur des questions sociétales, considèrent leurs agences, pointées comme rétrogrades ? Beaucoup soulignent la différence entre la France et les pays anglo-saxons, qui se sont emparés du sujet – une campagne signée par 100 agences, « #TimeTo », évoque d’ailleurs le harcèlement en agences. Au moment de Time’s up/Advertising, dans l’après-Weinstein, de grosses marques américaines ont ainsi fait pression sur leurs agences pour qu’elles soient irréprochables en matière de sexisme. Comment réagiront-elles lorsqu’elles découvriront les agissements de certaines agences françaises ? En France, une partie de la solution pourrait bel et bien venir des annonceurs. Comme le souligne Stéphanie Valibouse, « c’est comme dans l’affaire d’homophobie de Cyril Hanouna, lorsqu’on disait : la seule chose que C8 connaît, c’est le portefeuille… » Claire Maoui renchérit : « Ce qui serait formidable, c’est que les annonceurs se rendent compte qu’ils ont une responsabilité lorsqu’ils confient leur budget à ces gens-là. »

Les annonceurs pourraient-ils peser en refusant, par exemple, de consulter certaines agences ? Dans un cas comme celui d’Herezie, on n’en est apparemment pas là, comme l’explique Stéphanie Pitet, associée fondatrice de Pitchville : « Nous n’allons pas déréférencer une agence sur la base d’un article, et de plus, l’agence ne se résume pas à une seule personne. Si elle correspond aux critères, nous allons la proposer au client mais par transparence, nous l’alerterons sur la situation, et c’est au client de décider. » Comme le résume élégamment un annonceur : « C’est impossible de contrôler les prestataires, on ne va pas aller dans leurs bureaux et demander : “qui met des mains aux fesses ?” » Pour sa part, l’UDA (Union des annonceurs), interrogée par Stratégies, se contente d’éluder en affirmant « être attentif au respect par tous nos partenaires de la législation en vigueur sur de nombreux sujets dont celui, bien évidemment, du harcèlement ou tout comportement puni par la loi ». Mais sur le fond, rien de concret.

Tolérance zéro

Du côté des patrons d’agences, deux réactions dominent. Certains d’entre eux, se sentant coupables, s’emparent du sujet en coulisses afin de désamorcer des bombes sur le point d’exploser. D’autres adoptent une position publique, comme Jean-Luc Bravi, CEO de DDB Paris, qui affirme sa volonté de « tolérance zéro » en matière de sexisme et de harcèlement. À la suite de l’affaire Herezie, Jean-Luc Bravi a envoyé un mail interne dans ce sens. « Chez DDB, on est 450. Il y a sans doute des brebis galeuses, ça peut arriver, on est loin d’être parfaits. Mais je ne veux plus de telles personnes chez moi. » Tolérance zéro également chez Publicis  « à chaque fois que des situations de harcèlement sont avérées et ce, quels que soient le statut, le rôle ou les réseaux de celle ou celui dont le comportement aura été répréhensible », explique Agathe Bousquet, présidente du Groupe Publicis en France, qui a « adressé un mail à tous [les] salariés pour redire [la] position ferme du groupe sur le sujet du harcèlement et des pratiques sexistes [du] secteur et rappeler les mécanismes d’alerte et d’écoute. »

Mercedes Erra, présidente executive d’Havas Worldwide et coprésidente fondatrice de BETC, déclare quant à elle « prôner les chartes » : « Nous avons signé toutes les chartes possibles et imaginables sur le sujet. Après, chez BETC, on est 1200… Tout peut arriver ! Le problème, c’est que dans le monde de la pub on est 65 à 67 % de femmes, mais que certains bastions restent trop masculins, comme la créa ou le digital… L’enjeu est le rééquilibrage des métiers. On laisse moins passer quand la patronne est une femme. Les hommes osent moins, tout simplement. Battons-nous pour un management mixte, et nous aurons de meilleurs résultats. »

« Remugles d'un ancien monde »

Serait-ce le secret ? L’exemple des agences médias est, à cet égard, parlant : « Il y a plus de femmes en agence médias qu’en agence de pub, et surtout plus de dirigeantes », concède Magali Florens, vice-présidente de l’Udecam (Union des entreprises de conseil et achat média). À l’AACC (Association des agences conseil en communication), on déplore en tout cas, par la bouche de Gildas Bonnel, président de la commission Développement durable de l’AACC et membre du Conseil paritaire de la publicité, « des comportements d’un autre temps, les remugles d’un ancien monde qui jettent le discrédit sur toute une profession ». Vincent Leclabart, ancien président d’Australie et ex-président de l’AACC, déclare quant à lui : « Il y a des personnes qui faisaient preuve d’un sentiment de toute puissance, des égos développés par des campagnes réussies ou des gains de budget, mais ces cas sont en déclin. Je peux comprendre que pendant une période les directions aient pu fermer les yeux pour ne pas perdre les talents mais ce ne sera plus le cas. » Vraiment ?

Il y a un an et demi, en 2017, Stratégies publiait, au lendemain de l’affaire Weinstein, une enquête titrée « Balance ton porc : le changement, c’est maintenant ? ». Ou alors maintenant, en 2019 ? « Je pense que cet article correspond à la fin d’une époque et normalement, il ne devrait pas y en avoir d’autres. », lâche Vincent Leclabart. Mercedes Erra, elle, est plus sceptique et nuancée : « Ce qu’on découvre tous, c’est que le chemin est long. J’espère ne pas avoir à nouveau à vous parler de ce genre de sujets dans un an. » À Stratégies, on l’espère aussi.

 

Témoignages venant d'agences de pub

  • « Comme toujours avec lui, ça a mené à des dérives : les comportement déplacés qu’il avait en soirée, quand il mimait affreusement de nous faire une fellation, de nous enculer, qu’il nous caressait, quand il nous forçait à l’embrasser, c’était répugnant, et tout le monde riait jaune. »
  • « Quand on le contredisait et qu’il ne voulait pas entendre d’autres points de vue que le sien, il nous disait "Toi je te baise !". Pourtant, il osait clamer qu’il nous manageait comme une famille et une équipe de foot. »
  • « Il nous tenait par les sentiments, je crois qu’on est nombreux à avoir ressenti comme un syndrome de Stockholm. Il n’a jamais fait la distinction entre harcèlement moral et pousser les équipes pour qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes »
  • « D’abord on s’étonne. Et puis très vite on s’habitue. Toujours sur le ton de la blague, toujours le sourire aux lèvres, les remarques déplacées s’enchaînent au même rythme que les heures supplémentaires. Alors on sourit nous aussi, un peu gênées, témoins d’un sexisme si ordinaire qu’il en devient normal d’être accepté. »
  • « Et après il y a tous ces mecs gays (ou non) de l’agence, surtout des stagiaires, qu’il a essayé de se taper d’une manière ou d’une autre, jusqu’à vouloir abuser de l’un d’entre eux. »
  • « Si je prends la parole, ce n’est pas spécialement parce que j’ai l’impression que mon histoire est particulièrement atroce. Non, elle est même banale. Mais c’est cela qui la rend navrante. J’ai été stagiaire. Femme. Et j’ai souffert de ce statut dans une agence de publicité. J’ai la chance aujourd’hui d’exercer mon métier on ne peut plus normalement. »
  • « Très rapidement après mon arrivée je me suis rendue compte des rapports extrêmement brutaux qu’il entretenait avec tout le monde. Sous couvert d’un certain type d’humour et utilisant la jeunesse des salariés, il se permettait l’inadmissible. Flatter pour mieux détruire. Mettre en concurrence les uns et les autres. Diviser les salariés qui deviennent plus proches. Insulter et provoquer devant tout le monde. Vouloir être copains. Virer les gens du jour au lendemain. Monter les salariés les uns contre les autres. Entendre dire plusieurs fois par semaine ou par jour à un stagiaire "Va te mettre à poil dans mon bureau, je vais t’enculer ça te fera du bien."»
  • « Il me convoquait quasi-quotidiennement dans son bureau pour essayer de se livrer à des attouchements sexuels avec moi. »
  • « Dans une grande agence, un directeur de création avait pour jeu de me toucher les seins lorsqu’il me croisait dans les couloirs. Je suis allée voir mon boss et il a répondu en riant : c'est bien lui, ça ! »
  • « Les femmes de plus de 40 ans ne l’intéressent pas. Il pouvait arriver en open space et dire "t’as pris du cul" ou "t’es bien habillée toi…"»

  • « Il faisait des blagues du genre "bonjour salope" ; les gens rigolent, d’autres pas, il prend des personnes comme complices mais tout le monde le craint. »
  • « Un responsable du social media à la réputation de coureur de jupons avait couché avec une stagiaire puis diffusé des photos d’elle à son insu. »
  • « Lors de mon premier jour, le directeur du planning stratégique d’une agence réputée a jeté son ordinateur portable à la tête d’une cheffe de projet en hurlant. Il m’expliquera plus tard que cette femme avait besoin d’être secouée. »
  • « Il nous envoyait des messages sur Facebook Messenger jours et nuits, même le week-end, on lui a demandé plusieurs fois d’arrêter, lui expliquant qu’on avait le droit à la déconnexion, on se faisait menacer de se faire virer si ça ne nous allait pas. »

  • « I

    l y a eu tellement de choses... l

    ivraison et consommation de drogue sur le lieu de travail (cocaïne), incitations d’employés à consommer de la drogue sur le lieu de travail, activités sexuelles sur le lieu de travail en présence d’employés... »

  • « Je ne sais plus le nombre de fois où il m’a attaqué "pour rigoler" sur ma sexualité, à savoir combien de bites j’avais pris cette semaine, si j’étais du genre à me faire fister, et tout ça s’est rapidement changé en propositions déguisées. »

  • « Il y a peu encore la job description qui avait été donnée par un patron d’agence aux RH pour le remplacement de l’assistance du DC était, je cite : "Il faut une belle gonzesse de 25 ans bien foutue, pour que quand il arrive à 10 heures et qu’elle lui apporte le café, ça lui donne la pêche." »

Les rédactions également atteintes

Le sexisme et le harcèlement semblent aussi bien installés dans les rédactions, où plusieurs plaintes ont été déposées ces dix-huit derniers mois.

Le sexisme, le harcèlement ou les agressions sexuelles frappent aussi les rédactions. Selon une étude des collectifs Nous Toutes, Prenons la Une et Paye Ton Journal, à laquelle plus de 1 800 personnes ont répondu (dont 80 % de femmes), 67 % ont été victimes de propos sexistes dans le cadre de leur travail, 49 % de propos à connotation sexuelle tandis que 13 % ont été victimes d’agression sexuelle. « L’affaire de la Ligue du LOL a libéré la parole. Ce qui change tout dans une entreprise, c’est quand les victimes ont l’appui du plus haut placé », estime Aude Lorriaux, porte-parole de Prenons la Une et journaliste freelance. Mais selon Dominique Pradalié, porte-parole du SNJ, les directions ferment trop souvent les yeux : « C’est comme chez les curés. Elles ne veulent jamais remettre en cause leur hiérarchie. Quand elles ne peuvent pas faire autrement, elles déplacent la personne. »

Mediapart et Le Figaro ne sont pas épargnées

Dans la foulée de MeToo, à l’automne 2017, les langues se déliaient, à Radio France, à France 2, à La Chaîne Parlementaire… Mediapart et Le Figaro ne sont pas épargnés. Puis « le couvercle est retombé », note Dominique Pradalié. En février 2018, « l’enquête du magazine Ebdo sur Nicolas Hulot, qui n’était sans doute pas assez aboutie et qui a fait parler des victimes sans leur consentement, a mis un coup de frein », ajoute Aude Lorriaux.

En août 2018, la direction du quotidien Sud Ouest a bien licencié son directeur adjoint de l’information, Laurent Cramaregeas, pour harcèlement, après des mois d’enquête à la suite des témoignages d’une dizaine de femmes. Mais le classement sans suite de la plainte visant Éric Monnier, directeur de la rédaction de TF1, et le simple rappel à la loi de Frédéric Haziza, finalement écarté de l’antenne de LCP à la rentrée 2018, neuf mois après le dépôt d’une plainte pour agression sexuelle, en ont découragé beaucoup. « L’affaire de la Ligue du LOL paraît être une exception, mais les victimes pouvaient apporter des preuves. Ce n’est pas comme une main aux fesses dans un couloir », regrette Dominique Pradalié.

C’est pour tenter de remédier à ce phénomène que les patrons de 17 groupes médias devaient signer le 13 mars une charte de bonne conduite, élaborée par l’association Pour les femmes dans les médias, dans laquelle ils s’engagent contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Reste à vérifier que ce texte ne se limite pas à une déclaration de bonnes intentions. 

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