Le 26 avril dernier, la Journée mondiale de la propriété intellectuelle mettait en avant une problématique sensible, celle de la protection de la création qui, depuis des années, entretient un débat nourri entre agences et annonceurs.
A cette occasion, les huissiers de justice d'Ile-de-France ont fait la promotion du dépôt d'huissier auprès des professionnels de la création. «L'idée n'est pas protégeable, seule l'est son application ou sa matérialisation: slogan, logo, campagne...», rappelle Alain Szenik, membre de la chambre régionale des huissiers de justice.
Et de glisser au passage: «Le dépôt d'huissier a l'avantage d'être peu onéreux, de protéger l'ensemble des éléments constitutifs d'une création et d'être reconnu par les tribunaux étrangers.»
Les moyens de protéger sa création sont en fait multiples. Du simple droit d'auteur (protégeant du seul fait de la divulgation de la création) à la lettre recommandée à «soi-même», de l'enveloppe Soleau à l'Inpi en passant par l'enregistrement auprès du bureau des hypothèques ou le dépôt auprès d'une société d'auteurs, les possibilités ne manquent pas.
«Mais les publicitaires ont la fâcheuse habitude de restreindre la propriété intellectuelle à la signature ou au logo. Ils oublient de faire valoir aussi leurs droits sur les événements associant une marque à un concept, sur un nouveau système de commercialisation ou, par exemple, sur un mode relationnel original», note Laurent Habib, président du pôle Valeur de l'Association des agences-conseils en communication (AACC).
Si pendant la durée du contrat liant une agence et un annonceur, la cession des droits s'impose de fait au profit du client, en revanche avant la signature du contrat (lors de la compétition) ou après leur collaboration officielle, le principe du droit d'auteur s'impose... en théorie.
«Dans les faits, la question de la propriété des droits dans la création en général comme dans la publicité est toujours posée, il n'y a pas vraiment de jurisprudence en la matière, même si les arrêts les plus récents sont plutôt favorables aux annonceurs», explique Eric Andrieu, avocat au cabinet Péchenard et associés.
En mai 2011, la Cour d'appel de Paris a toutefois donné raison à l'agence Young & Rubicam qui revendiquait, postérieurement à ses relations contractuelles avec Groupama, des droits sur le personnage publicitaire Cerise conçu pour l'assureur.
Une décision qui ne remet cependant pas en cause «le principe selon lequel les signes d'identification d'une entreprise créés par une agence de publicité appartiennent définitivement à l'annonceur», selon l'arrêt de la Cour. Groupama s'est pourvu en cassation.
Si en publicité le droit d'auteur est plutôt bien reconnu pour les mannequins ou les photographes par exemple, tel n'est pas le cas pour les agences. La dimension collective du droit d'auteur n'étant pas retenue par les tribunaux, l'idée originale d'une agence est finalement valorisée par une rémunération au temps passé.
«Il faut que nous arrivions à faire rémunérer une idée pour ce qu'elle vaut et non par un système de temps passé qui ignore la valeur de notre travail», lance Frédéric Winckler, président de l'AACC, qui espère d'ici la fin de l'année organiser des Etats généraux de la valeur avec l'Union des annonceurs (UDA).
Des pistes existent déjà, notamment outre-Manche et outre-Atlantique, comme la rémunération selon les ventes générées ou le versement de commissions sur les achats d'espaces effectués post-contrat.
«L'identification de modes de rémunération adaptés à la création de valeur par les agences est aussi une nécessité pour les annonceurs s'ils veulent justifier leurs investissements en communication. Car aujourd'hui, cette dernière ne se contente plus d'accompagner la création de valeur, elle en est de plus en plus à l'origine», conclut Laurent Habib.