Morts à profits

Non seulement les cadavres portent bien le costard, mais ils rapportent des liasses de dollars. Pour certaines stars, désormais décédées, le paradis ressemble à une salle des coffres: 366 millions de dollars (267,9 millions d'euros), voici combien les vedettes trépassées ont rapporté, depuis l'au-delà, entre octobre 2010 et octobre 2011, d'après le rituel classement des « Top-Earning Dead Celebrities » (les célébrités mortes qui rapportent le plus), établi par le magazine Forbes (voir le top 5 ci-contre). Dans ce classement, qui prend en compte le merchandising mais aussi les contrats publicitaires, Michael Jackson, le «King of Pop» détrône, sans surprise, pour la deuxième année consécutive le «King» tout court, Elvis Presley. Ils sont suivis par l'immarcescible Marylin Monroe.

Un peu toujours les mêmes, finalement... Paul Morizet, responsable Europe de Greenlight (Corbis), agence de gestion de droits des célébrités, ne dit pas le contraire: «Monroe, Andy Warhol, Steve McQueen sont très demandés». Au risque de lasser? «Pour ce qui concerne Monroe, on a clairement laissé faire n'importe quoi: des verres à whisky, des t-shirts “cheap”... Depuis un an, on a changé de stratégie: le ticket d'entrée n'est plus le même, et l'on revoit Marylin dans des publicités pour Dior.» La blonde atomique a gagné 500 000 fans sur sa page Facebook, la nuit suivant le lancement du dernier spot «J'adore» (TBWA Paris). Édifiant!

C'est la vie: même depuis le cimetière, certaines célébrités continuent à rayonner davantage que le commun des mortels. «Steve McQueen reste clairement le “King of Cool”, auquel on peut associer plusieurs univers: la course automobile, la mode, le cinéma», constate Paul Morizet. Pour un Clooney à 5 millions de dollars, on peut s'offrir un McQueen à 2 millions. Et les annonceurs ne s'en privent pas. Une fameuse course poursuite de Bullitt a ainsi été reprise dans une campagne pour la Ford Puma (Young & Rubicam), tandis que Barbour tente de sortir des sentiers de la chasse en sortant une édition limitée du blouson de moto-cross affectionné par McQueen.

«De fait, très peu de célébrités, mortes ou vivantes, peuvent se prévaloir d'une renommée internationale», remarque Martin Cribbs, un ancien de Corbis, qui au sein de Cribbs Consulting gère les droits post-mortem de Gandhi, ou encore de Bram Stoker, l'auteur de Dracula. On a ainsi pu apercevoir le Mahatma dans la fameuse campagne «Think Different» d'Apple (TBWA Chiat Day) et même dans une publicité pour les Post-it de 3M (Ogilvy & Mather). «Gandhi est l'une des personnalités les plus reconnues dans l'histoire du monde», souligne Martin Cribbs. Il en est dont on ne verra jamais le visage en 4x3 : les ayants droit de Winston Churchill, par exemple, s'opposent farouchement à toute exploitation commerciale du grand homme.

La vie après la mort paraît, en revanche, particulièrement radieuse pour Elizabeth Taylor, décédée en mars dernier et déjà n°5 au classement Forbes.«Ses parfums, “Passion et White Diamonds”, vont être relancés», annonce Paul Morizet. «Elle est parfaite pour les marques de luxe, de bijoux et de cosmétiques», estime Martin Cribbs. «De plus, son engagement contre le sida lui donne une envergure au-delà du glamour.»

Quid de sa liaison alcoolisée avec Richard Burton? De la muflerie épouvantable de Steve McQueen? Du goût prononcé de Michael Jackson pour les enfants? La mort, semble-t-il, efface bien des outrages. «On n'a plus de mauvaises surprises à attendre d'un mort, lâche Paul Morizet. En utilisant une célébrité décédée, on évite les "sex-tapes", les scandales.» À moins que, à l'instar du cas Coco Chanel, aujourd'hui soupçonnée de collaboration active pendant la Seconde Guerre mondiale, il n'y ait quelques cadavres dans les placards...

(Encadré)

Le top 5 des célébrités décédées (source: Forbes)