L’une est brune aux yeux noirs, l’autre blonde aux yeux clairs. L’une est d’origine iranienne, arrivée en France à 13 ans, l’autre est franco-finlandaise et a vécu en Inde enfant. Toutes deux maîtrisent parfaitement l’anglais. Ce multiculturalisme fait la force du duo qui remporte le Prix Stratégies des jeunes créatifs 2016. Après s’être rencontrées à l’école de communication ECV Paris en 2011, la directrice artistique Nazgol Atharinejad (26 ans) et la conceptrice-rédactrice Hélène Boudin (28 ans) ont commencé à travailler ensemble début 2014 chez Ogilvy Paris (WPP). Après avoir fait leurs armes comme assistantes du team créatif Julien Chiapolini et Riccardo Fregoso, elles se sont émancipées en travaillant sur des budgets comme Philips, Netflix ou Lactalis.
Début 2016, elles s’envolent pour McCann Paris (Interpublic), où elles retrouvent Chiapolini et Fregoso, devenus directeurs de la création de l’agence. «Ils nous répètent souvent que la publicité n’est pas un monde de Bisounours! Ils nous apportent rigueur et intégrité. Ils nous apprennent à nous remettre en question mais aussi à faire attention à chaque détail que ce soit au moment de l'écriture, de la mise en forme de l’idée ou de la présentation», glissent Nazgol Atharinejad et Hélène Boudin.
Elles ont voulu rejoindre cette agence également pour travailler sur L’Oréal Paris. «Le fait d’être un team féminin est une force pour cette marque, car on essaie de faire davantage attention à ne pas tomber dans les représentations classiques de la femme. Cela nous oblige à chercher nos insights un peu plus loin car notre sensibilité féminine nous donne une vision plus proche de la réalité, explique Hélène Boudin. Par ailleurs, de par notre multiculturalisme, nous partageons différents insights sur la perception de la confiance en soi, le rapport au corps, la beauté», ajoute-t-elle. «De manière globale, lorsque nous récupérons un brief, nous amorçons un micro-débat idéologique d’une dizaine de minutes sur la façon dont nous le percevons avant de nous mettre au travail», continue Nazgol Atharinejad.
Solidarité féminine
Outre cette ouverture culturelle et ce goût pour le débat et la confrontation d’idées, les deux jeunes femmes se trouvent une autre ressemblance: «Nous sommes très exigeantes envers nous-mêmes et sommes très stressées», disent-elles en chœur. «Mais est-ce parce que nous sommes un duo exclusivement féminin ou est-ce une histoire de caractères?» Elles ne sauraient le dire. Ce qui est sûr, c’est qu’elles sont contentes de «prouver que la solidarité féminine existe» dans le travail.
La blonde et la brune partagent également des inspirations communes, comme «The Unskippable Preroll Ads» de Geico (The Martin Agency), car «nous cherchons cette même simplicité dans nos idées». Elles citent également «Thank you, Mom» de P&G (Wieden & Kennedy) qui les a fait pleurer ou «Mr W» pour Epuron, une compagnie d’énergie allemande, qu’elles qualifient «d’émouvante, drôle et décalée». En effet, pour elles, l’émotion dégagée par une campagne publicitaire est importante, voire primordiale.
Si elles savent quelles publicités les inspirent, elles avouent pour autant ne pas avoir de style artistique particulier. D’ailleurs, elles n’ont sorti pour l’instant que des opérations digitales, mais voudraient que leurs propositions print ou télévisées finissent par aboutir. Un projet qu’elles devraient réaliser sans peine grâce à leur polyvalence. «Elles trouvent des bonnes idées mais en plus, elles savent faire du montage vidéo, de l’animation, de l’illustration», énumère Julien Chiapolini. «Sur l’opération “GIF” pour Netflix, elles ont prouvé qu’elles savaient faire des montages en GIF, écrire des messages drôles en anglais et en français tout en les contextualisant selon le lieu et l’horaire», continue Riccardo Fregoso.
S’ils reconnaissent leurs compétences créatives, leurs directeurs de la création admirent également «leur grande motivation, leur force de travail, leur pro-activité ainsi que leur attitude humble». Celles qui ont principalement travaillé pour de grosses marques comme L’Oréal, Nespresso, Lenovo, Netflix, Lactalis ou Philips, ne ferment d’ailleurs pas la porte aux petites marques qui sont plus ouvertes à des choses créatives et originales. «Ce serait un challenge de travailler pour des marques pas connues ou qui ne font pas rêver», confie Nazgol Atharinejad, même si elle reconnaît avoir de la chance de travailler avec L’Oréal, «une marque prête à casser les codes pour produire du contenu rapidement, comme sur la Hair Battle».
Adrénaline
Aujourd’hui passionnées par leur métier, elles ne se sont toutefois pas toujours rêvées publicitaires. «Toute petite, je voulais travailler dans l’image et plus particulièrement dans l’image animée. En Iran, notamment, c’était un moyen de s’exprimer malgré toutes les contraintes», se rappelle Nazgol Atharinejad. C’est grâce à l’ECV Paris et différents stages qu’elle réalise qu’elle veut travailler dans ce milieu publicitaire. «J’ai réellement découvert la publicité lors d’un stage chez DDB Berlin. Ce que j’aime dans ce métier, c’est l’adrénaline, la créativité qui doit être toujours là, les contraintes du temps et le multiculturalisme présent dans les agences de publicité.»
Quant à sa binôme, elle a enchaîné après un bac littéraire par une licence d’histoire à La Sorbonne. «J’étais intéressée par le fait d’apprendre, de disserter et de jouer avec les idées. Mais très vite, j’ai eu envie de quelque chose de plus concret», explique Hélène Boudin. Elle entre donc à l’ECV Paris et effectue un stage chez Ogilvy Paris, où l’envie de travailler dans la publicité se précise rapidement. «Je me suis spécialisée dans la conception-rédaction car j’aime bien choisir les mots. J’aime cette écriture publicitaire, loin de l’écriture universitaire, glisse-t-elle. Ce métier, c’est une super école où on apprend à être concis, à défendre et vendre ses idées, à être rapide et audacieux.»
Si elles ont réussi à s’imposer dans ce milieu grâce à leurs qualités humaines et artistiques, elles doivent désormais renforcer leur confiance en elles. «Elles pourront ainsi provoquer la chance qui leur permettra d’évoluer. D’un point de vue créatif, elles oseront également proposer des idées plus inattendues et farfelues et essayer des choses qui ne leur ressemblent pas», espèrent Julien Chiapolini et Riccardo Fregoso. Gageons que remporter cette nouvelle édition du Prix Stratégies des jeunes créatifs les y aidera!
Les précédents lauréats
2015. Mathilde Fallot et Gullit Baku (BETC)
2014. Salomé Jestin et Charles-Henry Joyaut (Ogilvy)
2013. Julien Deschamps et Jordan Lemarchand (BETC)
2012. Alexis Benbehe et Pierre Mathonat (DDB Paris)
2011. Baptiste Clinet, Nicolas Lautier et Florian Bodet (Ogilvy)
2010. Pierre Dupaquier et Clément Durou (La Chose)
2009. Alexis Benoît et Paul Kreitmann (CLM BBDO)
2008. Mohamed Bareche et Daniel Perez (TBWA Paris)
2007. Stéphane Soussan et Julien Kossowski (DDB Paris)
2006. Eve Roussou et Clémence Cousteau (TBWA Paris)
2005. Céline Landa et Benjamin Marchal (DDB Paris)
2004. Charles Guillemant et Patrice Lucet (BBDP & Fils)
2003. Emmanuelle Maliakas et Fabien Chiaffrino (Saatchi Paris)
2002. Xavier Beauregard et Vincent Pedrocchi (BBDP & Fils)
2001. Yves-Éric Deboey et Mathieu Degryse (CLM BBDO)
2000. Laurent Dravet et Axel Orliac (Leo Burnett)
Les autres nominés 2016
Hugo Martin et Sylvain Michel (Australie)
Guilhem Barbet et Pierre Cognard (Buzzman)
Damien Foui et Fabienne Fiorucci (Darewin)
Romain Arrigoni et Nicolas Richard (Grey)
Linda Bouderbala et Rémy Maufangeas (Marcel)
Chloé Lefour et Allan Huon (Ogilvy & Mather Paris)
Josse Armanet et Loïc Andria (Publicis Conseil)
Julien Bon et Gautier Fage (Romance)
Niels Marqueyssat et Vincent Requillart (Rosapark)