Hommage à Cathy Leitus
Olivier Milot, ex-rédacteur en chef de Stratégies, grand reporter à Télérama, se souvient de son ancienne collègue devenue une amie merveilleuse, la regrettée Cathy Leitus.

D'abord, il y eut La Correspondance de la presse. Nombre de journalistes de Stratégies y ont fait leur premières armes. Cathy était de ceux-là. Elle a débarqué un jour dans les locaux de l'avenue de l'Opéra et s'est installée en face de moi. Quand je dis «en face de moi», c'était à une distance que la médecine réprouverait rigoureusement en temps de covid. Trois semaines plus tard, je me demandais si j'allais pouvoir continuer à travailler à ses côtés. Trop de questions, de mots, de paroles. Un tsunami verbal. Deux mois plus tard, j'avais gagné une amie pour la vie et des journées à rallonge. Écrire un article et écouter Cathy resteront à jamais deux activités inconciliables.

Partie à Stratégies début 1990, elle ne cessera d'intriguer pour m'y faire venir et parviendra à ses fins. Qui résiste à Cathy ? Elle avait un grand respect de la hiérarchie, même quand les hiérarques étaient ses amis. Et à condition bien sûr de la prendre comme elle était. Elle pouvait débouler à n'importe quel moment dans le bureau. Que vous y soyez en rendez-vous était parfaitement accessoire. Elle y entrait munie de sa phrase totem : «J'en ai pour 5 minutes». Une heure plus tard, elle avait depuis longtemps vendu son idée de papier, mais en dissertait toujours l'angle et négociait l'impérieuse nécessité de lui accorder quelques milliers de signes supplémentaires… qu'elle finissait souvent par obtenir. Elle lançait alors un malicieux «Merci chef», mimait un salut militaire et sortait dans un grand éclat de rire.

Un enthousiasme partageur

A plus d'un titre, Cathy était précurseure dans le travail. Elle en avait expérimenté toutes les formes. Le travail à horaire décalé avait sa préférence et la nuit devint sa plus fidèle compagne. Longtemps, elle s'est couchée de bonne heure… au petit matin. Elle avait également adopté le télétravail bien avant que l'épidémie de covid ne le rende tendance. Elle y voyait le moyen le plus sûr de concilier un métier qu'elle adorait et sa famille qu'elle aimait par-dessus tout.

Cathy avait une jolie plume, une force de conviction peu commune et un enthousiasme partageur. Elle pouvait déployer une énergie considérable pour dénicher un scoop, décortiquait l'actualité comme personne, considérait chaque sujet qu'elle traitait comme le plus important au moment où elle s'en saisissait. Mais c'est dans l'écriture de portraits qu'elle s'est révélée indépassable. Cathy était une femme de contact, pas de dossier. Et si elle parlait beaucoup, elle écoutait aussi beaucoup.

Quand un dirigeant acceptait de la rencontrer – peu importe qu'il s'appelle Nicolas de Tavernost ou Marie-Laure Sauty de Chalon - il ignorait qu'il serait contraint d'annuler trois rendez-vous pour répondre à toutes ces questions, et ne se doutait pas qu'il allait se dévoiler jusqu'à l'intime. Cathy n'en a pas trahi un seul. Ses portraits étaient léchés, précis, jamais complaisants mais jamais méchants. Et si elle a été cette merveilleuse journaliste, c'est avant tout parce qu'elle aimait les gens. 

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