Pour le voir en vrai, il fallait lever le nez, poser le regard en l’air, puis le coller au sol, afin de le voir à l’endroit. Le « coup » d’EasyJet et sa bâche inversée a fait décoller plus d’une rétine, et créé des turbulences sur les réseaux sociaux. Et c’est pour la finesse de l’utilisation du média que le jury du Grand Prix Stratégies a décidé de lui attribuer les lauriers, récompensant ainsi le travail collectif de l’annonceur, de l’agence créa Buzzman, et de l’agence média Omnicom Media Group (OMD). « Car le secret d’une bâche réussie, c’est que tout le monde travaille main dans la main et rapidement. Il faut faire face à toutes les contraintes ensemble », explique Caroline Manaud, business Manager chez OMD. Si la créa est déterminante, elle est très encadrée, du fait que les bâches événementielles sont situées dans des lieux publics, sur des bâtiments historiques… Sans compter qu’au départ, tout l’enjeu réside dans la réactivité. Et aussi parfois, dans un bon alignement de planètes.
En octobre 2018, EasyJet lance de nouvelles lignes sur son centre de Bordeaux, ouvert quelque six mois auparavant. « Nous cherchions à partager cela avec les Bordelais, à se faire connaître aussi, et à tisser un lien de proximité avec les habitants », détaille Ombline Delepoulle, directrice marketing France pour la compagnie aérienne. Pile à la même époque, la régie Light Air présente à OMD une bâche événementielle sur le miroir d’eau de Bordeaux, le lieu le plus photographié de la ville… Une aubaine. Mais pour obtenir l’emplacement, il faut aller vite. Light Air lance un appel d’offres, et le premier à dégainer remporte la mise. Pas d’enchères, les tarifs sont fixes (entre 100 000 et 150 000 euros bruts selon les emplacements). C’est la première agence qui a l’accord de son annonceur qui peut s’afficher en grand… « Ces emplacements sont rares en province. Et là, c’était particulièrement adapté pour EasyJet, en termes d’espace et de timing », ajoute Stéphana de Viry, business director chez OMD. La marque orange n’hésite pas. La bâche est gagnée.
Un voyage à gagner
C’est là que Buzzman entre en jeu. Depuis deux ans que l’agence s’occupe du budget pour la France, les deux directeurs de création Julien Doucet et Lilian Moine connaissent la marque jusqu’au bout des ailes. « C’est une marque plus mature en termes de publicité que d’autres compagnies low cost », détaille Julien Doucet. « Elle est plus fine, parie sur l’intelligence du public », enchérit Lilian Moine. « EasyJet est une marque malicieuse. Elle a toujours un ton amical et impertinent », résume la directrice marketing. Pour les deux créas, cette bâche est une vraie aubaine. « Mais on ne veut pas être une verrue en pleine ville. C’est dommage d’être intrusif, vulgaire. Quitte à entrer dans la vie des gens, en plein cœur de la ville, autant le faire avec tact et poésie », argumentent les deux créatifs. C’est ainsi qu’ils ont voulu faire l’affiche la plus minimaliste qui soit, et jouer avec le jeu de reflet dans le miroir d’eau. Donnant tout son sens au bâtiment.
« À chaque fois, on essaye de trouver des astuces, qui soient plus que des astuces, pour que les affiches ne soient plus des affiches », soutien Julien Doucet. Ainsi avaient-ils, pour la même marque, plié un avion géant en origami sur le périphérique parisien. « Le but, c’est que les gens la prennent en photo », ajoutent-ils. « On a voulu l’amplifier en social media, et faire vivre cette bâche dans la ville, en faire une vraie expérience pour les Bordelais, les inciter à venir sur place », raconte Caroline Manaud. Aussi l’agence a-t-elle concocté un jeu-concours, pour les habitants qui prendraient la plus belle photo. À la clé, des billets d’avion… Et ça a marché ! Au total, 12,5 millions de personnes ont été exposées, dont 3,1 millions par les réseaux sociaux, et 9,4 millions par les articles de presse.
Entretien
« Nous sommes devenus la compagnie numéro un à Bordeaux », Ombline Delepoulle, directrice marketing chez EasyJet
L’affichage occupe-t-il une place importante au sein de la stratégie média d’EasyJet ?
Nous disposons de nombreux centres régionaux. L’affichage est un média de proximité, qui nous permet de nous exprimer en interpellant le public aux alentours de ces centres. C’est un vrai terrain de jeu pour les créatifs, qui peuvent jouer avec la répétition, des messages personnalisés, contextualisés, et surtout très locaux. Ca fait donc partie intégrante de la stratégie pour nous.
La campagne a-t-elle eu beaucoup d’effets à Bordeaux ?
Nous avons pu constater une hausse de 10 points sur notre indice de considération à Bordeaux suite à cette prise de parole. Nous sommes devenus la compagnie numéro un à Bordeaux cette année. Mais on ne peut pas attribuer ce succès à la seule bâche événementielle. Nous avons eu beaucoup d’autres campagnes, en affichage et en digital avec du display. En revanche, les reprises dans la presse nous ont permis de gagner en notoriété au niveau international. Car nous avons eu 20 retombées en France et 32 à l’international, pour un reach de 12,5 millions de personnes.