Connaissez-vous le Parkour, cette discipline sportive qui consiste à franchir successivement des obstacles urbains ou naturels et qui s'est considérablement popularisée ces dernières années ? Le trainsurfing en est l’un de ses redoutables dérivés. Il s’agit de monter sur le toit d'un train ou d'un métro en marche, et de faire comme si on surfait dessus, souvent pour faire le buzz sur les réseaux sociaux. Reste que cette pratique est aussi illégale que dangereuse. Trois accidents mortels se sont produits entre 2015 et 2017 sur les lignes de la RATP. Pour les personnes prises en flagrant délit, la sanction est de 15 000 euros d’amende et peut monter jusqu'à un an de prison.
Pour autant, la dimension répressive ne suffit pas, d'où la volonté de la RATP de sensibiliser les adeptes du trainsurfing à la dangerosité de cette pratique, sans pour autant amplifier le phénomène. Pour cela, la société de transport s'est tournée vers l'agence We are social. « Avec nos différents pôles, nous leur avons proposé de travailler avec un micro-influenceur. Cela nous semblait plus pertinent qu’une campagne de prévention classique qui aurait pu avoir l’effet inverse de celui recherché », explique Maud Noël, group account director au sein de l'agence social media. La stratégie était claire : faire passer des messages par le biais de son compte Instagram, de stories, et surtout au travers d’un live.
« Si nous nous sommes tournés vers Johan Tonnoir, influenceur freerunner, c’est parce qu’il a une pratique raisonnée de l’exploration en milieu urbain, donc nous savions qu’il était susceptible d’adhérer à notre cause », ajoute Maud Noël. C’était aussi l’opportunité d’adresser des cibles confidentielles, généralement plutôt présentes sur le darkweb.
« On tente quelque chose de nouveau ? », a ainsi demandé Johan Tonnoir à ses followers le 25 juin 2018 par le biais d’un sondage. « N’hésitez pas à mentionner les amis que ça pourrait intéresser », a-t-il pris soin d'ajouter. Suite aux retours positifs générés par ce teasing, il a donné rendez-vous à sa communauté le lendemain à 22 heures. A l’heure dite, il a feinté de monter sur la marquise du métro Passy, après une vraie performance acrobatique. C’est au moment où le live atteignait son apogée qu’un message est apparu l’écran : « parce que tu ne pourras jamais maîtriser 750 volts, parce que dès 20km/h, ta vie ne tient qu’à un fil ». Un reveal très efficace puisque la campagne a généré 30 100 vues, 41 520 impressions et 5 035 engagements (2 124 votes au sondage le 1er jour, 2 752 likes...).
« Chanmé mec, trop bien », « J'ai adoré ton concept, comment tu nous a promis du lourd pour au final faire passer un message »... Les messages reçus et partagés par Johan Tonnoir sur les réseaux sociaux témoignent du bon accueil réservé à cette campagne. « Johan aurait pu rejeter le discours de marque, mais il a été très sensible à l’idée. Il était exclu pour nous de berner sa communauté ou de lui faire perdre des followers. Certes, il a été rémunéré, mais l’opération s’est déroulée dans une logique de co-création », précise Guillaume Michel, consultant influence chez We are Social.
Celui-ci souligne également qu’il était important de s’adresser à la cible visée avec leur manière de parler. « Johan a été coopératif, et nous a fourni toutes les infos sur le reach, tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif, en nous envoyant des captures d’écrans avec les réactions de ses followers », indique le consultant influence. Avec un budget de production et d’influence de 50 000 euros seulement tout compris, la RATP a ainsi délivré un message de prévention simple, professionnel et ultra-ciblé. A travers une stratégie alternative, l'utilisation des codes urbex (ceux de l'exploration urbaine) et une collaboration avec un influenceur freerunner, l'entreprise s’aventure elle aussi sur un autre type de terrain, et avec succès !
« Emprunter les codes de ceux qui s'adonnent au trainsurfing », Anaïs Lançon, directrice de la communication et de la marque du groupe RATP
« En sortant des médias traditionnels, nous avons pu sensibiliser bien plus efficacement à la pratique du trainsurfing. Jusqu’à présent, nous étions assez démunis pour nous adresser à ceux qui s’y adonnent. Nous voulions leur expliquer à quel point il s’agit d’une pratique dangereuse, en empruntant leurs codes. Le profil de Johan Tonnoir a retenu notre attention, car il est Parisien et compte 20 000 abonnés sur Instagram. Depuis cette opération, nous n’avons eu aucun accident grave en 2018 et un seul en 2019. A l’avenir, nous souhaitons rester sur une stratégie digitale très ciblée pour nous adresser à cette communauté. »