Juju Fitcats : En tant que créatrice de contenus, es-tu confrontée au cyber-harcèlement ?
Sindy. Oui, tous les jours. Et d’ailleurs, il est toujours à caractère sexiste et/ou sexuel. Beaucoup partent du principe que parce que je suis une femme qui s’expose sur les réseaux, il est normal de m’envoyer des «nudes», de m’insulter ou de me menacer. Les mots employés sont parfois très violents. On m’a parfois écrit que j’étais «une p*te à éliminer» et «à qui il faut faire du mal». Clairement, je pense que dès que tu t’exposes sur les réseaux en tant que femme, tu as le droit à cela.
Comment le vis-tu ?
Jusqu’à présent, j’avais toujours réussi à le vivre avec beaucoup de distance. Mais c’était jusqu’à cette année. À la suite d’un cambriolage et d’un accident, période de ma vie vraiment horrible, le cyber-harcèlement a pris une place trop importante. Cette année, après avoir subi une agression durant l’été, j’ai dû continuer d’encaisser le cyber-harcèlement à caractère sexiste et sexuel auquel je faisais face depuis déjà longtemps. Et je crois que cela a été la pire épreuve de ma vie, vraiment la PIRE épreuve de ma vie… Les gens qui me suivent ne savent pas que je suis passée par là, je n’en ai pas parlé publiquement sur les réseaux en tant qu’influenceuse. Mais c’est vraiment à ce moment-là que le cyber-harcèlement m’a mise sous l’eau et que, je le dis sincèrement, un message en particulier a bien failli me tuer… La façon dont il était écrit, les mots qui étaient choisis m’ont directement ramenée à l’agression que j’avais subi au cours de l’été et aux souvenirs douloureux qui y étaient associés. À tel point qu’il m’a déclenché une crise d’angoisse ingérable, qui m’a amenée à alerter les secours. Les secours, une fois arrivés, m’ont dit, je cite, «de ne pas me mettre dans cet état pour de simples messages».
Le cyber-harcèlement aurait pu me coûter la vie. À ce moment-là, si je n’avais pas eu la force mentale que j’ai eu la chance d’accumuler avec les années, je me serais vraiment fait du mal. Je pense qu’un jour, je raconterais mon histoire dans un livre parce que j’ai compris que c’était ça, ma leçon de vie à moi. C’est cette blessure-là qu’il faut que je soigne.
Y a-t-il un réseau social sur lequel tu le ressens davantage ?
Pour moi, le réseau social le plus violent reste Twitter. Même si, très honnêtement, je pense qu’ils le sont tous. Par exemple, les «dickpics», je ne les reçois pas sur Twitter, je les reçois sur Instagram. Mais personnellement, Instagram est le réseau sur lequel je me sens le plus en sécurité parce que je peux bloquer des mots et je peux restreindre voire bloquer des gens et tous les futurs comptes qu’ils pourraient créer. Sur Twitter, tu ne peux que bloquer… Mais les messages violents qui sont postés ne sont jamais effacés. Quand tu essayes de signaler un compte, on va te dire : «D’après nous, cela n’enfreint pas les règles de la communauté». Non seulement Twitter se tait mais il permet surtout que cela continue. Et paradoxalement, Twitter est aussi mon réseau préféré car c’est le plus drôle. Mais il y a une différence entre l’humour noir et les agressions. Pour moi, ce ne sont pas les réseaux le problème mais les gens sur ces réseaux-là qui sont impunis.
Te sens-tu suffisamment accompagnée par les plateformes pour y faire face ?
Actuellement, je suis extrêmement soutenue par Instagram et Facebook. Ils m’ont énormément aidée et on arrive à mettre des choses en place dans la vraie vie. Je me sens très bien épaulée. Instagram nous aide en tant que créateurs de contenus, à lutter contre le cyber-harcèlement. YouTube, ce n’est pas vraiment un réseau sur lequel tu peux te faire harceler, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, mais c’est comme ça. Et concernant Twitter… rien, franchement rien.
Selon toi, où se situe la limite entre liberté d’expression et cyber-harcèlement ?
Pour moi, la limite n’a pas à être prédéfinie, c’est quand les mots font de la peine, quand ils blessent, quand ils ravivent de très douloureux souvenirs… quand ils font du mal à quelqu’un d’autre. Pourquoi lorsqu’il s’agit de violences verbales, nous n’appliquons pas les mêmes mesures que lorsqu’il s’agit de violences physiques ? Je comprends que ce soit compliqué, mais pourquoi n’y a-t-il pas une «échelle» d’évaluation de la violence mentale ? Une insulte répétée tous les jours fait plus de mal qu’un coup reçu dans la figure ! Qu’elle touche à la santé physique, morale, émotionnelle, ou mentale ou bien même à l’âme de la personne, la violence est tout aussi importante. Cela devrait être puni par la loi.
Qu’est-ce que tu aimerais que les plateformes mettent en place pour lutter plus efficacement contre le cyber-harcèlement ? Qu’est-ce que tu mettrais en place à ton échelle ?
J’aimerais que les plateformes identifient les personnes qui nous ont insulté, harcelé plusieurs fois, et qu’il y ait, si je peux m’exprimer ainsi, «une poubelle à cons». Nous créons une petite boîte, «la poubelle à cons», sur chacun des réseaux. Dès qu’un tel profil nous a insulté et/ou a insulté plusieurs personnes à maintes reprises, nous le glissons dans cette poubelle. Et des personnes seraient nommées au sein des différents réseaux pour faire le tri dans ces poubelles. Il faudrait vraiment créer des modérateurs pour chaque réseau social. C’est la première fois que je pense à ça d’ailleurs, je vais le proposer à Instagram.
De mon côté, lors de mon temps libre, j’organise notamment un goûter avec les petits de mon quartier et certains élus de ma ville pour discuter avec eux de ce que sont le harcèlement et le cyber-harcèlement. Je leur pose des questions : qu’est-ce qu’ils font lorsqu’ils entendent quelqu’un se faire insulter ? Comment ça se passe à l‘école ? Je fais intervenir certaines associations pour sensibiliser les enfants au respect de chacun, pour les aider à identifier un problème et à en parler, pour leur faire savoir qu’ils ont le droit de se défendre et d’être défendu. Personnellement, tout ce cyber-harcèlement à mon encontre m’a vraiment appris à militer en faveur des enfants et des femmes.