Après le « fiasco » de la finale de la Ligue des champions au Stade de France, faut-il s’inquiéter pour la prochaine Coupe du monde de rugby qui se tient dans l'Hexagone en 2023 ou pour les JO de Paris 2024 ? Les responsables se montrent étrangement silencieux, mais les acteurs de l’événementiel se veulent, eux, rassurants.
Le 28 mai dernier, le monde entier suivait en direct les incidents qui émaillaient l’organisation de la finale de la Ligue des champions au Stade de France. Des forces de l’ordre et des stadiers débordés par la gestion de la foule de supporters de Liverpool, des dizaines de milliers de supporters britanniques coincés à l’extérieur du stade empêchés d’assister au match et - pour certains des plus proches des grilles - gazés par les policiers… Tellement loin de ce qui devrait simplement être un moment de partage du sport ! De quoi susciter et justifier les critiques, dont la plus dangereuse est venue d’un supporter des « Reds » qui, interrogé à la télévision, invitait les téléspectateurs à ne pas venir aux Jeux olympiques de Paris...
Dans leur rapport rendu mercredi 13 juillet, les commissions sénatoriales parlent d’un véritable « fiasco » et pointent, au contraire, « des défauts d'organisation majeurs et une multiplicité de facteurs mal pris en considération ».
A un an de la Coupe du monde de rugby qui se tient en France et deux ans des Jeux Olympiques Paris 2024, l’incident fait tâche. Tous les acteurs de l’événementiel interrogés par Stratégies reconnaissent l’importance des incidents. Un simple « loupé » pour Thomas Deloubière, associé fondateur de The Banner, agence spécialisée en communication événementielle, fondée par Ubi bene, Double 2 & OBO. « C’est un gros raté », reconnaît quant à lui Roland Gomez, DG de Proman, recruteur officiel des volontaires de la prochaine Coupe du monde de rugby. « Un signal d’alarme dont il faut tenir compte », estime Bertrand Biard, co-fondateur et président du groupe d’événementiel Manifestory. Voire carrément «un crash » pour Frédéric Bedin, président du directoire de Hopscotch. Le rapport rendu le 10 juin par le préfet Michel Cadot, en charge de la Délégation interministérielle aux grands événements sportifs (Diges) est lui particulièrement sévère et pointe « plusieurs failles dans l'orientation et la gestion de la foule, dans l'insuffisante information (...), dans le manque d'anticipation des itinéraires de délestage, dans la coordination et le dialogue imparfaits entre les parties représentées .»
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Pour autant, tous les pros de l’événement veulent relativiser l’impact de ces incidents sur les futurs rendez-vous sportifs. « Tant mieux que ça soit arrivé maintenant », relativise Frédéric Bedin « cela permet une prise de conscience générale ». Roland Gomez admet que « la France a été prise en défaut. Mais il y a mille autres exemples positifs où tout s’est très bien passé », souligne-t-il. « Bien évidemment, il faut en tirer les conclusions, mais il n’y a pas de raison d’être inquiets ou d’agiter cette polémique qui est déjà désuette un mois après cet épisode, veut croire Thomas Deloubière de The Banner. Cela remet-il en cause la capacité de la France à organiser de grands événements sportifs ? Clairement, non. » Et de rappeler tous les grands événements publics qui ont eu lieu, depuis le concert d’Indochine avec ses 98 000 spectateurs au Stade de France jusqu’à la Journée olympique le 26 juin à Paris. « Si la France n’était pas capable d’organiser de tels événements sportifs, alors qui en serait capable ? », demande en écho Bertrand Biard. « Ce qui s’est passé au stade de France est vraiment regrettable », admet Fabrice Favetto-Bon, DG d’On Location France, l’entreprise qui a emporté l’ensemble du marché de l’hospitalité des JO de Paris. « Ensemble, nous souhaitons évidemment accueillir tous les fans dans les meilleures conditions possibles : la sécurité est l’un des principaux enjeux pour les JO », poursuit-il, avant de citer un proverbe africain : « Le fracas de l’arbre qui tombe ne doit pas cacher le murmure de la forêt qui pousse ».
Plus d’un mois après les événements, le ministre de l’Intérieur a fini par reconnaître que « l’organisation a failli ce jour-là » et a présenté ses excuses aux supporters. Mais « les Jeux olympiques et les matchs de football au Stade de France, ce n’est pas tout à fait la même chose », relativise Gérald Darmanin interrogé sur BFMTV. Étrangement, le Comité organisateur des Jeux Paris 2024, tout comme l’instance d’organisation de la Coupe du monde de rugby France 2023, se sont montrés très discrets sur ces incidents. « Les organisateurs de ces deux événements majeurs ne se sont pas exprimés sur le sujet pour dire qu’ils en ont tiré les enseignements ou annoncer des mesures », souligne Bertrand Biard. On a l’impression qu’ils attendent juste que ça se passe. C’est problématique, d’autant que la prise de parole politique a été mauvaise elle aussi ». Sollicités par Stratégies le Cojo Paris 2024 et France 2023 Rugby, n’ont effectivement pas répondu à nos demandes…
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Comment éviter à l’avenir que de telles situations ne se reproduisent ? « Pour les JO, nous n’avons pas le droit à l’erreur », rappelle Roland Gomez chez Proman. L’important, c’est l’anticipation, toujours l’anticipation ». « Pour nos clients, c’est un mauvais signal donné à l’échelle internationale, mais cela permet d’aborder les grandes échéances à venir, non pas avec suffisance, mais avec modestie et anticipation », reconnaît en écho Thomas Deloubière. « Tout ce qui est mis en place par les pouvoirs publics, le fait que la nouvelle ministre des Sports soit aussi ministre des Jeux olympiques et paralympiques, la création de la Direction interministérielle aux Jeux olympiques, sont la preuve de l’implication du gouvernement et que les pouvoirs publics ont la volonté de co-construire ces rendez-vous sportifs avec le Cojo ou World 2023 », plaide-t-il. « Toutes les parties prenantes ont bien pris conscience que l’enjeu de la sécurité est au cœur de l’expérience que vont vivre les supporters » avance pour sa part Fabrice Favetto-Bon chez On Location.
« Le rôle des organisateurs est de rassurer, de montrer que tout est maîtrisé. La communication d’anticipation est essentielle pour de tels événements, alerte encore Bertrand Biard. Il est temps de prendre la parole et ne pas sous-estimer un French bashing qui ne dirait pas son nom... » Et d’appeler de ses vœux un sursaut collectif : « Il faut absolument montrer que l’ensemble des parties prenantes – Cojo, pouvoirs publics, partenaires et tous les acteurs concernés de près ou de loin par les JO – marchent de concert pour montrer que la France est une terre d’accueil du sport. »
« Le succès des JO repose aussi sur la possibilité pour les entreprises de profiter au mieux de la présence de supporters venus du monde entier, ainsi que sur la dimension sportive, à savoir que la France gagne un maximum de médailles », se projette Roland Gomez. Sans oublier « Le volet de l’inclusion (qui) participe évidemment aussi à la réussite des Jeux olympiques : l’événement doit profiter au plus grand nombre. »
« Les métiers de l’événement, c’est une subtile alchimie entre des savoir-faire différents. Or, les ressources de l’événementiel ont été mises à mal par deux années de covid », alerte encore Bertrand Biard. Les sociétés de sécurité ont déjà tiré le signal d’alarme. Quant aux problèmes de recrutement et de formation de stadiers, ils sont récurrents… »
Pour acheter leurs billets, voyages et hébergement pour Paris 2024, mais aussi Milano Cortina 2026 et LA28 les fans devront désormais passer par un opérateur unique d’hospitalité. Ainsi en ont décidé le CIO et les Cojo concernés. « L'une des recommandations de l'Agenda olympique 2020+5 est de proposer aux Cojo des solutions clés en main supplémentaires afin de simplifier la complexité de l'organisation des Jeux », a déclaré Thomas Bach, le président du CIO, en juin 2021 en dévoilant le nom du prestataire retenu : On Location. « Cette nouvelle solution offrira aux passionnés de sport à travers le monde un processus simplifié et sécurisé pour assister aux Jeux », a-t-il ajouté. « La réforme (…) a pour ambition de livrer des solutions clés en main à long terme, dans le but de simplifier les opérations, d'améliorer l'efficacité de la prestation et de créer de nouvelles sources de revenus », précise le communiqué diffusé à cette occasion.
« On location est un acteur global capable de toucher l’ensemble des publics et des entreprises concernés par les JO. C’est pour cela qu’il a été retenu », se félicite Fabrice Favetto-Bon, DG On Location France. Nous pouvons agir localement, via la filiale française que nous avons créée, en tenant compte des spécificités du projet olympique et de la vision de Paris 2024. L’intérêt pour le CIO, c’est aussi d’avoir un seul opérateur qui puisse transférer des compétences d’une édition des Jeux à une autre ».
On Location se définit comme un fournisseur d’expériences, un créateur d’émotions collectives inoubliables : « Paris a tellement à offrir en termes d’art de vivre à la française, de gastronomie, de culture et d’art… Nous allons proposer des expériences uniques autour de ces différents axes. » Et de conclure : « l’un des engagements majeurs de Paris 2024 est d’offrir des Jeux pour tous ; nous avons, bien entendu, intégré cette notion d’accessibilité dans notre gamme d’offres et de prix » dévoilée en septembre.