Le 29 mai dernier, Stratégies organisait son premier Retail Media Summit, au théâtre de la Madeleine. Se sont succédé sur scène les professionnels du secteur pour brosser les enjeux des dernières évolutions de cette pratique marketing en plein essor.
Alors que l’essor du retail media – lequel a franchi le cap du milliard d’euros de chiffre d’affaires en France en 2023 – s’accélère, difficile d’y voir clair pour les marques au sein d’un un écosystème où retailers, régies, agences et adtech se multiplient. Une chose est sûre : entre les alliances, de nouveaux entrants ou les enjeux entourant la donnée consommateur, le retail media devient névralgique. De quoi pousser Bruno Delahaye, partner et head of consumer practice de Cathay Innovation, à parler de nouvel eldorado. « Le retail media ouvre des marges incroyables aux retailers et à la grande distribution. Chez Amazon par exemple, le retail media génère 100% du profit et peut compenser les pertes sur la partie e-commerce. Amazon ne fait pas d’argent sur la partie retail mais sur la pub. Cela a des implications multiples qui font que certains qualifient le retail media de troisième vague après le search et le social », pose-t-il. « Du point de vue performance média, le retail media offre des opportunités neuves qui, justement exploitées, peuvent servir les intérêts business des marques, le bon niveau d’investissement constituant le socle premier », appuie Johann Barsby, directeur associé de Publicis Commerce.
De quoi pousser à une quête effrénée des meilleures pratiques et indicateurs. « Il n’y a pas de recette miracle mais certaines choses fonctionnent », pointe Glenn Cloarec, retail data acceleration director chez L’Oréal. « Les retailers ont enrichi leur inventaire et la robustesse de leur offre – audience, granularité… Reste un bémol concernant les KPI et tout particulièrement la notion d’attribution. D’où ce message à l’attention des retailers français et européens : accélérez, testez et validez vos produits avant de les commercialiser. On perd trop de temps », souligne-t-il. « C’est un élément important car les retailers ont encore tendance à être seuls juges de la performance de la marque, avec peu de visibilité et des indicateurs essentiellement média. D’où la nécessité d’enrichir la donnée avec d’autres sources d’information comme on le fait chez LiveRamp », plaide Stanislas Lajouanie, managing director Continental Europe de LiveRamp. Face à ce paysage foisonnant, les arbitrages s’avèrent indispensables. « Il faut choisir les partenaires les plus adaptés. L’offre est très hétérogène, il semble logique que le secteur fasse le tri dans les années à venir », ajoute Jérôme Mary, D-commerce lead de Haleon France, pointant « une courbe d’expérience à acquérir et un modèle à cracker pour chaque marque ».
Viennent ensuite sur scène, Alexandra Suire, directrice Régie & Trade de Retailink by Fnac Darty et Karim Ouahioune, directeur marketing et communication d’Acer. Les deux évoquent l’exemple du Retailtainment. La régie de Fnac Darty organise pour la marque différents événements qui s’insèrent totalement dans le canal de vente. « Cela nous permet de créer du lien avec nos consommateurs, et d’avoir beaucoup de retours détaillés et chiffrés sur les opérations », précise Karim Ouahioune. La marque voit la régie de retail media comme une agence à part entière, traduisant l’évolution de la pratique dans le monde du marketing. « Cela nous permet d’approfondir nos partenariats avec nos marques fournisseurs, et de valoriser nos magasins », ajoute Alexandra Suire pour Fnac Darty. Et le retail media devient une véritable action de cobranding entre l’enseigne et le fournisseur, chacun s’appuyant sur les assets de l’autre.
L'off-site, «priorité stratégique»
Suivent sous les projecteurs Equativ et Cdiscount, qui ont noué un partenariat sur le volet off-site. « Dans la quête de nouvelles sources de revenus, la commercialisation de notre data en externe est un sujet clé. Aujourd’hui, on veut créer le puzzle parfait avec les leaders dans chaque domaine dont Equativ côté adtech, TF1 côté média… », développe Étienne Blanchet, directeur commercial & marketing Marketplace & Fournisseur de Cdiscount Advertising. Pour y parvenir, Equativ a recours à « une plateforme de curation facilitant la mise à disposition de la donnée retail Cdiscount auprès des acteurs du marché », abonde Julien Mateos, tech partnership director chez Equativ, soulignant à quel point « miser sur l’off-site constitue une priorité stratégique pour les marques » au regard d’un « marché fragmenté et à la recherche de nouvelles données first party avec la fin approchante du cookie tiers ».
Puis c’est au tour d’Élise Guyard, directrice programmatique, data et partenariats de M6 Publicité et Mathieu Saudemont, Country Manager France & Global Client Lead d’Unlimitail – la joint-venture entre Carrefour et Publicis – de revenir sur les enjeux entre les régies des enseignes et les médias. Chacun y détaille la manière avec laquelle il valorise ses données par ce partenariat qui souffle sa première bougie.
Enfin, un débat sur le défi de la mesure dans cet écosystème en plein chambardement voit s’exprimer Dali Ben Aleya, founder & CEO de Datagram et Idalgo d’Ambrosio, responsable pôle efficacité digitale de l’association professionnelle l’Ilec. Ils replacent la spécificité de la mesure « incrémentale » au cœur des questions et estiment tous deux qu’il en va de la crédibilité du retail media – et donc des budgets qui y sont destinés – de réussir à s’entendre sur des modes de mesure. Face au nombre important de KPI existants, il est nécessaire de clarifier les pratiques, et de se libérer des standards sûrement imposés par Amazon, historiquement et culturellement.