Le marché des spiritueux sans alcool a bondi de 13% en France en 2021, selon une étude Businesscoot publiée en juin 2022. Ce secteur en plein développement est de plus en plus bataillé.
Le verre de vin en terrasse serait-il en passe de se faire concurrencer par les soft drinks ? Les breuvages à 0% d'alcool sont un secteur en effervescence dans l’Hexagone. Selon une étude effectuée par Businesscoot, spécialiste des études de marché, publiée à l’été 2022, le marché des spiritueux sans alcool a augmenté de 13% en 2021 en France, et devrait connaître une croissance annuelle autour de 10% jusqu’à 2025. La consommation d’alcool a diminué de 30% en vingt ans et les versions sobres des cocktails et autres bières affichent une croissance de 10 à 12% chaque année, contre 0,7% de croissance pour les boissons alcoolisées. Une tendance en vogue qui amène de nouveaux producteurs sur le marché.
C’est le cas de la marque Tempera, lancée en septembre dernier par le chef Mauro Colagreco et son associée Arielle Bove. L'idée est née d’une envie de proposer une nouvelle expérience culinaire avec des assemblages sans alcool « d’exception » : « Depuis quelque temps déjà, j’explorais des possibilités d’accords sans alcool pour accompagner les plats de mon restaurant, le Mirazur, à Menton. Nous nous sommes vite rendu compte qu’il y avait une forte demande pour des boissons de ce type : des assemblages sans alcool délicats, complexes, peu sucrés mais savoureux. J’ai alors cherché une personne capable de se lancer à mes côtés dans ce pari fou : ma rencontre avec Arielle Bove, à l’été 2022, a permis de donner un élan concret au projet Tempera. Un an plus tard, nous proposons six assemblages, qui trouvent chacun leur équilibre entre fleurs, plantes, épices et fruits, et qui peuvent être dégustés seuls ou en accord avec des mets », confie-t-il. Cette soif d’arriver sur ce nouveau terrain de jeu permet d’être une alternative à un public en demande : « Il y a très peu d’options pour les personnes qui sortent en semaine et qui ne veulent pas consommer de l’alcool. Ces spiritueux s’adressent à un large public, dont ceux qui aiment l’alcool. Nous n’avons pas l’intention de concurrencer le vin, mais de promouvoir quelque chose de nouveau en quête de diversité », explique Arielle Bove. Ce marché est une solution plus « inclusive », étant donné qu’il permet de satisfaire un large public, en gardant la convivialité de partager un moment avec ses proches.
Le confinement a joué un rôle dans cette tendance du sans alcool, puisque les ventes de boissons ont grimpé en flèche et se sont glissées sur les cartes des bars et dans les rayons des commerces. Des marques françaises déjà existantes comme Le Petit Béret, Edmond ou encore French Bloom, nées entre 2016 et 2019, étaient déjà sur le marché. De 2020 à 2023, la consommation s’est accélérée avec l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché français comme Osco qui propose des apéritifs sans alcools ; Pop Maté, une boisson pétillante et énergisante à base de maté bio en solution pour remplacer le café, les sodas, l’alcool ; Tempera encore plus récemment et encore d’autres.
Le même argument revient souvent : le manque de choix dans la proposition des boissons sans alcool. Ces mets, presque plus difficiles à confectionner qu’un assemblage avec alcool, nécessitent beaucoup de travail en recherche et développement. « Pour ma cuisine, je m’inspire depuis toujours de la nature, de mon jardin, du terroir de la Côte d’Azur. Pour imaginer chacune des recettes, j’ai suivi le même processus : trouver l’équilibre des goûts pour que les ingrédients choisis se subliment les uns les autres. La difficulté était que je ne pouvais pas jouer sur les mêmes éléments que pour un plat. Par exemple les textures (croquant, fondant, crémeux) ou les températures. Il fallait aussi que chacun des profils aromatiques puisse s’accorder avec des mets, ce qui rajoutait de la complexité. C’est pourquoi certains assemblages ont nécessité de nombreuses itérations, pour atteindre le résultat parfait. Ensuite, il a fallu adapter chaque recette à un contexte de production industrielle. C’était un défi d’ajuster le processus de fabrication et les quantités des ingrédients tout en gardant la qualité et la naturalité des produits. Cela a demandé beaucoup de travail, mais nous y sommes parvenus », détaille Mauro Colagreco.
Un sobrelier, des sobrevages
S’improviser créateur d’une marque sans alcool ne s’improvise pas. Benoît d’Onofrio était sommelier, et a élargi son champ pour devenir sobrelier afin de se concentrer sur d’autres types de « sobrevages ». Il travaille actuellement au restaurant les Ventrus où il développe justement ces assortiments. « Il y a une demande croissante sur le plan général. Une partie de la population assume de ne plus répondre à certaines injonctions sociales, comme celle de consommer de l’alcool selon certaines occasions. Mais les alternatives sont, selon moi, encore insatisfaisantes. En dépit d’une centaine de références, nous tournons autour de quatre grandes familles : les jus de fruit, les sodas, les infusions, et les vins/bières sans alcool, faux spiritueux. Chaque famille de breuvage présente des limites, puisqu’elles sont élaborées de la même façon, et l’expérience de dégustation est la même. D’où la nécessité de voir émerger une autre catégorie qui n’emprunte pas des codes déjà existants, car il y a une vraie pénurie de boisson inédite. Nous avons des acteurs(-trices) qui occupent le marché du sans alcool en recourant à ces facilités de recettes qui ne rebattent pas les cartes, ne dessinent pas le champ des possibles. Nous sommes au début de quelque chose, c’est l’occasion de créer des menus authentiques ! C’est tout de même satisfaisant de voir une prise en compte de la demande, qui était pauvre il y a encore quelques années », explique-t-il.
Dans un autre genre, celui des bières 0% est un terrain fructueux, notamment pour Kronenbourg qui en raison de la situation économique et de la baisse de consommation de bières (-4,7 % sur les huit premiers mois de 2023, selon NielsenIQ), a décidé de miser sur les boissons sans alcool. Son produit phare : la Tourtel Twist. En plus de cela, la marque est présente dans des stades de la Coupe du monde de rugby et sponsor officiel des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Le patron du groupe espère ainsi pousser la part de ces breuvages de 13,7% des volumes de vente de Kronenbourg en grande surface aujourd’hui, à 18% d’ici 2025, rapporte un article de Ouest France.
23,5 milliards d'euros Chiffre d'affaires du marché des boissons non-alcoolisées en France en 2022 (source : Statista).
+ 13% Croissance du marché des spiritueux sans alcool en 2021 en France (source : Businesscoot).
- 30% Baisse de la consommation d'alcool en vingt ans.