L'association, qui s'attend à servir 170 millions de repas cette année contre 140 millions en 2022, traverse une grave crise financière, en partie dûe à l'inflation. L'État et plusieurs distributeurs se mobilisent pour le maintien de cette aide alimentaire.
En grande difficulté financière, les Restos du cœur ont annoncé dimanche 3 septembre devoir se résigner à réduire leur nombre de bénéficiaires. « Aujourd'hui, nous ne sommes pas suffisamment solides pour absorber le flux de personnes qui ont besoin d'aide alimentaire », a expliqué à l'AFP Patrice Douret, président de l'association créée en 1985 par Coluche. « Si rien n'est fait, on pourrait devoir fermer d'ici trois ans ». Au total, 150 000 personnes dans le besoin pourraient être éconduites cet hiver par l'association.
Les Restos du cœur sont dans le rouge en raison de la « hausse très importante » du nombre de personnes qui demandent de l'aide et d'une « augmentation de ses coûts de fonctionnement », due à l'inflation. Invité du journal TV de TF1 dimanche, Patrice Douret a lancé « un appel aux forces politiques et économiques de notre pays » pour le « lancement d'un plan d'urgence alimentaire ». « Nous ne sommes pas suffisamment entendus ou pris au sérieux [...] mais les digues sont en train de lâcher », a déclaré le responsable associatif sur TF1.
L'association a déjà accueilli 1,3 million de personnes en 2023, contre 1,1 million sur l'ensemble de l'année dernière. Et ces derniers mois, son budget pour les achats alimentaires, redistribués ensuite gratuitement aux bénéficiaires, a « doublé ». « C'est un véritable crève-coeur, mais nous allons devoir massivement dire non à des personnes que nous aurions pu accueillir avant l'inflation et nous allons devoir réduire la quantité de ce que nous donnerons aux personnes qui rentreront dans nos critères », a détaillé Patrice Douret auprès de l'AFP.
Les Restos du cœur, qui assurent 35% de l'aide alimentaire en France, disposent d'un budget de fonctionnement d'environ 200 millions d'euros par an. Des ressources qui proviennent de donateurs particuliers, d'entreprises ainsi que d'aides publiques de l'État et de l'Union européenne. D'après l'AFP, l'association aurait besoin de 35 millions d'euros supplémentaires pour terminer l'exercice à l'équilibre.
Aide de l'État et mobilisation des distributeurs
En réponse à ce cri d'alarme, Aurore Bergé, ministre des Solidarités, a promis dimanche une aide supplémentaire à l'association de 15 millions d'euros. « Il est hors de question d'imaginer même que les Restos puissent fermer la porte ou que les bénévoles doivent renoncer à aider ceux qui se présentent », a-t-elle assuré sur TF1. Par ailleurs, une enveloppe de 6 millions d'euros sera distribuée à des associations venant en aide aux tout petits (via la distribution de couches, lait infantile, petits pots, etc...), a annoncé sur TF1 la ministre qui a elle aussi lancé un « appel solennel aux grandes entreprises » pour qu'elles se mobilisent « pour l'aide au plus fragiles ».
Dimanche, les distributeurs Les Mousquetaires (Intermarché, Netto) et Carrefour ont également annoncé se mobiliser. Le groupement Les Mousquetaires, « en concertation avec les Restos du Coeur, va mettre en place, avant la fin de l'année, des opérations de collecte spécifiquement dédiées à l'association » via ses 2 100 magasins Intermarché et Netto, annonce-t-il dans un communiqué.
Le groupement disposant aussi de ses propres usines agroalimentaires, « les chefs d'entreprise Mousquetaires ont aussi décidé d'accompagner l'association par des dons significatifs issus de leurs 56 unités de production - dons alimentaires et non-alimentaires en produits de grande utilité pour les familles, comme les couches pour bébé fabriquées en Bretagne par les Celluloses de Brocéliande », est-il ajouté.
Le concurrent Carrefour, partenaire des Restos du cœur depuis 16 ans, « va répondre à l'appel », a annoncé son PDG Alexandre Bompard sur BFM TV dimanche soir. Le PDG a expliqué pouvoir envisager une aide de façon financière et par des dons et collectes. « On va vite organiser une rencontre avec les Restos du cœur ; pour aller un peu plus loin, voir si on met en place des collectes spécifiques », a-t-il dit.
L'inflation en France a progressé de 4,8% sur un an en août, selon l'Insee. L'un de ses principaux moteurs reste le prix des produits alimentaires, qui ont bondi de 11,1% sur un an le mois dernier, une envolée moins rapide qu'en juillet (12,7%) mais toujours significative. Dans ce contexte, les associations constatent une hausse significative du nombre de demandes d'aide. Contactées par l'AFP, d'autres grandes associations de lutte contre la pauvreté observent un afflux de demandes.
Au Secours Populaire, les demandes d'aide progressent « de 20 à 40%, selon les territoires », une situation « très inquiétante », selon Houria Tareb, secrétaire nationale. À la Croix-Rouge, les demandes ont progressé de 7% au premier semestre, par rapport à la même période l'an dernier, également marquée par un bond des demandes. Enfin, l'Armée du Salut, qui a « pratiquement doublé » l'aide alimentaire qu'elle apporte par rapport à la période d'avant la crise sanitaire, tente par exemple de passer des accords avec des agriculteurs.