Brièvement arrêté à Atlanta, et pris en photo par les services judiciaires, l’ex président américain a réussi à retourner une photo humiliante en coup de com.
La photo d’identité judiciaire de Donald Trump, la première d’un ancien président américain, est a priori source d’humiliation. Mais le milliardaire, champion en communication politique, l’a déjà transformée en arme marketing redoutable pour la présidentielle de 2024. Tête légèrement penchée vers l’avant, regard très dur, voire agressif, en signe de défiance : le « mug shot » du 45e président des États-Unis, immortalisé pour l’Histoire par les services du shérif d’Atlanta, fait le tour du monde depuis jeudi 24 août au soir.
Le tabloïd New York Post, propriété du magnat conservateur Rupert Murdoch, en a fait sa Une vendredi, la photo occupant une pleine page. Sans titre. Au contraire, le New York Times, journal classé à gauche aux États-Unis, a réduit la photo à la taille d’un médaillon pour illustrer un article également à la Une mais qui la partage avec la mort présumée du chef du groupe russe Wagner, Evguéni Prigojine.
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Dès le cliché judiciaire rendu public, les partisans de Donald Trump ont présenté l’ex-président républicain en « héros » victime d’une persécution et d’une « chasse aux sorcières » orchestrées par les démocrates de Joe Biden. L’actuel président se garde bien de commenter les quatre inculpations de son prédécesseur. Mais, à une journaliste qui lui demandait vendredi s’il avait vu la fameuse photo, Joe Biden a répondu en souriant : « Je l’ai vue à la télévision. Un beau gars ».
De son côté, l’équipe de campagne « Trump 2024 » a aussitôt surfé sur l’effet « mug shot » en lançant un appel à chaque « patriote » américain. Ce communiqué affirme que « l’État de l’ombre tente de faire du président Trump l’ennemi public numéro 1 pour oser défier la classe dirigeante corrompue de Washington » et dénonce une « photo judiciaire officielle qui le présente comme un criminel aux yeux du monde entier. »
Mais « le président Trump ne renoncera jamais à notre mission de rendre sa grandeur à l’Amérique », martèlent ses partisans, réclamant 47 dollars de contribution pour une nouvelle levée de fonds du candidat républicain, largement en tête des sondages en vue des primaires de son parti en 2024. En échange, chacun se voit offrir un tee-shirt blanc imprimé avec la photo d’identité sous laquelle s’affiche le slogan « NEVER SURRENDER ! » (« NE VOUS RENDEZ JAMAIS ! »).
Retour sur X
La photo marque aussi le retour de Donald Trump sur Twitter, rebaptisé X par le milliardaire Elon Musk qui l’a racheté. Sa dernière publication sur cette plateforme, autrefois son canal favori de communication, remontait au 8 janvier 2021. Il en avait été banni après l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole, à Washington, menée par ses partisans. Cette interdiction a depuis été levée.
Alors, l’un des fils Trump, Donald Jr., a republié le « mug shot » de son père, accompagné d’un message menaçant : « Eh, l’État de l’ombre - il arrive pour vous chercher. Rendez-vous le 20 janvier 2025 », date de la prise de fonction du président qui sera élu le 5 novembre 2024. Et pour la représentante républicaine de Géorgie, Marjorie Taylor Greene, classée à l’extrême droite, cette photo de « notre président […] est celle qui fera gagner l’élection présidentielle de 2024 ».
Mèmes en série
Le cliché est aussi détourné sur les réseaux sociaux dans des montages et des mèmes humoristiques, favorables ou hostiles. Des cinéphiles voient dans le visage menaçant de Donald Trump un clin d’œil au fameux « regard Kubrick » (« Kubrick Stare ») du nom du réalisateur britannique Stanley Kubrick : le personnage fixe la caméra en inclinant sa tête vers l’avant, avec une expression qui peut faire peur au spectateur, à l’instar de Malcom McDowell dans « Orange Mécanique ».
Pour Daniel Binns, patron britannique de l’agence new-yorkaise de marketing politique Interbrand, le détournement du « mug shot » en fait un produit dérivé « extrêmement puissant » de la « marque » Trump. L’ancien magnat a une forme de « génie en marketing » politique, selon cet expert. Donald Trump « peut se servir de tout ce qui est dit, de tout ce dont on l’accuse et en faire quelque chose qui colle avec le récit qu’il veut raconter ».
Pour Miro Cernetig, qui se présente sur X comme créateur et développeur de marques pour les entreprises, le « coup de marketing est brillant, même s’il peut être grossier ». « Trump sait mieux que quiconque se servir des médias et de controverses pour propulser sa marque […] monétiser un + mug shot + pour en tirer instantanément des millions » de dollars.