Vous êtes arrivé chez Criteo cet été, quelle est votre mission exactement ?
Nicolas Rieul. Je suis arrivé avec une mission simple : accompagner la transformation de Criteo sur le marché français. Depuis plusieurs mois, nous mettons en œuvre une nouvelle stratégie initiée par Jean-Baptiste Rudelle il y a deux ans : nous passons d’une société monoproduit à une société multiproduits. Jusqu’à présent, notre business consistait à générer de la vente en ligne pour les e-commerçants. Nous opérons un virage et devenons désormais un acteur global de la publicité digitale, avec beaucoup de nouvelles offres. Cela nous amène à augmenter considérablement la taille de notre marché. Avec tous les nouveaux produits que nous offrons, nous voulons répondre à l’intégralité des problématiques de la publicité en ligne. C’est un défi énorme. Donc après le travail mené par Jean-Baptiste Rudelle, c’est Megan Clarken qui a pris les rênes de la société, et qui est en charge de l’exécution au niveau global de cette nouvelle stratégie.
Donc la mort progressive du cookie third-party, accélérée par les récentes annonces de Google, était attendue ?
Oui, absolument. Nous sommes avant tout dans une optique de diversification, pour agrandir notre marché. Nous nous y préparons depuis longtemps. On l’oublie mais Criteo est leader de son segment, la deuxième ad tech au monde, en termes de revenu net. Et cette réussite s’est construite sur un seul pilier. C’est le moment d’aller plus loin. Toutes ces évolutions du digital sont une opportunité pour nous. On doit s’adapter. Vous savez, en dix ans, le marché a vu l’arrivée du mobile, du cross device, nous avons dû redéfinir les graphes entre les univers applicatif, web, mobile, et malgré cela nous avons su le faire. C’est normal de devoir s’adapter. Mais aujourd’hui, Criteo c’est 3000 personnes dans le monde et 2,2 milliards de dollars de revenus. Ce n’est pas une start-up qui se lance sur un marché. Nous avons une vision de temps long mais nous transformons très rapidement. Nous devons revoir nos process, notre R&D, notre logique commerciale également. Le fait que nous devenions une plateforme de publicité complète, sur tout le parcours d’achat, change notre stratégie. Nous allons maintenant travailler avec les agences, communiquer davantage.
Ces nouveaux produits de publicité sont déjà disponibles ?
Oui. En 2019, au niveau monde, ils ont pesé 12% de nos ventes, soit 263 millions de dollars. Sur l’année, c’est une croissance de 54%. Vous connaissez beaucoup d’entreprises de 263 millions de dollars de chiffre d’affaires en croissance de 54% ? Et pour prendre la mesure de cela, on peut aussi zoomer sur la France.
La France est un pays spécifique ?
Oui, les produits y sortent sont toujours un peu en avance. Nous les développons avec nos meilleurs clients, en avant-première. C’est souvent ici que nous les testons et que nous les lançons en premier. Ils sortent d’abord en béta en France, puis au niveau régional, puis dans le monde. Ces nouvelles activités, sur nos 50 plus gros clients environ, a représenté 21% de nos revenus au dernier trimestre. Elle est en augmentation de 63% sur trois mois. Une croissance bien plus élevée que la moyenne au niveau mondial. In fine, avec ces clients, qui sont ceux qui dépensent le plus chez nous et avec qui on travaille avec confiance, l’activité a progressé de 13%. C’est donc très prometteur pour la suite, et cela indique que le virage qu’est en train de prendre Criteo fonctionne.
Alors justement, qu’est-ce que vous offrez aujourd’hui ?
Le cœur du réacteur, c’est la connaissance client. Au total, elle représente près de 2 milliards de consommateurs, 4,5 milliards de produits et 800 milliards de dollars de transactions en ligne, soit quasiment trois fois plus qu’Amazon ! Nous y avons accès car nous sommes les alliés des e-commerçants. Toute cette donnée vient nourrir nos services d’intelligence artificielle, qui vient se mettre au service de nos offres. Ce qu’il faut comprendre, c’est que nous passons d’une activité de reciblage de prospects chauds, à une vision plus large de la publicité digitale, répartie sur tout le tunnel d’achats. Nous pouvons donc désormais proposer de l’acquisition, pour générer des visites en magasin ou sur des sites internet, de la conversion (que ce soit sur Appli, en magasin ou sur internet) et de la notoriété, donc très en amont de l’achat.
Et ceci sans se baser sur du third cookie ?
Pas seulement, non. Seul 5% de notre device graph repose uniquement sur les cookies tiers. Nous avons développé une solution «native» qui s’en affranchit.
Vous vous développez aussi beaucoup sur le retail media non ?
Oui, et c’est d’ailleurs l’un des segments de la publicité en ligne le plus en croissance de notre portefeuille. Elle est née du rachat de Storetail en 2018 et de Hooklogic en 2016. Nous avons développé une techno qui permet de réaliser à la fois du search et du display onsite et offsite, pour les sites e-commerce. Ils peuvent ainsi améliorer leur vente avec un internaute captif, et monétiser leurs inventaires. Nous leur fournissons la solution, et nous pouvons, s’ils le souhaitent, opérer pour eux.
Question management, comment avez-vous géré votre arrivée ?
Les équipes sont très motivées. Elles avaient surtout besoin de connaître le nouveau projet et la nouvelle vision. Je suis venu chez Criteo parce que j’y crois. Venant de l’extérieur, et face au projet, je n’avais aucun doute. Mon travail consiste surtout à transmettre cela pour relancer une nouvelle dynamique commerciale.
Allez-vous davantage communiquer ?
La première des choses, c’est d’aller voir nos clients et de leur expliquer : nos offres, notre positionnement, notre virage. Ensuite, nous travaillerons notre communication pour avoir plus de visibilité. Si ce n’était pas notre habitude, nous allons désormais porter notre projet en public. Et notre nouvelle CEO Megan Clarken sait très bien faire cela. [Megan Clarken fera partie des speakers de Vivatech 2020].
Vous êtes sous le coup d’une enquête de la Cnil en ce moment ?
Oui, il s’agit d’une organisation activiste anti adtech qui a déposé une plainte contre sept entreprises en 2018. En France, nous, nous sommes soumis à l’autorité de la Cnil. Nous travaillons avec elle et nous répondons à leurs questions. C’est enquête n’est pas un secret et figurait dans nos résultats annuels dévoilés en février dernier.
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