Le lab
Docteur et professeur en marketing, Lars Meyer-Waarden analyse la percée des chatbots au service des entreprises. Il s’interroge sur leur réception auprès des publics, à l’heure où ces relations automatisées remplacent progressivement les liens directs entre humains.

« Un chatbot est une interface numérique dont le mode d’action principal repose sur une interaction qui peut être écrite - comme sur Facebook Messenger - ou orale, c’est le cas avec Alexa d’Amazon ou Siri chez Apple. Selon une étude réalisée par Oracle, 80 % des entreprises envisagent de confier dans les deux ans qui viennent leurs interactions en ligne à ces robots. Leur marché est en croissance et recoupe de nombreux domaines, des sorties à proximité avec « Mona » au chatbot-médecin qui, aux États-Unis, apporte des conseils médicaux en fonction des symptômes renseignés. Si beaucoup d’innovations marketing se font hors de l’Europe et de plus en plus en Asie, cette réalité est bien présente dans certains pays et la France, un peu à la traîne en matière de chatbot, n’y échappera pas dans les années à venir. Comme c’est déjà le cas dans le tourisme avec AirFrance ou OuiSNCF, beaucoup d’autres secteurs, essentiellement les services, se tourneront vers ces systèmes automatisés. 

Paradoxe

Pour appréhender la réception des chatbots et la perception des interactions avec eux, j’ai réalisé avec mes collègues Giulia Pavone et Andreas Munzel une enquête auprès d’un panel divisé en deux groupes : nous avons proposé au premier d’ouvrir un compte en banque avec un bot, et au deuxième de le faire avec un humain. Et les résultats sont quelque peu étonnants : les perceptions des sondés entre assistant automatisé et véritable individu sont identiques, à deux détails près. En cas de défaillance, nous pardonnerions par exemple plus facilement un humain qu’un robot, envers lequel nous aurions des exigences plus élevées. Aussi, son acceptation serait facilitée si le style qu’il utilise pour communiquer est plus jovial et décontracté que celui requis pour une personne en chair et en os.

En matière de respect de la vie privée, il y a un paradoxe : nous exigeons des réponses et des services toujours plus personnalisés sans pour autant vouloir transmettre nos données. Pourtant, si la perception de cette intrusion est réelle, elle est acceptée tant que la personnalisation apportée nous est satisfaisante. L’automatisation de sa recherche permet et permettra alors un gain de temps toujours plus grand. Les mots-clés : rapidité, réactivité, personnalisation et empathie. 

L’empathie en pâtit

S’il est possible de recréer l'empathie avec des mots d’excuses, elle n’est cependant pas reproductible à l’identique d’un humain à un chatbot. Alors qu’elle est indispensable à la qualité d’un service, elle n’est que secondaire lorsqu’il est fourni par un système automatisé, à condition qu’il soit efficace. Autrement dit, l’efficacité prime sur l’empathie. Du côté des utilisateurs et des questions éthiques cette fois, celle-ci n’est pas beaucoup plus présente. Si nous avons conscience de la destruction d’emploi occasionnée par le développement des bots, elle n’aurait cependant pas d’incidences notables sur notre perception : là, l’efficacité prime sur l’éthique. Toute leur utilité repose d’ailleurs sur cette efficacité et rapidité, à l’heure où nous n’avons plus le temps de patienter. »

Le prof

Lars Meyer-Waarden est professeur des universités en sciences de gestion et chercheur spécialisé en marketing à la Toulouse School of Management Research (CNRS - Université Toulouse Capitole) qu’il a rejointe en 2011. Après un doctorat obtenu neuf ans plus tôt à l’IAE de Pau et au Karlsruhe Institute of Technology (KIT), il poursuit ses travaux centrés sur la gestion de la relation client qu’il publie dans de multiples revues internationales. Également auteur de plusieurs livres, il est primé pour deux d’entre eux « meilleur livre en management ».

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