C’est un rêve de designer. Peut-être même un rêve tout court. «Lorsque le logo a été dévoilé le 9 février dernier et projeté sur l’arc de triomphe de l'Etoile, nous avons tous pensé à la Coupe du monde de 1998, quand les portraits des joueurs se découpaient sur le monument. Nous nous sommes presque sentis champions du monde!» Deux mois après la révélation de l’identité visuelle de Paris 2024, l’émotion reste palpable dans la voix de Kheireddine Sidhoum, directeur de la création de Dragon rouge. L’agence dirigée par Jean-Baptiste Danet a créé les codes visuels de la candidature de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques 2024. Double médaille: elle et son client remportent le Grand Prix Stratégies du Design 2016 pour cette réalisation baptisée «La Force d’un rêve».
Couleurs vives et dégradés d’outremer, de fuchsia et de mandarine, volutes qui forment le chiffre 24, mais également la silhouette de la tour Eiffel… La création de Dragon rouge, confrontée dans le round final à Evian Pack Prestige (interne), a suscité l’adhésion du jury réuni le 16 mars dernier à Paris. «Paris 2024 illustre la différence entre l’essentiel et le simplisme. En ce sens, l’identité va à l’essentiel: le pont entre un symbole parisien, la tour Eiffel et la date 2024», explique Pierre Nabhan, cofondateur de l’agence Joos Nabhan.
Magalie Hidoux, responsable du service packaging de Monoprix, salue quant à elle «un logo à la fois élégant et puissant, en corrélation totale avec la signature “La Force d’un rêve”, fédérateur et positif, international et mémorisable». Edilia Gänz, directrice de l'association de promotion de l'opéra et du ballet Fedora, qui avait remporté le Grand Prix Stratégies du design 2015, participait au jury et relève «un design qui réalise une fusion entre le pays d'accueil et l'événement international, ce qui met en lumière l'ouverture de la France au monde».
Dépasser les diverses contraintes
Au-delà d’un logo, l’identité de Paris 2024 véhicule aussi un message d’espoir, selon Eric Bonnet, directeur général adjoint d’Insign: «Au moment du vote, je l'avais défendu et déjà dit. La France, les Français ont besoin d'autant plus aujourd'hui de se retrouver autour d’un signe fort qui leur redonne de la fierté d'appartenance. Cette tour Eiffel 2024, c'est aussi l'icône de nos ambitions simples et sincères, celle d'accueillir le monde chez nous dans le respect de tous et de chacun. Loin des contraintes de la construction de ce logotype – et il y en a énormément –, cette identité visuelle nous fédère, nous réunit, nous unit vers un idéal simple et coloré: celui d'aimer ce que nous sommes et encore plus ce que nous serons.» Voilà un logo qui génère de l’émotion. Plus pragmatiquement, Pierre Nabhan rappelle que «les contraintes de ce type d’appel d’offres sont aussi à prendre en considération, car elles ne contribuent pas en général à faciliter l’exercice».
De fait, Kheireddine Sidhoum, le directeur de la création de Dragon rouge, énumère les nombreux interdits formulés dans l’appel d’offres lancé avant l’été 2015: «Dans le brief, au premier round, où nous avons présenté devant Tony Estanguet [président de la commission des athlètes du Comité national olympique et sportif français], il était stipulé que nous ne devions pas utiliser de symbolique olympique. Nous ne pouvions pas jouer sur les anneaux, par exemple.»
Le second round sera présenté le lundi suivant les attentats du 13 novembre. «Alors que certaines personnes de notre agence avaient été directement touchées par les attentats, il n’était pas évident de parler de tour Eiffel quasi immédiatement après», se souvient Kheireddine Sidhoum. Avec cette idée gagnante du «2» et du «4» qui dessinent la silhouette de la Vieille Dame, «il ne s’agissait pas de donner dans le franco-franchouillard ou le parisiano-parisien, mais plutôt dans quelque chose de très cosmopolite, pas bleu-blanc-rouge», précise encore celui-ci.
Dans la peau d'un compétiteur
L’annonce du choix final, le 24 décembre 2015, fait figure pour les équipes de Dragon rouge d’«un beau cadeau de Noël», se rappelle Kheireddine Sidhoum. «Travailler pour les JO, pour un designer, c’est extrêmement particulier, relève-t-il. Cela donne l’impression d’entrer dans la peau d’un compétiteur, d'un sportif, car nous ne souhaitions qu’une seule chose: être retenus. Nous avons aussi le sentiment, à notre niveau, d’entrer un peu dans l’Histoire, avec un grand “h”.» Au-delà de la grande histoire, la success-story de Paris 2024 aura permis un accomplissement plus personnel: «Etre interviewé par le journal L'Equipe, c’était formidable», confie Kheireddine Sidhoum. La force d’un rêve…
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