Pas de demi-portion. C’est l’ensemble des opérations qui a valu à Burger King et à son agence Buzzman le Grand Prix Stratégies du marketing client 2015. Le jury a longuement hésité entre la chaîne de restauration rapide, le Bouton Darty et l'application Dan-On de Danone, mais «c’est la démarche globale de placer ses clients au cœur de la stratégie qui a fait pencher la balance, précise Yan Claeyssen, le CEO de Publicis ETO et président du jury. Il y a du sens dans les cinq opérations proposées.» Et le point fort, c’est justement de l’avoir tenu sur tous les fronts, en gardant la cohérence globale pendant deux ans. «Même si nos opérations sont des coups, elles répondent à une même problématique, à un même enjeu. Nous animons notre communauté, mais nous ne faisons jamais de buzz», déclarait à Stratégies Jocelyn Olive, le directeur général de Burger King France, en avril 2015.
Lorsque la marque revient en France fin 2012, elle est très attendue. Cela fait quinze ans que les rumeurs de retour vont bon train, sans se concrétiser. Mais Burger King trouve dans Groupe Bertrand un partenaire adéquat pour se lancer dans l’Hexagone. Seul hic: l’expansion est lente, car ouvrir des magasins demande du temps. L’image et le désir de la marque contrastent avec la réalité de ses restaurants. «Le marché commençait à s’endormir et notre retour a suscité des attentes et généré de la frustration», ajoutait Jocelyn Olive. Les futurs clients n’étaient pas contents et le faisaient savoir. Sur les réseaux sociaux, les commentaires ou remarques désobligeants pleuvaient. La force de Burger King, épaulé par son agence Buzzman, a été d’être à l’écoute et de répondre avec justesse, en faisant de chaque point faible un point fort. «Elle a su jouer sur sa rareté pour établir un dialogue et créer une interaction avec des clients potentiels» , commente Yan Claeyssen.
A petit budget, grand esprit créatif
La marque fera parler d’elle grâce à l’opération «Angry tweets» en 2014. Alors que les chantiers des nouveaux restaurants sont lancés, l’agence réutilise les tweets mécontents de ses clients sur les bâches masquant les travaux. Coup double en jouant sur la dualité digital/physique et en matérialisant le tweet. Le symbole de l’éphémère est inscrit dans le marbre pendant toute la durée des travaux. Et Burger King y répond en une phrase, pour preuve de son dialogue. Pour chaque magasin, elle jouera le même jeu. Et s’offre ainsi plus de 200 000 retweets. Le ton décalé de son utilisation des réseaux sociaux atteindra son apogée avec les opérations «Last Comment» et «No like battle» en 2014. Dans la première, Burger King poste sur Facebook une phrase indiquant que la marque promet d’ouvrir un restaurant dans la ville de l’auteur du dernier commentaire du post. Un jeu sans fin, évidemment. Et dans la deuxième, elle offre un menu gratuit à la personne qui n’obtiendra aucun like sur son commentaire.
Les internautes se sont pris au jeu sans se priver de liker à chaque fois les remarques des autres, et augmenter la visibilité de la marque d’autant. Savourant l’effervescence autour de sa venue, Burger King arrive à créer des jeux dans le cadre imposé par le réseau social, où les internautes tournent en dérision leur manière de commenter ou de liker. Créant ainsi de la préférence de marque, pourtant déjà grande. «Notre marque a une notoriété proche de 100%», annonce Jocelyn Olive. Et pour moins de 10 000 euros d’investissement, elle a réussi à obtenir un équivalent de 5,5 millions d’euros d'«earned media» (exposition dans les réseaux sociaux gagnée par une marque). Et a touché plus de 25 millions de personnes. La petitesse du budget aura permis à l’agence Buzzman de montrer son esprit créatif, car c’est aussi un des aspects de la marque: en arrivant en France, avec peu de points de vente, le budget communication est aussi grand qu’un menu enfant… «Les moyens de nos concurrents, eux, sont colossaux! Chez Burger King, ils n’atteignent même pas 1% du budget total», détaille Jocelyn Olive. Pour toutes les opérations, les achats médias sont réduits à zéro.
«Une rapidité d'exécution impressionnante»
Avec l'ouverture progressives des points de vente, le chiffre d'affaire croît et l’agence peut voir plus grand. «Notre taille double tous les six mois, indiquait Jocelyn Olive en avril dernier. La stratégie de communication change à ce rythme. Et les budgets aussi, ils sont multipliés par deux tous les six mois, voire tous les trois mois.» En octobre 2014, Burger King possédait une vingtaine de magasins. A chaque ouverture, une queue «super size» se met immédiatement en place, rendant l’expérience client plutôt lourde à digérer. Un point faible? Aussitôt entendu sur les réseaux sociaux, la marque dégaine. Et crée le Fast Pass, comme on en trouve chez Disneyland. «Nous avons décidé de faire de cette atmosphère négative quelque chose de positif en utilisant le seul appareil auquel les gens prêtent attention dans une file d’attente: leur téléphone», expose l’agence. Elle a créé un jeu sur mobile qui permet de gagner un laissez-passer permettant donc d'éviter la queue. Une fois encore, sans aucun achat médias, la marque obtient quelque 230 000 téléchargements (pour une vingtaine de restaurants) et près de 10 000 laissez-passer sont fournis. Côté retombées presse, plus de 80 articles sont recensés.
«Répondre de telle manière à des clients mécontents est risqué pour une marque, car on peut se louper, estime Davy Tessier, directeur général de Disko et membre du jury. Même si, quand on s’appelle Burger King, c’est un peu plus facile que pour d’autres marques. Dans tous les cas, la rapidité d’exécution a impressionné le jury.» Toujours en jouant sur sa rareté, la marque a fait un clin d’œil à ses consommateurs en leur proposant de déménager dans une ville ayant un Burger King avec la «Whopper Move out», une équipe de déménageurs à l’effigie du roi du burger. Deux ans après son arrivée en France, l’image de Burger King est toujours aussi bonne et l’expansion de la marque se poursuit. Si elle parvient à avaler les quelque 500 restaurants Quick, la croissance sera à la fois colossale et rapide. Burger King ne pourra plus jouer de la même manière sur le désir et la rareté. Et devra s’attaquer à un sujet de fond: la relation client de long terme.