Avec sa série documentaire Napoléon III, le prix de l’audace, Édouard Jacques s’est lancé le challenge d’être un pionnier de la réalisation documentaire avec intelligence artificielle. Composée de quatre épisodes d’une cinquantaine de minutes, la série documentaire sera diffusée courant 2025 sur Planète+ et Canal+ Docs.
Ancien directeur de la photographie, Édouard Jacques fait ses premiers pas en tant que réalisateur de documentaire, et pas de n’importe quelle manière ! Il mise sur l’intelligence artificielle, une approche encore inédite dans le monde du documentaire. Le choix de son sujet s’est arrêté sur Napoléon III. « C’est un personnage qui a été décrié, à l’époque où l’empire a chuté. On connaît très mal cet empereur-là, qui a été à la fois le premier président de la République française et le dernier empereur », explique-t-il, fier de présenter fin 2025, ce qu'il annonce comme le tout premier documentaire réalisé avec IA : Napoléon III, le prix de l’audace.
Au début de son projet, Édouard Jacques comptait utiliser le motion design pour animer les archives. Une pratique commune chez les réalisateurs de documentaires. « La seconde moitié du 19e est une période qui est très archivée et nous pouvons donc trouver assez facilement des documents en France, notamment grâce à la BnF », précise-t-il. Mais en voyant le résultat, le réalisateur reste sur sa faim : « Le visuel était très intéressant, c’était assez complexe à faire, mais ce n’était pas encore suffisamment novateur pour moi. » C’est donc à travers l’intelligence artificielle qu’Édouard Jacques a souhaité réalisé ce rêve d’innovation. Il utilise désormais le dispositif pour « travailler sur les séquences narratives » du documentaire. « Chaque épisode est décliné en deux parties importantes ; un aspect reconstitution avec des acteurs, qui représente vingt minutes, et une partie d’archives IA, que l’on appelle les séquences narratives », explique-t-il.
L’IA comme outil pour les images d’illustration
En se tournant vers la solution de l’intelligence artificielle, Édouard Jacques a pu contourner un problème très présent dans le secteur des documentaires : le manque d’images d’illustration. « Le problème du documentaire, c’est que nous n’avons pas toujours les archives nécessaires, ni forcément les budgets nécessaires pour faire uniquement de la reconstitution avec des acteurs. Nous sommes donc obligés de faire de la mise en image, avec des pans de l’histoire qui sont très compliqués à raconter », soulève-t-il.
L’intelligence artificielle est donc la solution par défaut à ce problème. Le réalisateur Édouard Jacques met quand même un point d’honneur sur l’usage correct du dispositif. En effet, plutôt que de générer des images pour couvrir des moments d’illustration, il utilise « une quinzaine d’IA différentes qu’on associe les unes aux autres », pour immerger le téléspectateur dans les réels décors de l’histoire. « L’IA permet d’améliorer et d'augmenter toute la puissance des archives, développe-t-il. Par exemple, si dans le film, une scène se situe dans le bureau de Napoléon III aux Tuileries, il s’agira réellement de cet endroit, qu’on aura pris à base d’archives de gravures, de peintures ou encore de photographies. Ce ne sera pas des images générées par IA approximativement. »
Cette initiative nécessite cependant beaucoup de travail. À peu près « 15 fois plus de travail qu’un documentaire en archives classiques », selon le réalisateur, qui précise : « C’est un processus complexe, il y a à peu près 25 images et 200 décors, par film. »
Les limites de l’intelligence artificielle
Alors que Canal + avait diffusé, fin juin 2024, un teaser de Napoléon III, le prix de l’audace, au Sunny Side of the Doc, événement incontournable pour les réalisateurs de documentaires, Édouard Jacques, révèle que « les projets avec IA se sont multipliés » : « En trois mois, Canal+ a reçu plus de 10 projets ».
Face à cet engouement, le réalisateur tient tout de même à alerter sur les effets néfastes de l’intelligence artificielle. Sa dimension de facilité amène à croire qu’elle est indispensable à la création de documentaires. « L’IA ne va pas régler tous les problèmes, prévient le réalisateur. Il faudra quand même écrire des scénarios, parler de sujets intéressants, les rendre attractifs. Il faut voir l’IA comme un moyen qui s’ajoute à la grande palette qu’on a déjà. »
Il insiste notamment sur la quantité de travail que requiert l’utilisation de l’IA dans un documentaire : « Les gens s’engouffrent dans cette voie en se disant que c’est super facile, mais c’est tout faux. Entre l’écriture du film et le rendu à la chaîne, il va se passer 30 mois. Pour un documentaire, c’est colossal ! »
Pour l’instant, Édouard Jacques et ses équipes sont en plein montage de la fiction et fabriquent l’IA, séquence par séquence. La série documentaire paraîtra courant 2025 sur Planète + et Canal + Docs.