Convergence des métiers de la communication oblige, les agences événementielles sont dorénavant concurrencées de toutes parts. Sur le live et la gestion de communautés, elles n’ont pas dit leur dernier mot.
Moins de personnes en présentiel mais foule en distanciel. C’est l’un des effets de la crise Covid et des attentes en matière d’environnement : les événements promettent, à l’avenir, d'accueillir moins de participants (moins de trajets et de CO2), mais d’avoir, grâce au digital, des audiences beaucoup plus larges.
De fait, dans le B to B, la majorité des événements sont dits aujourd’hui « hybrides » : Live + Digital. « Dans 70% des évènements physiques, l’annonceur demande un pendant digital et accorde autant d’importance, si ce n’est plus, aux audiences numériques que présentielles, indique Guillaume Mikowski , CEO de Brainsonic. Que ce soit en physique ou à distance, l’enjeu est toujours de transmettre de l’émotion à un large public en BtoC ou aux troupes en BToB pour mieux les engager, quel que soit leur métier ou leur localisation. »
Comme après le sevrage de la crise sanitaire, le besoin de se voir est grand, le live profite aussi de l'embellie. Tous les annonceurs réclament leurs évènements.
Dans l’agence événementielle Win, Win (11 millions de chiffres d’affaires en 2021), qui vient de lancer une offre de web-TV à destination des entreprises, les studios d’enregistrements tournent à plein. Moults annonceurs comme Mercedes Benz, Dessange, L’oréal ou encore Kenzo se sont laissés séduire par l’agence dont les équipements et le matériel ferait rougir certaines chaînes de télé: 600 m2 de studios et plateaux TV 3 régies techniques, des loges maquillages…Le tout opérationnel 24/24 et 7j/7.
« On fait de la télé et du contenu, les télés et les agences de pub font de l’event, aujourd’hui, les frontières sont floues, souligne Christophe Cousin, président Win-Win. Tout le monde se targue de pouvoir faire du live et de la gestion de communauté, la concurrence est tous azimuts. »
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L’abolition des frontières entre le physique et le digital a en effet permis à une multitude d’acteurs de chasser au-delà de leurs périmètres habituels et de se positionner sur le marché de l'événementiel. Agences social media, digitales, RP, agences de pub, filiales Event des médias (TF1 Factory et consorts), prestataires audio, prestataires lieux…Tous revendiquent leur capacité à créer et gérer des événements. Et les poids lourds investissent. Comme Publicis et Orange, qui ont déboursé 20 M€ chacun au printemps dernier pour lancer Voilà, une plateforme de Live Événementiel dont l’ambition affichée est de « devenir la première licorne de l’Event Tech français d’ici 2024 ».
Comment dès lors affirmer sa supériorité sur le live et la gestion de communautés ? « Créer un événement, c’est par définition la culture et la raison d’être des agences Event, rappelle Christophe Cousin. On sait mieux que personne mettre en place la mécanique pour mobiliser, designer l'événement, inviter, animer, événementialiser... Avoir un super contenu ne sert à rien si l’on n’a pas ce savoir-faire. »
Guillaume Pommier, transfuge de l’agence We are social, aujourd’hui DGA chez double 2 est du même avis : « Les autres agences savent faire de l’activation, vendre une idée et une stratégie de marque mais pêchent pour matérialiser concrètement l’activation. Les qualités en matière d’organisation, de logistique et d’exécution sont clairement du côté des profils événementiels qui sont habitués à gérer de l’imprévu. » « L’idée, est de rendre chaud, le réputé glacial digital, enchaîne Morgane Bamba, directrice du pôle Event de Brainsonic. Pour cela, il faut éviter de bâtir des jumeaux numériques, et proposer des expériences différentes en physique et en ligne. En gros, il faut savoir mettre du rythme, et ça dans l’événementiel, on sait faire. »
On sait également faire en matière de gestion des communautés dans ces agences dites conversationnelles… « En réalité, ce savoir-faire, c’est d’abord une question culturelle, souligne Guillaume Pommier. Plus une histoire d’humain que de structures et de compétences proprement dites, il faut avant tout que la personne en charge ait les affinités et les codes avec la communauté visée. »
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Pour dire vrai, la gestion des communautés a été initiée de longue date dans le métier, via l’activité de congrès et d’événementiel BtoB, et s’est renforcée récemment avec l’arrivée de l’hybridation. Celles qui se sont staffées, tels par exemple Auditoire, Superbien ou encore With up, ont tiré leur épingle du jeu. En recrutant notamment les profils manquants : data scientists, concepteur rédacteur Live, UX designers, graphistes 3D, codeurs, développeurs de jeux vidéos…
Même mouvement du côté des agences de pub digitale comme Brainsonic où l’on a également recruté les compétences nécessaires pour manipuler les formats numériques. « Pour être compétitif, il ne fallait pas se réveiller durant la Covid mais bien avant, lance Guillaume Mikowski, le CEO de Brainsonic. Nous avons toujours été persuadés que la diffusion des contenus multimédias en direct et à la demande deviendrait pour les entreprises un canal au moins aussi puissant que l'événementiel physique. Cela fait 15 ans que l’on a internalisé les compétences. » Idem chez Win-Win qui au-delà des recrutements, a investi la bagatelle de 2,5 M€ pour créer des plateformes technologiques de pointe, notamment sur le metaverse.
« En internalisant les compétences et les outils, on maîtrise l’ensemble de la chaîne, de la conception créative à l’expertise technique, c’est la clef pour faire la différence », affirme Christophe Cousin. Un hymne au développement, voire au Big is Beautiful qui n’a pas tout d’une bonne nouvelle dans un secteur où la majorité des acteurs sont des TPE et souhaitent le rester… « Pas forcément », tempère Guillaume Pommier rappelant une autre spécificité de l’événement : « On peut faire appel à certains sous-traitants sur des sujets techniques. Certes, cela nous oblige à être très bons en coordination mais pour le client, cela peut offrir un plus grand éventail de solutions que les seuls outils maisons. » Malgré la concurrence féroce, l’espoir demeure donc pour toutes les modèles d’agences d’événement à condition d’intégrer les compétences indispensable à l’orchestration des nouveaux outils de la communication conversationnelle.