SUPPLÉMENT EVENT

Face à l’ampleur des enjeux économiques et humains des Jeux olympiques et paralympiques, les agences du secteur se sont regroupées pour mutualiser leurs expertises et répondre aux exigences des appels d’offres. Une tendance qui signe l’avènement d’une nouvelle ère de collaboration dans l’événementiel ?

Peu pratiquée en France, la constitution de pools d’agences événementielles semble avoir franchi un cap avec les Jeux de Paris 2024. Pour gagner l’appel d’offres de la production exécutive des deux très convoitées cérémonies d’ouverture, Auditoire (TBWA/Omnicom Group), Havas Events, Double 2, Obo et Uni Bene ont créé en février 2022 une joint-venture : Paname 24. Une nécessité pour répondre aux enjeux d’une telle cérémonie, tant sur le plan financier qu’humain ou logistique.

Est-ce le signe d’une nouvelle ère de collaboration entre acteurs de l’événementiel ? « Dès le départ, il nous a semblé légitime de candidater pour la cérémonie d’ouvertureMais, pour des questions de taille, de surface financière [le budget de la cérémonie est évalué à 100 millions d’euros] et d’affichage sur le marché, nous avons estimé que nous ne pouvions y aller seuls, qu’il fallait créer une équipe de France de l’événementiel », explique Cyril Giorgini, CEO d’Auditoire. « Paname 24 n’est pas une alliance de circonstance, nous nous sommes rapprochés de gens avec qui nous avons des valeurs communes et avons mis en commun des talents au plus haut niveau », ajoute Thomas Deloubrière, associé-fondateur de The Banner.

Deux ans et demi après la création de la joint-venture et à l’issue des cérémonies d’ouverture des Jeux, les associés se réjouissent de cette alliance. « Avec Paname 24, nous sommes dans une complémentarité de moyens, mais aussi dans une véritable complémentarité humaine et d’expertise, poursuit Thomas Deloubrière. Personnellement, j’ai passé plus de temps avec Cyril de Froissard, patron d’Auditoire, qu’avec mon associé ! Ça peut paraître compliqué de tout donner à un concurrent, mais cette expérience m’a appris que l’on a tout à y gagner. »

De nombreux avantages

LaFourmi, agence créative du groupe The Fan Syndicate, qui avait travaillé sur la stratégie digitale de Paris lors de la candidature aux Jeux, a noué un partenariat stratégique avec Magic Garden, qui accompagne On Location, fournisseur officiel des services d’hospitalité de Paris 2024 et du Clubhouse 2024. « Le Cojop et les partenaires de Paris 2024 demandent des expertises tellement variées que cela favorise les alliances stratégiques », note Céline Jobert, coprésidente de LaFourmi. « Dès notre création, nous avons développé un modèle collaboratif. Nous nous associons à des agences qui ont des compétences complémentaires aux nôtres », précise Béatrix Mourer, cofondatrice de Magic Garden. La collaboration en pool d’agences offre de nombreux avantages : créativité accrue, réponse plus fluide aux appels d’offres et meilleure gestion du risque.

Au-delà des impératifs économiques, l’alchimie humaine est souvent déterminante pour collaborer sur des projets d’envergure. « Nous avons choisi de nous rapprocher d’une agence qui a la même philosophie, le même état d’esprit et les mêmes valeurs que nous », souligne Céline Jobert. « Il y a une complémentarité de compétences et de structures, mais surtout une affinité de personnes », abonde Béatrix Mourer.

Surtout pour les grandes agences

De son côté, l’agence événementielle indépendante Egg a noué en juin un partenariat avec Initiative, agence média du groupe IPG Mediabrands, pour « coconstruire des expériences de marque innovantes, rayonnantes et créatives ». Cependant, note Olivier Peulvast, head of Egg Sport, « si les JO ont été un accélérateur pour le marché de l’événementiel, ils ont surtout profité aux grandes agences. La plupart des alliances se font par regroupement de moyens et pas tellement par complémentarité, comme c’est le cas avec Initiative. »

À l’inverse de ces rapprochements, certaines agences continuent leur route en solitaire. C’est le cas de Hurricane Group, qui fournit les infrastructures de BMX freestyle et de breaking pour Paris 2024. « Notre raison d’être, c’est d’être les meilleurs sur les sports urbains. Nous sommes déjà leaders mondiaux sur le BMX freestyle, nous avons donc investi pour développer les activités de structures de breaking sans dépendre de qui que ce soit », estime Joseph Villeflayoux, son vice-président.

« Paname 24 peut faire jurisprudence »

Les trois pilotes de la joint-venture, Julien Carette (Havas Events), Thomas Deloubrière (The Banner) et Cyril de Froissard (Auditoire), décryptent les apports de Paname 24 au marché.

Comment avez-vous dépassé les différences de culture des trois agences associées ?

Julien Carette : Paname 24 n’est pas une association d’opportunité. Une joint-venture comme celle-ci est une aventure collective dans laquelle nous apprenons tous les uns des autres ; nous faisons le même métier mais de façon très différente. Aujourd’hui, quand nous faisons une réunion de travail, nous ne savons plus qui est issu de quelle agence. Nos collaborateurs ont transcendé leur maillot initial pour faire rayonner au plus haut le projet de Paris 2024.

Quelles perspectives cette association vous ouvre-t-elle pour l’après-Paris 2024 ?

Cyril de Froissard : Nous n’avons pas constitué cette joint-venture en pensant à l’après-Paris 2024. Quand vous êtes dans ce métier depuis trente ans, vous avez juste envie de faire partie de l’aventure unique que représentent les Jeux olympiques et paralympiques.

Quels sont, selon vous, les enseignements que le marché peut tirer de l’expérience d’une joint-venture comme Paname 24 ?

Thomas Deloubrière : La culture des attelages d’agences est une culture très anglo-saxonne ; les Français ont tendance à aller plutôt seuls sur les grandes compétitions. Nous sommes passés d’une époque d’hyperconcurrence à une étape de coopération qui transcende la concurrence. La profession a intégré qu’il valait mieux gagner à plusieurs que perdre seul. Il y a cinq ou dix ans, nous n’aurions pas pensé à constituer un consortium, ou alors nous nous le serions interdit. Dans un marché de la communication extrêmement concurrentiel, j’espère que Paname 24 fera jurisprudence : on peut être concurrents tout en s’investissant à 100 % dans un projet commun qui transcende les organisations.

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