Une campagne d’activation qui remporte le Grand Prix craft et production sans boîte de production. Un comble ? Pas tant que ça. « Effectivement, il n’y a pas de production à proprement parler puisque visuellement, rien n'a été produit par notre agence, si ce n’est le film pour présenter le case study que nous avons réalisé en interne par nos motion designers. En revanche, nous avons produit une expérience », justifie Fabrice Plazolles, directeur de la création chez Havas Sports & Entertainment. Cette expérience, intitulée « Undercover Avatar », prend place dans le jeu vidéo Fortnite, petit bijou du studio de production Epic Games, et très apprécié des jeunes.
Maisons et prisons
Pour présenter le projet, il faut remonter en mars 2020, date du premier confinement en France. Alors que les citoyens se préparent à se protéger d’une pandémie internationale, en fermant leurs portes, un autre fléau s’est accentué : celui des violences domestiques. Beaucoup d’associations se sont élevées contre les violences faites aux femmes au sein des foyers. Il en va de même pour les violences envers les enfants. En effet, 80% des violences ont lieu au coeur d'une même de la famille. « Les maisons sont devenues des prisons et les enfants n’ont plus eu d’autres échappatoire que les jeux vidéo. C’est tout naturellement que nous avons observé une augmentation du temps passé dessus », retranscrit Fabrice Plazolles.
À l’aide de plusieurs études, l’agence se rend compte que le jeu Fortnite est le plus joué par la tranche d’âge 12-18 ans. Sans oublier qu'il est gratuit et accessible sur tous types de supports. La voie royale pour toucher le plus grand nombre. Armé de ces données, le pôle gaming de l’agence Havas Sports & Entertainment se lance dans une croisade contre les bourreaux en tentant d’ouvrir le dialogue avec les enfants. « Nous avons contacté l’association l’Enfant Bleu (qui lutte depuis 1989 contre la maltraitance des plus jeunes), qu’on ne connaissait pas, pour leur parler de notre projet. Elle a tout de suite accepté », lance le directeur de la création.
Éviter les contrefaçons
«L’agence n’a pas produit de personnage, nous avons simplement attendu qu’un ensemble bleu soit disponible pour créer ce personnage. Nous avons donc acheté un skin (tenue) bleu pour qu’il soit reconnaissable et fasse écho avec le nom de l’association. Il est également habillé d’ailes d’anges afin de lui donner un côté rassurant », précise Fabrice Plazolles. Une fois le personnage créé, des bénévoles de l’association étaient aux commandes pour répondre aux questions des enfants et repérer ceux qui étaient en extrême danger. «Nous avons également collaboré avec la police afin d’obtenir un dispositif implacable. Toujours dans une logique de protection des enfants, nous ne voulions pas être à l’origine de monstres dont les pédophiles ou autres pourraient s’emparer, nous avons donc communiqué sur des assets différenciants du personnage afin qu’il soit reconnaissable entre tous », ajoute Fabrice Plazolles.
Au terme de plusieurs mois d’activité, l’opération est révélée au grand public. « Nous avons utilisé le personnage comme un lanceur d’alerte, tout en pensant dès le départ à la suite, qui s’est traduite par un travail en RP plus classique. Et, là encore, nous avons été surpris. Nous avons reçu énormément de demandes d’interviews, avec des retombées dans une trentaine de pays. De grands médias se sont intéressés à la fois au dispositif et plus largement au rôle du jeu vidéo, à la façon dont celui-ci prend une nouvelle place dans la société, au-delà du jeu lui-même », confie Fabrice Plazolles.
De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités, disait-on à un célèbre super-héros de l'univers Marvel. C’est pourquoi le personnage a eu une durée de vie très courte. La révélation de son existence et sa notoriété auraient pu nuire à sa mission, les parents pouvant reconnaître le personnage dans le jeu. « Ceci est un appel envers les éditeurs de jeux, pour qu’ils s’emparent du problème et créent des boutons d’alerte pour les enfants. Le jeu vidéo est un médium majoritairement utilisé par les enfants, c’est un des seuls moments où ils se retrouvent seuls, il faudrait profiter de cette brèche pour entrer en contact avec eux », analyse le directeur de la création.
Laura Morin, directrice nationale de l’Enfant Bleu :
« Tout ce travail a été fait main dans la main, et nous en sommes ravis. Cela a d’ailleurs donné naissance à un groupe de travail constitué sous l’égide du secrétaire d’État à l’Enfance et à la Famille, qui se tient régulièrement avec la présence de l'agence. L’idée du groupe de travail est de mettre au point un dispositif pérenne. On travaille notamment avec le syndicat des éditeurs de jeux vidéo afin de poursuivre le travail en ce sens. »