Conférence
Comment rester dans la course de la transformation digitale, tel était le sujet de la conférence #DisruptionRH organisée en partenariat avec Aquent, qui s’est tenue le jeudi 29 mars… Compte-rendu.

Il y a des chiffres qui font froid dans le dos: « 85 % des métiers de 2030 n’existent pas aujourd’hui », selon un rapport de Dell et de l'Institut pour le Futur datant de juillet 2017. Autre phénomène qui peut faire peur : 88 % des personnes estiment que l’essor de l’intelligence artificielle sera l’un des trois facteurs qui façonnera le milieu du travail en 2025, selon une étude réalisée par Pierre Audoin Consultants pour Fujitsu, baptisée « Workplace 2025 ». D’ailleurs, 47 % des entreprises prévoient d’investir dans des assistants virtuels au cours des deux prochaines années. Certes, la plupart de ces prévisions lointaines ont tendance à grossir le trait et la réalité sera sans doute bien plus nuancée, mais une chose est certaine : le rythme de transformation des métiers ne va pas ralentir… faisant disparaître et modifiant de très nombreux jobs. « Comment réagir à cette obsolescence programmée des compétences ? », tel était le thème de la 8e édition de la conférence « Disruption RH » organisée par Stratégies en partenariat avec Aquent, jeudi 29 mars. Les questions abordées : « Quelle est l’ampleur réelle de la mutation actuelle des métiers ? », « Comment se former ? », « Quels sont les nouveaux formats ? »

Automatisation

« Il y a des métiers qui disparaissent déjà, remplacés par d’autres, confirme Olivier Bas, vice-président d’Havas Paris et auteur de Like ton job, comment vivre avec bonheur la transformation digitale (Dunod, avril 2018). C’est le cas par exemple dans la vente en face à face, qui pâtit de la croissance du e-commerce. Dans le même temps de nouveaux métiers se développent fortement par exemple autour de la donnée (data analyst, data scientist…) »« Les nouvelles technologies automatisent un certain nombre de jobs, par exemple dans le contrôle qualité chez Alstom, note Philippe Dumé, directeur de la transformation digitale d’Alstom jusqu'en mars 2018. Il y a des technologies qui permettent aujourd’hui de dire si toutes les pièces d’un train sont bien là ». D’autres métiers pourraient être touchés, comme le juridique : le machine learning peut favoriser la lecture automatique des contrats, repérer les clauses claires ou pas claires. La business intelligence peut permettre d’automatiser le reporting.

Et la montée en puissance de l’intelligence artificielle va accélérer cette mue. « Aujourd’hui nous sommes capables de cartographier compétence par compétence, celles qui vont disparaitre à court ou moyen terme », précise Philippe Dumé. Le manager, avec ces données en main, devra agir pour accompagner ses équipes afin qu’elles restent dans la course. En tant que dirigeant d’agence, Olivier Bas doit à la fois accompagner ses propres collaborateurs et ses clients dans la transformation digitale. « C’est une transformation des métiers assez lourde, il ne s’agit pas simplement de mises à jour, souligne Olivier Bas, d’Havas Paris. Même si le plus difficile dans la transformation des entreprises, c’est de faire évoluer la culture, les mentalités. » 

Formations courtes

« Aujourd’hui une compétence technologique a une durée de vie de cinq ans en entreprise, il faut donc anticiper l'évolution des métiers », note Philippe Dumé. Et se former en permanence… Or, les principaux freins à la formation sont en train d’être levés : « jusqu’ici les managers étaient réticents à laisser partir leurs équipes en formation car ils savaient que ça désorganiserait le service, explique Olivier Bas. Le développement du micro-learning [modules de formation très courts] règle ce problème. Nous avons réussi à réduire une formation de 45 jours en présentiel à 15 jours, en la complétant avec des modules de formation en ligne et des Cooc [coporate online open course]. »

Mais les innovations en matière de formation permettent d’aller plus loin : la tendance est à l’adaptive learning qui mêle algorithmes, psychologie cognitive et big data afin de personnaliser l'enseignement [lire aussi ci-contre]. « Cela aboutit au développement de formations modulaires avec des algorithmes, qui ne durent pas plus d’une minute et que l'on suit sur son mobile, détaille Philippe Dumé. Avec ce mode d’apprentissage d’une minute de cours par jour pendant deux mois, cela aboutit à 70 % de mémorisation des compétences au bout de deux mois. Et cela coûte cinq fois moins cher que des formations classiques. » 

Kit de survie

Comment les salariés peuvent-ils adopter cette sorte de kit de survie à la transformation digitale ? « L’idée aujourd’hui n’est plus de former à des métiers mais d’apporter des capacités à changer de métier, à s’adapter, répond Claire Pascal, directrice générale de Comundi. On fournit un socle de compétences linguistiques, digitales… » Autre défi : préparer les collaborateurs et entreprises à des compétences nouvelles donc non enseignées par les écoles ou organismes de formations. « Un des moyens de formation pour nous c’est l’information : nous faisons intervenir beaucoup d’experts externes (trafic, acquisition…) et parfois internes, des opérationnels en avance de phase qui peuvent partager leur savoir », note Lise Ferret, DRH de Figaro Classifieds.

D’ailleurs, la capacité de formation de l’entreprise est devenue aussi un argument à l’embauche pour les générations Y et Z : « Quand on présente un poste, en particulier techno à un candidat, il pose des questions sur la diversité des technos sur lesquelles il va travailler, les types de projets…, précise la DRH de Figaro Classifieds. On doit rassurer les candidats comme les collaborateurs, en leur montrant que l’on a une vision pour eux, et un parcours possible dans l’entreprise, qu’il puisse se projeter à deux ans… » La formation devient cruciale pour ferrer les bons candidats…



 

Formation : les tendances 2018

Les modes de formation ont beaucoup évolué ces dernières années. Après les désillusions liées au e-learning, aujourd’hui la tendance est au mix learning, c’est-à-dire un mélange de formations à distance et en présentiel, explique Claire Pascal, directrice générale de Comundi (Stratégies formation). Autres modes de formation appréciés : tous les thèmes liés à l’expérientiel et les digital learning trip.

Seule mauvaise nouvelle : le risque d’accroissement de la fracture digitale entre PME et grands groupes : « Beaucoup de petites entreprises ne forment plus leurs collaborateurs car elles ne sont plus obligées de le faire », s’inquiète Claire Pascal, dénonçant un risque de décrochage évident.

Autre mode de formation toujours porteur : la gamification. « Nous avons ainsi créé deux programmes ludo-pédagogiques pour EDF, dont l’un pour apprendre aux commerciaux les nouvelles offres clients », détaille Olivier Bas.

 

 

« Les candidats doivent être apprenants »

Lise Ferret, DRH de Figaro Classifieds

« Avant, le rôle du recruteur était de valider des hard skills [compétences techniques, par exemple], aujourd’hui il doit évaluer surtout des soft skills [compétences comportementales], comme la capacité à s’adapter, explique Lise Ferret, DRH de Figaro Classifieds. C’est bien qu’un développeur maîtrise une technologie mais il doit avoir une logique apprenante, pour se former au logiciel suivant... On évalue cela en l’interrogeant sur sa présence dans des forums de développeurs, ses interactions sur les réseaux sociaux. »

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