Formation
Formation au code, au social média, initiation au growth hacking et au gaming : le digital s’enracine toujours plus profondément dans les formations initiales. Tour d'horizon des principales nouveautés dans les écoles du secteur de la communication, de la publicité et des médias.

Toujours plus. La soif de digitalisation des entreprises semble insatiable. Calquant leur marche sur celle du monde professionnel, les structures de formation continuent, année après année, d’enrichir leur palette. C'est dans cette logique que des cours de code occupent une place plus grande dans les cursus. C’est le cas à l’Efap, où les étudiants du MBA Digital Marketing et e-Business consacrent désormais deux de leurs cinq jours de hackathon au HTML, Javascript et autres langages informatiques. Cette immersion va bien plus loin qu’une simple initiation, explique Vincent Montet, directeur des MBA spécialisés Digital Marketing et e-Business : « Ils vont s'initier à ce qu’il se passe dans le cerveau des codeurs avec qui ils travaillent. Cela leur permettra aussi de vérifier la qualité du code qui leur sera livré pour leur mailings. »

L’Efap renforce aussi le volume horaire des modules social media, qui passe de 10 à 18 heures, avec un focus particulier sur les Facebook Ads. Les étudiants vont aussi travailler désormais sur des campagnes réelles. « L’objectif est de s’adapter aux évolutions de l’algorithme de Facebook, qui contraint les entreprises à sponsoriser toujours plus leurs contenus, précise Vincent Montet. L’enjeu de performance est capital dans un tel environnement. »

Les formations jouent les prolongations

Sup de Pub a choisi une autre voie en faisant commencer la spécialisation digitale dès la deuxième année et non plus en troisième année, tout en élargissant son offre. « Nous avons ajouté deux filières supplémentaires au cursus digital, l’une consacrée aux contenus, l’autre à l’expérience utilisateurs et au data marketing, explique Philippe Cattelat, directeur de l'école. Elles viennent s’ajouter à celles dédiées à la stratégie éditoriale et au marketing de contenus. Cette évolution tient à l’augmentation de la demande globale mais aussi à des besoins toujours plus spécialisés. »

Dans la même optique, le master UX a été prolongé et comporte désormais une deuxième année. Une décision logique au vu de l’attente des étudiants : « Depuis trois ans, 70 % des étudiants optent pour une 5e année car le bac+5 est devenu une norme, calquée sur celle des écoles de commerce et d’ingénieur, détaille Philippe Cattelat. Ceux qui arrêtent avant sont le plus souvent dans la filière créative car c’est le book qui compte le plus dans ce domaine. »

En termes de débouchés, le directeur de Sup de Pub note que, depuis trois ans, les start-up attirent 10 % à 15 % des diplômés, au détriment des agences classiques : « Cela tient de l’effet de mode mais aussi de l’esprit d’entreprise, plus présent chez les jeunes. Ils ont envie de travailler différemment, d’avoir plus de liberté pour s’exprimer. »

C'est pour cette raison que l’Iscom a lancé en 5e année deux nouveaux programmes en alternance, « Expérience client, UX et marketing digital », et « Marque employeur, communication interne et marketing RH ». Virginie Munch, directrice générale de l’école, estime que le second n’a rien à envier au premier sur la dimension digitale : « Il réunit les composantes actuelles qui font le succès d’une marque employeur : l’esprit start-up, l’employee advocacy, la digitalisation de l’entreprise et la brand culture. C’est un cursus qui permet aux entreprises de répondre aux attentes des millennials, d’attirer les meilleurs talents et de les fidéliser. »

L’Iéseg a, de son côté, ouvert un master en alternance consacré au digital marketing et à l'innovation. « Ce programme fait appel à des méthodes comme le design thinking et les méthodes telles que Scrum [méthode agile de gestion de projet en développement logiciel], explique Loïc Plé, professeur associé en management. Il aidera les étudiants et apprenants à repenser le marketing dans une optique ouverte. »

Gamification et growth hacking

Les formations existantes, quant à elles, évoluent aussi pour s’adapter aux attentes du monde professionnel: l’École supérieure du digital (groupe AD Éducation) a réorienté son master «création digitale» vers les fonctions de creative technologist et d'UX designer. « Celui-ci va intégrer deux nouveaux modules, indique Mélanie Viala, directrice générale de cet établissement. Le premier portera sur la creative data. Les étudiants verront comment création et data peuvent s'imbriquer. » Le second module, dédié au gaming, vise à étudier le game design, les narrations interactives, l'advergaming et la gamification des usages, des domaines qui exercent une attraction toujours plus forte sur la création. « Il est clair que ce mode entertainment va irriguer d'autres univers, estime Mélanie Viala. En e-learning par exemple, la gamification permet d'escamoter l'effort derrière le plaisir que procure le jeu. C'est une approche plus motivante, qui s'inscrit dans une démarche tournée vers l'utilisateur, orientée sur la progression et la récompense. »

L’ECV Digital se singularise avec l'intégration, depuis la rentrée dernière, d'un enseignement sur le growth hacking dans son master consacré au web marketing. Les étudiants disposent de 18 heures pour se familiariser avec le concept, en théorie et en pratique. Cette nouveauté a été impulsée par les demandes du secteur mais elle ne va pas de soi, explique Alexia Moity, directrice de l’ECV Digital : « Les étudiants ont l’impression que c’est très technique. Le mot hacking fait encore peur. Il y a un démystification à mener sur un mode ludique. Au terme de cet enseignement, ils sont à l’aise avec le concept et peuvent collaborer avec des growth hackers. »

Des apprentis journalistes polyvalents

Les écoles de journalisme aussi sont emportées par cette vague digitale. Ainsi, l’IEJ réfléchit « à un master en data journalisme, qui irait au-delà de la data-visualisation et de l’explication mais avec une réelle maîtrise des techniques statistiques », détaille sa directrice, Magali Bonavia. Cette ambition soulève toutefois des difficultés : « Une école de journalisme se doit de former à beaucoup de techniques pour que les apprentis journalistes soient parfaitement polyvalents. Il est donc compliqué d’aborder de manière approfondie toutes les techniques, d’où l’idée de prolonger son cursus par des masters de spécialité. »

Pour soutenir cette digitalisation renforcée des enseignements, la quasi-totalité des écoles organisent des événements centrés sur les techniques et enjeux du numérique. À l’Iseg marketing & communication school, ils font partie du sas d’entrée des cursus. Durant la semaine « Digital days », les étudiants de première année sont ainsi plongés dans des ateliers thématiques sur le code, l’e-reputation, l’identité numérique de la marque, les réseaux professionnels ou les sites de e-commerce. « Il s’agit de démystifier la technique », résume Lidija Nikolic, directrice de cette structure.

Cette immersion passe aussi par des hackathons, des « Summer Code Camp » et autres « Data Camp ». Tous ces dispositifs partagent un double objectif : renforcer la culture et les compétences des étudiants tout en leur faisant rencontrer leurs futurs collègues, étudiants eux aussi, mais qui se forment au code informatique ou à la gestion de data. Ainsi seront ancrés les modes d’échanges qui leur seront indispensables une fois entrés dans le monde professionnel : en cultivant cette double dimension du digital, les structures de formation assurent à leurs étudiants une autonomie et une agilité qui seront autant d’atouts pour la suite de leur carrière.

Les locaux, vecteurs de culture digitale

Comme en entreprise, l’agencement des espaces peut servir l’efficacité pédagogique. Ainsi l’Iseg propose à ses étudiants, au sein de son campus parisien, des espaces de coworking, qu'ils peuvent investir à tout moment pour mener leurs projets à bien. Une approche similaire a conduit l’Iscom à créer une salle multi-usages où étudiants et intervenants peuvent travailler sur des briefs mais aussi faire des photos et des vidéos grâce à des fonds verts. « Le but est de favoriser un maximum d’inter-disciplinarité, explique sa directrice, Virginie Munch. Lors du réaménagement de l’école en septembre 2017, nous avons cherché à favoriser le travail collaboratif et réinventer l’expérience d’apprentissage. Ce chantier s’inscrit dans une démarche pédagogique globale. »

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