PQR: la bataille du dimanche

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Ils sont jeunes. Quatre mois et demi pour les plus âgés, les trois versions «dimanche» des journaux du pôle Hersant dans l'Ouest:Presse Océan, Le Maine libre et Le Courrier de l'Ouest.Ils s'appellent encoreDimanche Ouest FranceouLe Télégramme dimanche.Ils battent en brèche le monopole duJournal du dimanche(JDD).Jusqu'au mois de novembre dernier, le quotidien dominical du groupe Hachette n'avait aucun souci à se faire, l'Ouest en absorbait 70000exemplaires. Ce monopole a vécu. Les titres PQR de l'Ouest sortent les couteaux, emboîtant le pas à ce qu'ont fait bien avant eux d'autres titres commeSud-OuestouLa Voix du Nord.«Le journal du septième jour», on ne parle plus que de cela dans les rédactions des cinq grands quotidiens de l'Ouest. Le septième jour, tu ne te reposeras plus. La tradition démocrate chrétienne volontiers véhiculée à longueur d'éditos par François-Régis Hutin, tout puissant patron deOuest France,n'a pas résisté aux lois du marché. En semaine, le quotidien rennais vend 762497exemplaires (DFP 1996-1997) par jour, le record de France. Son voisin breton,Le Télégramme de Brestest à plus de 190000exemplaires (+10% en dix ans), les trois journaux d'Hersant cumulés à plus de 225000exemplaires. Près de 1,2million de papiers chaque jour au total. À ce niveau, gagner des lecteurs devient difficile. Le seul moyen d'en séduire en masse est d'augmenter l'offre, et donc de sortir sept jours sur sept au lieu de six par semaine. Ce qui est fait, et par tout le monde en même temps, ou presque.«Nous avions tous des projets dans nos cartons depuis fort longtemps,explique Étienne Charbonneau, le rédacteur en chef dePresse-Océan, quand nous avons su que Ouest France se lançait, nous n'avons eu qu'à ressortir le projet.»Et le groupe Hersant a pris de vitesseOuest France,de quelques semaines, en paraissant dès novembre.Le Télégramme de Brest,lui, a dû attendre un peu, pour sortir au mois de janvier. Les résultats? Tout le monde semble satisfait. En apparence du moins. Jacques Hardoin, le directeur délégué duDimanche Ouest France (DOF),annonce près de 200000exemplaires vendus et des progressions de plusieurs milliers d'exemplaires ces dernières semaines. Marcel Quiviger, son homologue duTélégramme de Brest,annonce 100000exemplaires. Christian Coustal, responsable de la Socpresse dans l'Ouest (groupe Hersant), avance le chiffre de 72000ventes si l'on additionne ses trois titres.Trois concepts différentsÀ y regarder de plus près, les fortunes sont un tant soit peu différentes. Le ratio nombre d'acheteurs du dimanche par rapport à la semaine est éloquent.Le Télégramme,pourtant le plus récent, est à 1 sur 2. Le pôle Hersant à 1 sur 3 etOuest Franceà seulement 1 sur 4. Faut-il y voir une réponse des lecteurs aux trois formules, toutes dissemblables, adoptées par chacune des entités?Presse-Océan, Le TélégrammeetLe Maine libren'ont quasiment rien changé par rapport au quotidien. Ils ont conservé la même maquette et quasiment la même hiérarchisation des informations.«On a surtout fait évoluer l'organisation, mais c'est vrai que nous ne sommes pas les plus novateurs dans ce domaine là»,reconnaît Christian Coustal, tout heureux de cette formule à moindre coût. Selon lui,Presse-Océanvend plus de journaux le dimanche à Nantes queOuest France,ce qui n'était pas arrivé depuis fort longtemps.«Ça fait plaisir, nos journalistes bombent à nouveau le torse.»Il était temps. SiLe Courrier de l'OuestetLe Maine libresont bénéficiaires,Presse-Océanaccusait de lourdes pertes ces trois dernières années. À tel point quePresse-Océan dimanchea été lancé au sortir d'un plan social qui avait entraîné 110suppressions de poste. Regroupé en une seule entité multipliant les pages communes, le pôle Socpresse«devrait être à nouveau bénéficiaire en 1998»,annonce Christian Coustal, optimiste.Ouest France,lui, a innové. SonDOFn'a rien à voir avec le quotidien. Demi-format tabloïd, il propose quatre cahiers (actualités, famille, culture, sports) imbriqués les uns dans les autres, que le lecteur doit reconstituer. Une vocation magazine très affirmée et des articles plutôt courts. Lancé au sortir d'un plan FNE, le journal n'a pas obtenu d'emblée l'aval de l'ensemble des 370journalistes de la rédaction.«Au lancement, on travaillait sur la base du volontariat, ensuite il y a eu des menaces de mutations si on ne se mettait pas à écrire pour le DOF»,raconte un rédacteur.«À chaque projet novateur, les gens n'entrent pas tous dans le bateau au même moment»,répond la direction, préférant voir un bel encouragement dans les progressions de 2000, 3000 et 4000exemplaires enregistrés au cours de ces dernières semaines.Des essais à confirmerAvec un concept entre les deux, un tabloïd mi-magazine, mi-actualités locales, c'estLe Télégramme de Brestqui s'en sort le mieux: un acheteur le dimanche pour deux la semaine. Et au siège de Morlaix, on rêve déjà de pouvoir adapter le demi-format du dimanche à la semaine.«C'est aussi un ballon d'essai,reconnaît Marcel Quiviger,nous sommes très contents des retours.»Même s'il faut attendre au moins un an pour faire un bilan - d'ici là par exemple, les tournées de portage à domicile seront bien organisées - c'est sans douteLe Télégrammequi sera le plus proche du point mort de rentabilité. Une chose est sûre, personne ne gagne d'argent pour l'instant. Mais tous espèrent qu'un jour les annonceurs, quasi inexistants aujourd'hui dans tous les titres, seront enfin séduits.«Si on pouvait faire un journal sans publicité, ça se saurait»,sourit Étienne Charbonneau. À l'Ouest, pour l'instant, on est en phase de création du marché: la conquête des lecteurs. Et sur ce point les choses sont bien engagées: plus de 370000journaux supplémentaires vendus chaque semaine, à en croire les dirigeants des titres concernés, moins les quelques milliers qu'aurait perdu leJournal du dimanche,d'après les mêmes. Contactée à maintes reprises, la direction duJournal du dimanchen'a pas souhaité s'exprimer.