Adidas-Nike: duel au sommet

Description

Première marque de l'équipement de football, Adidas est bien décidé à bétonner cette position et à ne pas laisser le terrain libre à son éternel concurrent, Nike, qui a lui aussi des prétentions sur le ballon rond. Fort de ses derniers bons résultats -le groupe a réalisé 1milliard de francs de bénéfices en 1997 pour 16milliards de francs de chiffre d'affaires-, Robert Louis-Dreyfus, le charismatique patron à la double casquette de président d'Adidas et de l'OM, a décidé de mettre le paquet, en s'appuyant notamment sur ses rapports privilégiés avec les instances du football. Depuis longtemps, le groupe Adidas est associé à la Fédération internationale de football (Fifa). Mais cette fois, son engagement dépasse son ancien statut de «fournisseur officiel».«Notre marque est désormais "partenaire officiel" de la Fifa(pour environ 150millions de francs, NDLR), précise Cédric Dufoix, directeur de la communication d'Adidas France.C'est la première fois qu'un équipementier accède à ce statut. Nous sommes également partenaires du Comité français d'organisation et de l'équipe de France.»Les jeunes, cible principale Adidas équipe également l'Allemagne, championne d'Europe en titre, l'Argentine, deux fois championne du monde, l'Espagne, la Roumanie ainsi que le Maroc. Elle a aussi sous contrat une pléiade de stars: le beau David Beckham, idole de l'Angleterre et fiancé de la Spice Girl Victoria Adams; Alessandro Del Piero, le «petit prince» italien; Patrick Kuivert, l'avant-centre des Pays-Bas; le talentueux Argentin Fernando Redondo; et le robuste Espagnol Fernando Hierro. Et bien sûr quelques Français: Zinedine Zidane, Marcel Desailly, Laurent Blanc, Christian Karembeu, Fabien Barthez, David Trézéguet et Florian Maurice défendent les couleurs de la marque aux trois bandes. Avec la Coupe du monde qui se profile, Adidas espère bien enfiler toutes ces casquettes au moment opportun. Au niveau international, sa communication est pour l'instant axée sur l'innovation, avec un spot, «Le foot réinventé», de l'agence anglaise Leagas Delaney. Il rassemble les stars et une gamme de nouveaux produits: ballons, maillots, chaussures. Adidas prépare également une campagne sur l'équipe de France, en insistant sur le fait que, derrière son image, parfois décriée, il se passe des choses formidables. Ce nouveau spot, qui sera diffusé jusqu'à la fin de la Coupe du monde, constitue un échauffement avant le sprint final.«À partir de la mi-mai, nous utiliserons tous les supports possibles,prévient Cédric Dufoix,car nous voulons toucher les jeunes, notre cible principale. Nous avons prévu un plan d'animation dans les villes du Mondial.»La marque va ainsi soutenir le tournoi pour enfants Kids Foot, dont la finale aura lieu le 24mai à Disneyland Paris, et organise par ailleurs le Football Parc. Ce lieu de rendez-vous installé au Trocadéro accueillera 40équipes venues du monde entier et des joueurs estampillés Adidas. Côté salon, un club VIP sera installé aux Champs-Elysées, sur la terrasse Martini. Sans oublier le sponsoring de l'émission quotidienne de Charles Biétry sur Canal+, une forte présence dans le quotidienL'Équipeet«quelques trucs sympas avec plusieurs supports»,dixit Cédric Dufoix. Le plan de communication d'Adidas dépassera 100MF, ce qui finalement est peu.«Nous ne sommes pas tenus, comme Nike, d'acquérir une crédibilité dans le football. Nous aurions pu être beaucoup plus visibles, mais nous n'avons pas choisi cet axe-là»,ajoute Cédric Dufoix. Arrivé sur le tard dans le football, le grand concurrent américain d'Adidas réfute pourtant cette image de novice.«C'est peu connu, mais la première chaussure que Nike a fabriquée il y a vingt-cinq ans était une chaussure de football,rappelle Marianne Tesler, présidente de Nike France.Mais il est exact que le football, il y a cinq ans, est devenu la priorité de Nike. On ne peut pas être numéro un sans être numéro un dans le sport numéro un!»Pour rattraper son retard, l'équipementier américain a dû taper fort en recrutant le meilleur joueur du monde, Ronaldo, avec un contrat de dix ans et 200millions de francs, et la meilleure équipe du monde, l'équipe brésilienne.«Le Brésil est le symbole du Mondial»,résume Marianne Tesler, qui n'a pas peur de soutenir«le talent individuel»plutôt que cet esprit d'équipe cher au football. C'est en 1996 que Nike s'est associé à la Confédération brésilienne de football, dont la Seleçao est devenue championne du monde deux ans plus tôt aux États-Unis. Un contrat en or, puisque la firme américaine va verser pas moins de 200millions de dollars (1,2milliard de francs) sur dix ans pour avoir le droit d'habiller la meilleure équipe de la planète -au moins jusqu'au prochain Mondial...-, celle qui fait rêver les amoureux du football. Pour rentabiliser ce lourd investissement, Nike communique abondamment sur l'équipe du Brésil et vend, partout dans le monde, des répliques du maillot officiel des auriverde (les jaunes et verts). Pour écouler ses stocks, l'équipementier américain doit évidemment affronter une batterie de faux qui foisonnent sur le marché. Mais ces rois de la contrefaçon ne sont pas ses uniques rivaux. Adidas vend également des produits similaires.«Nous commercialisons en effet une gamme "rétro", dans laquelle on peut trouver des tee-shirts aux couleurs du Brésil,reconnaît Cédric Dufoix.Il n'y a aucun problème de droits, car il n'y a pas le logo de l'équipe nationale. Il ne s'agit pas du maillot officiel. Nous versons juste des royalties à la Fédération internationale pour utiliser la Coupe du monde qui figure sur ces produits.»Se marquer à la culotteCet exercice de style n'est pas fait pour amuser les responsables de Nike. Ce qui ne déplaît d'ailleurs pas à Cédric Dufoix:«En effet, ça a dû râler dans les chaumières, mais nous sommes inattaquables. D'ailleurs, c'est l'un des best-sellers de notre collection»,dit-il. Le roi de l'embushmarketing, Nike, pris à son propre piège, voilà qui ne manque pas de sel! Cette année, les deux sociétés n'en finissent d'ailleurs pas de se marquer à la culotte. Chez Nike, Marianne Tesler veut aussi«encourager les jeunes à jouer au football et communiquer sur le coeur de cible, c'est-à-dire les produits.»Depuis fin mars et jusqu'à la fin mai, la marque a lancé un spot baptisé «Airport» (agence Wieden&Kennedy), tourné par John Woo, un réalisateur en vogue, qui a dirigé les stars du Brésil et Éric Cantona (voir ci-contre). On y voit des joueurs brésiliens dribbler dans un aéroport. Une deuxième phase mêlant télévision, presse et affichage, démarrera avec la compétition. Comme Adidas, le géant américain a lui aussi prévu un parc d'attractions, le Nike Park, également qualifié de «République populaire du football». Dans ces 7800m2, les jeunes pourront se mesurer aux performances des meilleurs joueurs. Leurs petits camarades de province recevront la visite du Tour de foot, c'est-à-dire deux caravanes équipées sur le modèle du Nike Park. Sans payer un dollar à la Fifa, puisque la marque n'est pas partenaire officiel du Mondial, Nike sera donc largement à l'affiche à l'occasion de cette Coupe du monde. Ses dirigeants n'ont d'ailleurs pas peur d'annoncer leur objectif:«Devenir leader dans le football d'ici à l'an 2002».Mais pour y parvenir, rien ne dit que l'équipementier se contente toujours d'embushmarketing. Adidas a bien sûr déjà signé pour le Mondial japonais et coréen de 2002. Mais après?