Secteurs interdits, lutte contre les asymétries réglementaires, nouveaux dispositifs législatifs... Le 5 avril, au cours de la matinée du SNPTV - Syndicat national de la publicité télévisée -, les grands groupes audiovisuels ont fait part de leurs attentes.

Dans un théâtre du Rond-Point archi-comble, le 5 avril, les patrons des grands groupes audiovisuels français ont fait savoir leurs attentes alors que le ministère de la culture a lancé une consultation sur les secteurs interdits de publicité TV qui devait donner lieu, samedi 7 juin, à un décret autorisant définitivement la publicité pour le cinéma et lançant une expérimentation de deux ans pour l’édition littéraire, sans permettre pour autant aux promotions de la distribution de faire de la publicité à la télévision. Ces doléances interviennent alors que le projet de réforme voulu par la ministre de la culture Rachida Dati, et visant à regrouper l'audiovisuel public, pourrait être l’occasion d’y adjoindre un volet sur l’audiovisuel privé, à la façon de la proposition de loi du sénateur Lafon dont il s’inspire.

L’absence de tout cadre réglementaire limitant la publicité et les contenus sur les Gafa et, à l’inverse, les contraintes pesant sur les diffuseurs ont été plusieurs fois dénoncées. Rodolphe Belmer, PDG de TF1, a pointé « l’asymétrie réglementaire de plus en plus prégnante et aigue » qui favorise les acteurs du digital, lesquels «siphonnent les capacités de financement» des diffuseurs traditionnels, en particulier dans l’information. Il a appelé la communauté des annonceurs et leurs agences à montrer par les chiffres qu’ils avaient conscience de leur rôle social : « Il faut que le monde économique comprenne que nous avons tous intérêt à avoir une démocratie cohérente et tonique », a-t-il assuré. François Pellissier, président exécutif de TF1 Pub et président du SNPTV, a aussi appelé à « diriger les investissements publicitaires vers les médias qui soutiennent l'information », ajoutant qu'il est « vital de lever ces différents freins [des secteurs interdits] pour permettre à la télé de se battre à armes égales. »

« L’information coûte cher, a de son côté affirmé Delphine Ernotte, PDG de France Télévisions, en rappelant que le modèle économique n’était « plus garanti dans la presse, presque plus dans la radio » et qu’il l’était « encore en télé mais pour combien de temps ? ». Elle a  donc appelé à donner aux réseaux sociaux une responsabilité éditoriale sans leur laisser le seul statut d’hébergeur, ainsi que le préconisent Daniel Kretinsky et Denis Olivennes de CMI France. « S’ils deviennent responsables, cela redonne de la valeur à la qualité de l’information», a-t-elle ajouté, en précisant que ce n’était pas la voie suivie par l’Europe. Elle a dit aussi craindre « une crise majeur » du fait des « fausses infos » qui circulent sur les réseaux sociaux et de « l'ingérence » qui s'y déploie à l'occasion des élections. « Je crains l'événement qui crée un mouvement de foule », a-t-elle lancé en citant La Fièvre, la série de Canal+. Et ce, avant même que Meta n'annonce identifier sur ses plateformes, dès le mois de mai, les sons, images et vidéos générés par l'IA.

« Consensus entre nous »

Nicolas de Tavernost, président de M6 jusqu'au 23 avril, souhaite voir intégrer au projet de loi sur l'audiovisuel public une disposition limitant à deux ans - et non plus à cinq ans - la revente d'une chaîne disposant d'une fréquence TNT. La proposition de loi Lafon, de juin 2023, le prévoyait déjà sous réserve qu'il n'y ait pas de spéculation et de respect du pluralisme. Compte tenu des renouvellements de ses chaînes jusqu'en 2027 (6Ter), RTL Group doit actuellement attendre 2032 avant de céder sa part à un investisseur comme CMA CGM, qui possède 10% de M6.

Arthur Dreyfuss, PDG d'Altice Media, en passe d'être racheté par le même CMA CGM, a insisté sur le fait qu'il y avait un « consensus entre nous » sur la nécessité d'avoir, face à des acteurs numériques supra-nationaux, des investissements réalisés « au plus proche des Français», et répondant à un vrai besoin à l'instar de BFM Régions. Il a estimé aussi que le régulateur, comme les pouvoirs publics, avaient conscience des « dangers des asymétries ».

Maxime Saada, président du directoire de Canal+, a toutefois mis des limites à cette vision domestique ou nationale pour son groupe en rappelant qu'en dehors des exceptions Lupin, Casa de Papel ou Squid Games, sur lesquelles les professionnels étaient revenus, les séries internationales sont désormais américaines, voire britanniques. « Canal + va produire ses séries américaines et anglosaxonne », a-t-il annoncé. Il a aussi mis en avant un mouvement historique de l'entreprise consistant à  « se libérer des dépendances » de fournisseurs de contenus exclusifs - comme avec la Ligue 1 sur le marché français - et assuré que l'avenir de son groupe reposait sur « l'hybridation » comme en témoigne la plateforme View qui a des «un pied dans le payant et l'autre dans le modèle publicitaire. » Il a rappelé, à ce sujet, que Vivendi avait le projet d'introduire Canal+ en groupe avec Dailymotion.