Programmatique
Face à une pénurie de traders en programmatique, c’est la surenchère. Les salaires s’emballent pour des jeunes à peine formés.

Le programmatique est un casse-tête. Pour le comprendre, mais aussi pour trouver des personnes capables d’en saisir plus que les simples bases. C’est le cas avec les traders. Les personnes chargées de piloter les campagnes des annonceurs, et d’élaborer les stratégies de ciblage et d’enchères sur les trading desks. «Le métier n’existe pas. Il n’y a aucune formation pour ça», explique Stéphanie Olivier, chasseuse de tête qui en recrute régulièrement. Résultat, c’est aux entreprises de les former. Mais la formation coûte cher, et prend du temps. «Il faut en moyenne de trois à six mois pour qu’une personne devienne opérationnelle, en fonction des profils», continue la chasseuse de tête. «Nous faisons de la formation depuis nos débuts, explique Anthony Spinasse, DG de Gamned, un des premiers trading desks français. Nous avons arrêté de recruter des personnes déjà formées. Nous préférons prendre des profils variés, motivés, avec une tête bien faite. Sans emploi ou en sortie d’études. Nous avons même un partenariat avec Pôle Emploi. C’est un métier opérationnel dont le salaire tourne autour de 30 000 euros annuels, et dans un secteur d’avenir.»

Des salaires 50 % plus élevés

Mais la pénurie de traders sur le marché pose un vrai problème. Dès qu’ils sont formés, les néophytes sont vite chassés. Parfois pour des salaires 50% plus élevés! «La demande explose. Les agences ont besoin de traders médias, mais aussi les régies, voire des annonceurs en e-commerce. Tous les achats s’automatisent, donc la moindre structure avec un DSP peut en avoir besoin», analyse Jean-Baptiste Rouet, chief digital et programmatic officer chez Publicis Media, lui aussi confronté au problème. La société va lancer une « Programmatic Academy », un cycle de formation pour dix personnes afin d’apprendre le métier et combler le vide. Mais pour Gamned, il y a un autre problème : c’est la surenchère. «Certains de chez nous se font chasser alors même qu’ils finissent à peine leur formation!», déplore Anthony Spinasse. Et une bulle commence à naître. Car non seulement les entreprises forment des personnes pour les voir partir, mais le salaire devient décorrélé de la compétence. «Quand on va chercher une compétence, c’est pour lui vendre une évolution et un plan de carrière, estime Stéphanie Olivier. On l’encadre et on la fait progresser.»

«Mais c’est un métier technologique qui change constamment. La formation doit être continue. Or les structures qui les chassent ne les veulent que pour un besoin rapide, pour monter une structure, mais ne connaissent pas vraiment le métier.» ajoute Anthony Spinasse. Et la pénurie peut créer une distorsion de salaire en interne difficile à gérer. Alors comment les retenir? «Nous ne cédons pas en faisant une contre-proposition. Ce n’est pas sain pour le marché. Nous essayons d’en parler», ajoute Jean-Baptiste Rouet. Une méthode aussi approuvée par Anthony Spinasse, qui a réussi à garder ses ouailles jusqu’à présent. «Si quelqu’un veut se faire d’autres expériences, on peut toujours en parler. Mais partir pour une question de salaire, après si peu d’expérience, c’est démesuré!» argue-t-il. «C’est à se demander si on ne rajoutera pas des clauses dans les contrats pour établir une période de travail minimum, estime Stéphanie Olivier. Mais c’est contraire à l’esprit du web. Le seul moyen d’enrayer cette spirale, c’est de mettre tous les acteurs autour de la table, et de créer des formations.»

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