Alors que l’ogre du numérique dévore pêle-mêle les recettes pub, l’attention des lecteurs et les investissements dans les médias, il est des têtes brûlées qui s'acharnent à croire aux vertus du papier. Et à imaginer que les millennials et jeunes urbains CSP+ peuvent être séduits par des magazines.
L'un de ces derniers aventuriers de la presse s'appelle Laurent Beccaria. L’éditeur, cocréateur des revues XXI et 6Mois, vendues en librairie, croit en l’Ebdo, futur magazine de société fouillé qu'il prépare pour janvier avec son complice Patrick de Saint-Exupéry. Un pari fou ? « Je réfute cette formule. Pour nous suivre, quarante personnes ont quitté leur poste, dont le rédacteur en chef Nicolas Delesalle (ex-Télérama), Laurent Valdiguié (Journal du Dimanche), Charlotte Chaffanjon (Le Point) ou Samuel Forey prix Albert Londres 2017 et ex-Figaro. On n’est pas fou. C’est un pari risqué, mais raisonné, réfléchi depuis 2013. Des investisseurs vont nous rejoindre dans une partie minoritaire du capital. Nous parions sur une presse financée par le lecteur et non par la pub. Cela nous semble le vrai enjeu, plus structurel que la querelle entre print et numérique ».
Si l’équipe s’appuie sur son expérience éditoriale et à sa communauté de lecteurs, elle s’aventure vers un nouveau réseau de distribution : le kiosque. « Notre campagne de crowdfunding nous a rapporté 6 000 abonnés et plus de 400 000 euros. Notre objectif à décembre 2019 sera d’avoir 60 000 abonnés et 20 000 ventes en kiosque ». Le lectorat ? « Nous visons le plus grand nombre, à la fois des classes moyennes qui lisent très peu la presse et des lecteurs curieux, engagés, cultivés et surinformés ». Rendez-vous donc en kiosque le 18 janvier, pour l'Ebdo de 96 pages, vendu 3,50 euros, et sur la plateforme pour des échanges fluides avec les lecteurs.
« Un mensuel chaque semaine »
Le journal devrait affronter la concurrence d’un autre hebdo, prévu également pour janvier, d’une soixantaine de pages qui vise 100 000 exemplaires. Concocté par Julien Mendez, ex-conseiller d’Emmanuel Macron à Bercy, ce projet développé au sein de la société Polaris News se veut « un mensuel chaque semaine » avec des papiers longs. Prix : 4 à 5 euros avec un peu de pub. L’analyse de ces éditeurs ? Le lectorat des moins de 40 ans n’a pas les hebdos généralistes qui lui conviennent.
Le dernier à avoir posé ce diagnostic, c’est Franck Annese (So Press). Il a réussi le dernier lancement ambitieux dans ce segment avec le quinzomadaire Society, sorti en mars 2015. La campagne de crowdfunding avait rapporté 51 000 euros. Avec 50 000 exemplaires payés France dont 50 % d’abonnés, et une tendance à +5,36 % en 2016-2017, le titre séduit les jeunes urbains. « Je continue à parier sur le print » nous révèle celui qui réalise 16 millions de chiffre d’affaires avec son groupe de presse et 600 000 euros de résultat. Il lancera un nouveau titre en avril prochain. Un journal qui rejoindra Le 1 des arts, inauguré par Eric Fottorino cet automne avec un numéro sur Gauguin, la version papier du bimestriel Les Numériques, Oblik, le mook d’Alternatives Economiques ou Tirmag, le nouveau trimestriel de Mondadori. Des magazines de niche ou d’actu, qui parient aussi résolument sur le print.