« Les marques ne doivent pas attendre le feu vert de Google, elles doivent s’emparer de ce nouvel espace de communication, sous peine d’être littéralement muettes lorsqu'un consommateur cherchera à entrer en contact avec elles », prévient Marie Dollé, responsable des contenus chez Kantar Media. L'enceinte à commande vocale Google Home vient de débarquer en France. Pour l’heure, les interactions avec l’objet sont limitées à un dialogue avec Google Assistant, l'assistant virtuel de Google, qui se base sur les données du moteur de recherche. Mais demain, l’idée est de pouvoir être mis en relation avec une marque grâce à la voix, exactement comme sur le web lorsque l’on clique sur un lien pour accéder à son site web. L’utilisateur basculera alors dans l'environnement de la marque, avec une voix différente, un ton distinct, etc. « Bientôt, les marques pourront développer ce que nous appelons des “actions”, des “applications conversationnelles”, les référencer et les rendre disponibles sur notre interface », explique François Loviton, directeur commercial Retail chez Google France.
Une charte vocale
Pour les marques, cela représente une vraie révolution: le «vocal first». Pour le consommateur, il s’agit d’une nouvelle manière d'utiliser le moteur de recherche, un accès à internet par la voix et non par l’écrit. « L’usage émerge en France mais sur le marché américain, où l’enceinte est déjà présente depuis novembre 2016, les recherches émises par la voix représentent déjà 20% du total des recherches sur Google, rapporte François Loviton. C’est déjà un usage avéré et conséquent ». Le lancement de Google Home dans l'Hexagone ouvre une nouvelle ère, celle des interfaces naturelles et du web ambiant : l’ère post-smartphones. « Demain, on n'ira plus sur internet, on sera dans internet, entrevoit Marie Dollé. C’est la fin des écrans, et le début du SEO (référencement) vocal. Les marques doivent commencer à se réinventer », exhorte la spécialiste.
Comment s’y prendre ? « Surtout, ne pas faire l’erreur de simplement dupliquer son site ou son appli. Ici, la logique est conversationnelle, basée sur un échange de questions et de réponses ouvertes. Aussi, il faut aider le consommateur à se projeter dans une relation vocale comme avec une personne physique ». Il s’agit de mettre en place une véritable « voice strategy », une stratégie de contenus avec des personnes dédiées qui réfléchissent à une « charte vocale », à un ton, à une diffusion particulière… Aux Etats-Unis, Ebay a par exemple développé un service qui permet, par la voix, d’évaluer rapidement le prix d’un produit, et d'obtenir une estimation avant de le mettre en vente. « C’est un nouveau moyen de s'implanter dans le foyer du consommateur. Si le smartphone permettait aux marques de pénétrer dans “l’intime”, avec les assistants vocaux, on va un cran plus loin », remarque Pascal Nessim, président de Marcel. « En tant qu’agence, notre rôle sera de faire en sorte qu'en fonction d'une question précise le site de notre client remonte en premier ».
Google Home, une source de données
En étant prospectif, on peut imaginer que les marques pourront payer pour être mieux référencées, comme sur le moteur de recherche, avec, probablement, une mention orale pour différencier le contenu sponsorisé des autres contenus. On devine aussi que si Google Home ne diffuse pas de publicité à proprement parler, il aura la capacité de collecter des données - beaucoup de données - qui pourront être exploitées pour cibler et recibler des internautes sur le web et sur les applis. « Pour l’heure, nous ne savons pas précisément comment la monétisation se mettra en place, indique-t-on chez Google. Notre manière de procéder sera la même que pour toutes nos plates-formes, Google Search, Google Drive, Google Maps, etc. Nous mettons l’utilisateur au centre et on ne développe un service que quand il est accessible à tous, universellement, et qu’il apporte une vraie valeur ajoutée, avant d’envisager le moindre modèle économique», rappelle François Loviton.
Quel avenir pour cette nouvelle technologie ? Selon le cabinet Gartner, le marché des enceintes connectées à commande vocale représentera 3,52 milliards de dollars en 2021 dans le monde, contre 360 millions en 2015. Ces mêmes experts nous avaient annoncé, il y a plus de trois ans, la montre connectée comme « la » rupture technologique après le smartphone, et pourtant, aujourd'hui, elle peine à s'imposer auprès du grand public. Mais l’enceinte intelligente pourrait bénéficier d’un double phénomène : d'une part, de l’explosion des objets connectés qui libèrent le corps, les mains, les doigts, qui ne nécessitent ni écran ni clavier. Et, d’autre part, de la maturité de la reconnaissance vocale. En quelques années, elle a décollé avec l'avènement de l’intelligence artificielle et du machine learning, et a atteint une certaine fiabilité. Même s'il est difficile d'évaluer la proportion des consommateurs qui l'utilisent pour commander en ligne, les analystes du secteur s'accordent à dire que ce mode d'achat va exploser.
Le mariage d’Alexa et Cortana…
Amazon et Microsoft vont permettre à leurs assistants vocaux d'interagir. Les deux groupes promettent que les utilisateurs d'Alexa, l'assistant d'Amazon, pourront utiliser Cortana, celui de Microsoft, pour accéder à leurs mails, reconnaissant ainsi implicitement la domination du logiciel Outlook. De leur côté, les utilisateurs de Cortana seront en mesure de faire leurs achats sur Amazon et utiliser Echo. Une manière de se renforcer sur le secteur stratégique de l'assistance vocale face à Google qui, de son côté, s'allie à Walmart, numéro un mondial de la distribution, pour rivaliser avec Amazon... La guerre ne fait que commencer.