Entre bling-bling et jargon business, la nouvelle série-réalité française diffusée sur Prime Video, Influence(s), ouvre les portes d’un univers bien gardé, celui des influenceurs.

À l’instar des téléréalités, à chaque visionnage d’une story d’influenceur, une sorte d’amour-haine se crée. Après introspection, si pour certains ce sentiment étrange prouve une jalousie malsaine, pour d’autres il relève d’une méconnaissance. Au milieu des plages paradisiaques, des vêtements de marque et autres apparats du luxe, derrière ce métier de l’image se cache une réalité moins reluisante. Évidemment, il y a tout ce pan d’influenceurs issus de la téléréalité, adeptes pour la plupart du dropshipping, pointés du doigt comme étant des « influvoleurs ». Et il y a les autres. Les influenceurs natifs des réseaux sociaux, ceux qui préfèrent pour la grande majorité se faire appeler «créateurs de contenu», avec des quotidiens plus que confortables, en proie aux préjugés quant à leur métier. « À l’inverse du documentaire de Squeezie, nous voulions déconstruire un mythe. L’influence est un secteur qui souffre depuis deux ans, à cause d’une petite fraction du marché venue parasiter l’image. Le terme même d’influenceur est devenu une insulte, nous trouvons regrettable de devoir nous en éloigner, mais il est vrai que créateur de contenu conviendrait mieux à cette frange d’influenceurs », convient Diego El Glaoui, cofondateur de l’agence We Are Influence.

Alors pour déconstruire ce fameux mythe, Diego El Glaoui et Virginie Godin Berthet ont accepté d’ouvrir les portes de leur agence pour y laisser entrer les caméras d’Arnaud Chautard, Gilles Morin (The Old Kidz) et Arthur (Satisfaction) et réaliser la série-réalité Influence(s), une première dans son genre, diffusée sur Prime Video (Amazon). « Arnaud [Chautard] a été l’un des éléments déclencheurs dans cette aventure. C’est la rencontre de deux mondes. Le timing fonctionnait bien, et grâce à son expertise et à son réseau, il connaissait ma sœur Kenza [El Glaoui, également influenceuse]. Le projet a été présenté à Prime Video qui l’a tout de suite validé », retrace Diego El Glaoui. Créée en 2016, We Are Influence représente à l’heure actuelle une trentaine de personnalités, avec des communautés de toutes tailles.

Harcelèment quotidien

« On ouvre les portes d’un milieu qui fascine dans le bon comme dans le mauvais sens. Nous sommes tous confrontés de près ou de loin à l’influence et beaucoup de fantasmes se sont créés autour de cette profession. Pourtant, ce sont de vrais travailleurs comme tout le monde. Nous avons tenté de matcher nos agendas par rapport à ce qu’on voulait montrer mais on ne pouvait pas tourner indéfiniment car financièrement, ce n’était pas possible », témoigne le producteur, Arnaud Chautard. « Cela faisait un moment que je voulais faire quelque chose autour de l’influence, mais je n’avais pas encore trouvé la bonne formule, avec Influence(s) nous nous inscrivons en tant que précurseurs dans ce domaine. D’ailleurs, depuis qu’on a lancé le tournage, j’ai ouï-dire que d’autres prod voudraient faire la même chose ».

L’aventure commence un an plus tôt. La production se retrouve dans les strass et paillettes d’une soirée digne de l’émission Sweet Sixteen sur MTV, à l’occasion des 30 ans de Miss Univers 2016, Iris Mittenaere. Reconvertie en influenceuse, suivie par plus de 3 millions d’abonnés, Iris Mittenaere est devenue l’un des piliers fondateurs de l’agence, en plus d’être fiancée avec Diego El Glaoui. Ici aussi la caméra tente de percer un autre mystère : comment concilier vie pro et vie perso quand on est un couple avec autant d’influence et de médiatisation. D’autres questions, plus ou moins taboues, sont survolées, entre un séminaire aux Maldives teinté de greenwashing et trollé sur les réseaux sociaux, l’ouverture d’une filiale de l’agence dans la capitale du fake, Dubaï, et le débat autour de la présence légitime ou non des influenceurs au festival de Cannes. « Nous n’avons pas trop d’appréhension concernant les retombées, nous avons pris l’habitude d’être soumis au harcèlement en ligne car malheureusement c’est notre quotidien », témoigne le cofondateur de l’agence.

Entre ombre et lumière

Eh oui, derrière le bling-bling, il y a une réalité moins sexy : celle de la vie de bureau. Du moins pour les salariés de l’agence. Ainsi, la série découpée en six épisodes de 25 minutes prend le temps d’expliquer le marché de l’influence : les contrats entre les marques et l’agence qui représentent les influenceurs, les briefs que les influenceurs reçoivent de la part des marques… Le côté didactique est même poussé jusqu’à l’explication de chaque terme utilisé par le milieu, « KPIs », « reach », « impressions »… et alterne avec des images plus « classiques » des talents managers et autres salariés dans les bureaux de l’agence à Paris. Si les influenceurs sont comme des poissons dans l’eau avec les caméras, les salariés de l’agence moins. « Quand nous avons présenté le projet à l’agence, des personnes étaient réticentes à l’idée de se montrer devant la caméra. Il ne faut pas oublier que nous accompagnons des personnalités à la lumière, nous nous faisons des métiers de l’ombre. Nous avons respecté la volonté de chacun mais, de manière générale, le projet a très bien été accueilli, l’ensemble des effectifs était attaché à montrer l’envers de notre décor, et la responsabilité de notre agence », raconte Diego El Glaoui.

Un label appuyé par l’intervention du ministre de l’Économie et des Finances qui a porté la loi de régulation des influenceurs, Bruno Le Maire. Le temps d’un épisode, il raconte l’encadrement de ce nouveau métier et les lois créées depuis les scandales des « influvoleurs » notamment. Un cadre légal encore un peu flou mais « nécessaire » qui « se construira en même temps que ce métier » rappellent les principaux intéressés. « Amazon voulait un documentaire, pas une téléréalité. De notre côté, nous voulions faire quelque chose de ludique, qui reste sympa à regarder. Nous avons fait en sorte de garder un équilibre pour ne pas être catégorisés, ne pas faire d’a priori, ni de préjugés, sans pour autant faire un documentaire trop chiant. Ce n’est pas non plus un reportage. D’où l’immersion dans leur quotidien, parfois exceptionnel, le tout sur une belle narration et la possibilité de s’attacher aux personnages », précise le producteur. Pour le moment, les critiques sont plutôt unanimes et amères dans les médias traditionnels : « J’ai le sentiment qu’on a pris le temps d’expliquer les fondamentaux, de décortiquer et de vulgariser nos métiers, cela devrait susciter un certain intérêt et une saison deux pourrait montrer encore plus le côté divertissement », balance du revers de la main le chef d’entreprise.