Utiliser une archive photo pour faire un coup de communication est une pratique qui a déjà séduit des marques. Stéphanie Multon, conservatrice des archives Sygma (Getty Images), explique à Stratégies cette tendance marketing à l’occasion des 50 ans de la plateforme.

Créées en 1973, les archives Sygma, situées à Dreux (28), hébergent plus de 35 millions d’images documentant les événements marquants de l’actualité, du sport et du divertissement. Cette agence de presse regroupe une dizaine de collections d’archives, et représente 400 photographes. Seule 1% de la collection est numérisée, d’où l’importance de réactualiser régulièrement leur fond, en suivant les tendances et intégrant tout genre d’événements. À l’occasion de leur 50e anniversaire, Stéphanie Multon, conservatrice des archives Sygma (Getty Images), revient pour Stratégies sur le pouvoir des images d’archives.

À quel moment avez-vous commencé à voir une tendance sur l’utilisation des images d’archives pour des campagnes publicitaires ?

Stéphanie Multon. Je n’ai pas de date en tête, mais cela fait très longtemps que nos clients aiment utiliser des contenus archivés. C’est une tendance qui remonte à des années et qui s’accentue. Beaucoup se dirigent vers des contenus historiques, afin de transmettre des valeurs qui parlent aux clients. Il y a deux types de demandes. Dans le premier cas, la personne a déjà repéré un visuel sélectionné sur Getty avec un but précis sur comment le mettre en avant sur des campagnes. Une autre façon de procéder est quand l’agence a l’idée, mais pas de visuel précis. Nous faisons alors appel à l’équipe de recherche qui va leur fournir des exemples pour illustrer leur projet.

Sygma regorge plus de 35 millions d’images documentant tous les événements majeurs de l’actualité, du sport et du divertissement. Comment savoir qu’on a trouvé LA bonne photo ?

Les métadonnées, légendes et mots-clés nous facilitent beaucoup la recherche, car cela permet d’être le plus exhaustif qui soit. Il faut que le client nous explique en détail et de manière précise sa recherche. Dans le cadre d’un usage commercial, nous faisons appel à l’équipe de clarification de droits pour préparer les dossiers, vérifier les droits, et gérer les négociations.

En décembre 2020, vous avez travaillé avec l’agence BETC Digital pour la campagne Citroën hommage à Valéry Giscard d’Estaing. Comment s’est déroulée cette collaboration ? Qu’est-ce qui a fait que la campagne a fonctionné ?

Au moment de l’annonce de la mort de Valéry Giscard d’Estaing, l’agence nous a contactés pour savoir s’il était possible d’utiliser une photo pour une campagne Twitter d’un mois, afin d’illustrer leur hommage. Comme ce n’était pas un usage commercial à proprement parler, ils sont passés par Getty Images pour négocier une licence et sécuriser l’utilisation de celle-ci. Pour cette campagne, nous nous sommes tournés vers un visuel historique qui montrait le président dans une Citroën, car il était également connu pour avoir utilisé énormément ces véhicules au cours de sa carrière. L’idée du clin d’œil avec le jeu de mots sur son nom de famille était bien trouvée.

Tout type de marque est-elle « éligible » à ce genre de coup de communication ?

Bien sûr, toutes les catégories de marque, France et monde, peuvent l’utiliser sur différentes thématiques.

À quelle fréquence êtes-vous sollicités par des agences et marques ?

Toutes les semaines. Nous avons une équipe dédiée globale, une vingtaine de personnes chez Getty Images et trois chez Sygma.

Avez-vous un exemple, autre que la campagne Citroën, qui illustre bien le pouvoir de l’archive ?

En février 2022, nous avons travaillé avec Airbnb dans le cadre d’une campagne sur le Black History Month aux États-Unis. Les salariés du service de plateforme communautaire payant de location de logements de particuliers ont donné un axe de recherche sans avoir de visuels en tête. Après de multiples échanges, les recherches se sont affinées et les clients ont sélectionné les modèles qu’ils voulaient. Par la suite nous engageons le processus de sécurisation des images et selon le moment de la demande, ça peut aller plus ou moins rapidement. Nous avons signé un partenariat avec des universités noires américaines qui nous ont aidées à numériser leurs fonds pour ajouter du contenu sur notre site. Ça nous a permis globalement de rajouter du contenu sur des minorités qui sont moins représentées habituellement dans les médias. On connaît le pouvoir qu’ont les photos d’influencer le monde. C’est important de pouvoir ajouter ce type de contenu.

Quels sont les contenus d’archives les plus populaires auprès des spécialistes du marketing ?

Ce qui les intéresse, ce sont les photos au fort potentiel historique, facilement reconnaissables et qui véhiculent des valeurs. Ils sont très sensibles. Nous essayons d’ajouter du contenu régulièrement dans nos collections, en rapport avec nos valeurs d’inclusion, de diversité et d’équité. Cela passe par la numérisation de contenu sur les minorités sous-représentées, qu’elles soient religieuses, ethniques, ainsi que sur les femmes dans des domaines où on n’a pas l’habitude de les voir, comme les pionnières de l’aviation que j’ai rentrées dernièrement. C’est important de diffuser ces photos et de les mettre à disposition de nos clients. On constate également des années de prédilection entre 1980 et 1990, cela représente une certaine nostalgie. Les gens ont besoin de se réfugier sur des périodes, idéaliser celles-ci les rassure. Nous avons également remarqué que certaines personnalités que nous avons éditées il y a quelques années émergent à nouveau, comme Donald Trump lorsqu’il est devenu président des États-Unis.