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En rachetant le groupe numérique américain Sapient, Publicis Groupe porte la part du digital dans son activité à 50% et crée une plateforme ombrelle baptisée Publicis-Sapient, prémisse selon Maurice Lévy, président du groupe publicitaire, de l'agence du futur où convergent marketing, commerce, technologie et communication.

«Publicis, le roi est nu», titrait Le Monde le 26 octobre dernier. Dans la foulée des résultats décevants du troisième trimestre du groupe publicitaire et répondant à la pirouette de son président, Maurice Lévy, après l'échec de la fusion avec Omnicom («Le groupe n'a pas à chercher de plan B... Il lui suffit de revenir au plan A»), le quotidien lançait tout de go: «Le problème, c'est que le plan A commence aussi à connaître des ratés.» C'était peut-être sous-estimer les capacités de rebond du vieux lion de l'avenue des Champs-Elysées. Accroché à son poste de président (à 72 ans, son mandat a été à nouveau prolongé en septembre dernier jusqu'en 2017), Maurice Lévy sort à nouveau un lapin de son chapeau. Une acquisition bien sûr, et comme souvent dans le numérique. Mais, en l'espèce, pas des moindres.

En annonçant le rachat de la totalité des actions de Sapient (1,36 milliard de dollars de chiffre d'affaires 2013-2014 et 85,9 millions de bénéfice) pour un montant de 3,7 milliards de dollars en numéraire (2,9 milliards d'euros), Publicis Groupe met la main sur une des rares pépites encore disponibles sur le marché.

Fondée en 1990 et cotée au Nasdaq, Sapient, basée à Boston (Massachusetts), est présente dans 37 villes dans le monde et emploie environ 13 000 collaborateurs. L'entreprise apporte à Publicis l'expertise de ses trois divisions, à commencer par l'agence digitale Sapient Nitro (les deux tiers de l'activité du groupe), mais aussi la société de services technologiques spécialisée sur les marchés financiers et de matières premières Sapient Global Markets et l'activité de consulting à destination des services publics Sapient Government Services. «Sapient réalise un tiers de son chiffre d'affaires dans des activités non stratégiques pour Publicis [Sapient Global Markets]. Cette activité pourrait être cédée à long terme, le coût final pourrait ainsi être de seulement 2,1 milliards d'euros», commente dans une note Jérôme Bodin, analyste chez Natixis.

Nouvelle plateforme, Publicis-Sapient

«Cette opération nous permet de développer notre offre en matière de consulting, d'accroître notre profil digital - le numérique représentera plus de 50% de nos revenus trois ans avant l'objectif prévu par le plan stratégique 2018 - et ce, tout en accélerant notre croissance et en améliorant notre profitabilité. Enfin, cela nous permet de créer une plateforme baptisée Publicis-Sapient qui, à l'image de Vivaki, sera une entité ombrelle ayant sous sa responsabilité toutes les activités de Sapient, mais aussi Razorfih, Digitas-LBI et Rosetta, chacune restant autonomes. Nous posons là les bases de l'agence du futur où convergent marketing, commerce, technologie et communication. Ces expertises sont essentielles pour aider nos clients à faire face à la transformation numérique» explique Maurice Lévy, qui assure que cette nouvelle offre mutualisée a permis de faire tomber les dernières résistances de Sapient, «trés attachée à son indépendance».

Alan J. Herrick, CEO de Sapient, entre au directoire de Publicis Groupe et deviendra CEO de Publicis-Sapient. Jerry A. Greenberg, cofondateur et cochairman du board of directors de Sapient, rejoindra quant à lui le conseil de surveillance de Publicis Groupe. Les premiers contacts avec la société américaine remontent à 2011. Ils ont été réactivés en juin dernier. «Il ne s'agit en aucun cas d'une solution de dernière minute après la tentative avortée d'Omnicom», tient à préciser le président de Publicis Groupe. En intégrant Sapient, qui a enregistré un taux de croissance annuel moyen d'environ 15% entre 2010 et 2013, le groupe publicitaire affiche un chiffre d'affaires combiné de plus de 8 milliards d'euros, un Ebitda combiné d'environ 1,3 milliard et plus de 75 000 collaborateurs à travers le monde. Publicis Groupe vise un chiffre d'affaires proforma de 3,9 milliards d'euros dans le seul numérique dès 2014.

Publicis veut devenir leader dans le domaine du service numérique


Le groupe prévoit 50 millions d'euros par an d'économies avec cette acquisition (production digitale, immobilier, frais généraux et achat). Mais les premières réactions des marchés financiers ont été pour le moins réservées, jugeant l'opération coûteuse. «Certes, la prime est importante mais nous appliquons un multiple de 14 alors que la moyenne du marché est de 16. Nous ne surpayons pas Sapient», rétorque Maurice Lévy.


Le rachat met - pour l'instant - entre parenthèses l'hypothèse pour Publicis d'une option avant tout technologique, évoquée il y a quelques semaines avec des rumeurs autour de Criteo. «Cette opération clarifie le positionnement du groupe dans le domaine du service sur le numérique», analyse Jérôme Bodin. Qui estime que «le groupe a vocation à fusionner plusieurs de ses entités dans le numérique et à constituer un leader dans le domaine du service numérique et donc à travailler en partenariat avec les grands éditeurs de logiciels». Quoi qu'il en soit, il est fort à parier que les prochains mois se solderont par une réorganisation en profondeur de l'offre numérique et donc des agences digitales du groupe. En attendant, Maurice Lévy reste décidément fidèle à son «plan A»: racheter, toujours racheter. Un moyen aussi de faire oublier une croissance interne décevante. 

 

 

FOCUS. Publicis dans le numérique

2007. Acquisition de l'agence digitale américaine Digitas pour 1,6 milliard de dollars (l'activité numérique du groupe passe à 15%).

2009. Rachat de Razorfish pour 530 millions de dollars (activité numérique à 25%).

2011. Reprise de Rosetta Marketing Group pour 575 millions de dollars (activité numérique à 30%).

2012. Acquisition de l'agence digitale néerlandaise LBi pour 540 millions de dollars (activité numérique: 35%).

2013. Fusion des réseaux Digitas et LBI.

Septembre 2014. Rachat du canadien Nurun pour 125 millions de dollars canadiens (87 millions d'euros).

Novembre 2014. Annonce du rachat de l'américain Sapient pour 3,7 milliards de dollars (2,9 milliards d'euros). L'activité numérique de Publicis Groupe devrait dépasser les 50%.

 

Sapient en bref

1990. Création de Sapient à Boston (Massachusetts) par Jerry A. Greenberg et Stuart Moore.

1996. Cotation sur le Nasdaq.

1,356 milliard de dollars de chiffre d'affaires sur l'exercice 2013-2014.

37 bureaux dans le monde.

13 000 collaborateurs.

Trois divisions: Sapient Nitro (67% de l'activité du groupe), Sapient Global Markets (28%) et Sapient Government Service (5%).

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