«Ce qui caractérise Citroën depuis sa création, c'est le fait de produire des voitures de grande série qui intègrent les progrès technologiques. Et de le faire savoir par la publicité», annonce d'emblée Marc-André Biehler, responsable de Citroën Héritage, structure qui réunit le patrimoine de la marque. «Citroën a toujours mis la créativité et la technologie au service du bien-être. C'est dans notre ADN», renchérit Julien Montarnal, directeur marketing, communication et sport. Une philosophie illustrée par la signature de Citroën, adoptée en 2009: «Creative Technology.»
C'est l'aboutissement d'une longue histoire, qui a débuté en 1919. Après avoir rencontré Henri Ford en 1913, André Citroën, fabricant d'engrenages (dont les dentures sont en chevrons) puis d'obus, est convaincu que la fabrication d'automobiles et sa production en série est l'avenir, et se lance dans cette activité au sortir de la Grande Guerre. C'est le 6 juin 1919 qu'est livrée la première Citroën, la Type A, une décapotable (torpédo). «C'est la première voiture complète de grande série en Europe: 2 810 véhicules sont produits dès la première année», souligne Marc-André Bielher.
Visionnaire marketing
Visionnaire en termes d'innovations technologiques, André Citroën l'est aussi au niveau marketing. Très tôt, il comprend que pour vendre, il faut également communiquer auprès du plus large public. Dès 1919, il ouvre donc un bureau de publicité intégré. Outre de l'affichage classique et des prints, cette agence, notamment dirigée de 1924 à 1934 par le directeur artistique des photos et publicités Pierre Louÿs (pas de liens avec le célèbre poète si ce n'est l'homonymie), organise des événements pour promouvoir la marque. Ainsi des croisières, pour montrer la fiabilité de ses véhicules: la traversée du Sahara par ses autochenilles en 1922, la Croisière noire jusqu'au Cap, en Afrique du Sud, en passant par Madagascar en 1924-1925 et la Croisière jaune jusqu'à Pékin en 1931-1932. Ces odyssées auxquelles participent des journalistes et chercheurs donnent lieu ensuite à des expositions scientifiques et à des films de cinéma.
Pierre Louÿs réalise d'autres exploits, comme faire de Citroën la première et l'unique marque à installer un affichage lumineux à son nom sur la tour Eiffel de 1925 à 1934 ou faire écrire Citroën en lettres de fumée dans le ciel de Paris pour le 7e Salon de l'automobile (1922), qui suit la sortie de sa 5CV en 1921.
Après son coup de maître avec la Type A, Citroën continue à se différencier des autres constructeurs automobiles en intégrant nombre d'innovations technologiques dans ses véhicules. En 1924 sort la B12, première automobile à être tout en acier, alors que jusqu'alors, la structure était en bois. En 1934 sort la Sept (ou Traction avant), première automobile à adopter ce système de transmission. Au final, quelque 759 000 Sept ont été fabriquées jusqu'en 1957. En 1948 sort la 2 CV, qui marque «une étape dans la démocratisation de l'automobile», note Marc-André Biehler. Ce sont 3,8 millions de 2CV qui seront fabriquées jusqu'en 1990.
Autre grand modèle du constructeur: la DS, à partir de 1955, dont 1,4 million d'exemplaires seront produits jusqu'à 1976. Audacieuse par son style ainsi que par sa suspension hydraulique, et non plus mécanique, elle offre un confort inédit.
Indissociable Jacques Séguéla
Si ces décennies sont fructueuses en termes d'innovations des produits, elles le sont moins en termes de communication. Mais la tendance s'inverse à partir des années 1970. La marque travaille alors avec l'agence de Robert Delpire, dans laquelle un jeune publicitaire nommé Jacques Séguéla fait ses armes. Lorsque ce dernier créé Roux-Séguéla (qui deviendra RSCG puis Euro RSCG), il continue à travailler avec la marque aux chevrons et signe certaines de ses publicités les plus emblématiques, comme «Les Chevrons sauvages» (en 1985) ou «Le Porte-avions» pour la Visa GTI (en 1988). «Il a proposé des publicités spectacle alors que l'offre produit n'était pas très reluisante. Cette stratégie a permis à la marque de continuer à exister», rappelle Christophe Lafarge, président des Gaulois (Havas), agence actuelle de Citroën.
Si le nom de Jacques Séguéla reste indissociable de celui de Citroën (on ne compte plus le nombre d'agences ad hoc créées par le publicitaire pour son client), le constructeur doit aussi beaucoup au tandem Christophe Lafarge-Gilbert Scher. Dès 1992, chez Euro RSCG, ils prennent la marque aux chevrons en main. Le slogan «Vous n'imaginez pas tout ce que Citroën peut faire pour vous», c'est eux. «Le sujet était de traduire le génie créatif en bénéfice consommateur. C'est ce que nous avons fait avec les publicités pour l'AX, qui abordaient le sujet de l'économie, celles de la ZX la tenue de route, de la Xantia la sécurité et de XM le confort. A chaque fois, on prenait un argument pour illustrer le claim», raconte Christophe Lafarge. «Nous avons essayé de remettre du rationnel dans un monde de rêve, comme dans le film “Le Baiser” pour Xantia», poursuit Gilbert Scher, directeur de la création.
Ce système mis en place en 1992 dure jusqu'en 2009, année d'un nouveau positionnement de la marque, avec le relancement de la ligne DS. Une manière de continuer à innover. «Citroën n'était pas perçue comme une marque premium. On s'est lancés là où on ne nous attendait pas. Pari réussi puisqu'en 2010, quelque 448 000 DS ont été vendues dans le monde», souligne Julien Montarnal, le directeur marketing, communication et sport.
Toujours sous le signe de l'innovation
La nouvelle signature «Creative Technology» est également adoptée cette année-là. «Ce claim qui aurait pu s'appliquer à la 2CV, à la DS, à tous les modèles mythiques de Citroën, permet donc de se replonger dans les racines de la marque», ajoute Christophe Lafarge.
Toujours dans cette optique, Citroën accentue en avril 2014 son positionnement proche des consommateurs et devient «la marque au budget maîtrisé» de PSA Peugeot-Citroën, selon le président du groupe, Carlos Tavares. «Il ne s'agit pas d'un nouveau positionnement de la marque, qui reste axée sur des valeurs de confort, de design et de technologie utile pour un budget maîtrisé», explique alors Frédéric Banzet, directeur général de Citroën. Plutôt une manière de renouer avec un des slogans de la marque des années 1990: «La voiture de ceux qui ne mettent pas tout leur argent dans leur voiture.»
Et, depuis juin, Citroën exprime à nouveau sa créativité avec la commercialisation de sa C4 Cactus, un crossover. Ce nouveau véhicule inaugure un nouveau segment, un modèle entre low cost et généraliste, avec notamment les Airbumps, une matière comportant des bulles d'air couvrant les flancs et les extrémités du véhicule. «Il s'agit d'une innovation au niveau mondial», précise Julien Montarnal.
(encadré)
Dates et chiffres clés
1919. Création de la marque Citroën.
1929. Premier constructeur automobile européen avec 100 000 voitures vendues par an.
1934. André Citroën cède son entreprise à Michelin.
1969. Création de l'agence Roux-Séguéla avec pour client phare Citroën.
1976. Citroën est rachetée par Peugeot, donnant naissance au groupe PSA Peugeot-Citroën.
1985. Films «Les Chevrons sauvages» et «Grace Jones» pour la CX.
1988. Film «Le Porte-avions» pour la Visa GTI.
2005. Film «The Dancer» pour la C4.
319,1 millions d'euros. Investissements médias en 2013 (Kantar Media), 4e annonceur en France.