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Des séries TV d’anticipation, comme «Real humans», «Black Mirror» ou «Almost human», des spectacles voire des publicités mettent en scène des robots humanoïdes nouvelle génération, qui semblent dotés d’émotion… Et plus humains.

Un homme et une «hubot», contraction de humain et robot, décident de se marier, puis d'adopter un enfant. Un adolescent tombe amoureux de Mimi, la créature robotique de la famille. Et pour remplacer un humain dans un prestigieux cabinet d'avocats, qui de mieux qu'un de ces hubots! Ah, si ces vulgaires machines n'avaient pas décidé de se «libérer» en se procurant un mystérieux code, qui leur permettrait d'être dotés de libre-arbitre… Décidément, la seconde saison de la série suédoise Real Humans, diffusée sur Arte à partir du 16 mai, se penche avec toujours plus d'acuité sur les relations entre humains et cette nouvelle génération de hubots.

Ces robots humanoïdes qui semblent, de manière troublante, dotés d'émotions, sont omniprésents: dans des séries TV, au cinéma, dans des spectacles, et même dans la publicité. L'an dernier, la chorégraphe Blanca Li a ainsi mis en scène Robot!, une pièce chorégraphiée pour huit danseurs et des robots Nao. Elle posait alors une question: une machine même évoluée peut-elle remplacer dans la danse le rapport au vivant?

Miroir le plus troublant, les séries TV: plusieurs d'entre elles, récentes, parlent des nouvelles technologies et de la façon dont elles régentent notre vie. Souvent, les scénaristes recourent au récit d'anticipation, voire à la dystopie (ou contre-utopie, soit une utopie qui mène au cauchemar). C'est le cas avec Real Humans. La première saison avait fait une entrée remarquée sur le petit écran, et pas qu'en France: une cinquantaine de pays en ont acquis les droits. Par ailleurs, Microsoft a annoncé au dernier MIP TV, en avril, tourner un remake de Real Humans, notamment pour ses consoles via sa filiale filiale Xbox Entertainment Studios, avec Channel 4.

Comme l'an dernier, Arte a prévu une campagne publicitaire offensive, de nouveau orchestrée par BDDP & Fils, avec affiches, spots TV et cinéma, des annonces radio et presse. Les hubots Odi, Mimi/Anita, Bea y sont à l'honneur, un effet visuel de verre brisé soulignant les sensations de fractures et de miroirs inhérentes à cette série. Dans la seconde saison, les frontières entre humains et robots sont de plus en plus ténues. Ces drôles de personnages (joués par des acteurs, bien sûr) expriment des revendications, voire des émotions… A moins qu'il ne s'agisse que d'un simple mime des comportements humains? « Cette série soulève LA question: qu'est-ce qu'être un robot ou un humain? Elle montre des hubots qui rêvent d'être humains et des humains qui voient des avantages à devenir hubots. Et donc, elle pose des questions d'ordre moral et éthique», expliquait Lars Lundström lors d'une rencontre avec la presse française, début avril.

Son coup de génie a été d'implémenter dans les scénarios des personnages à l'identité trouble, bien qu'artificielle. «C'est une thématique de science-fiction au départ, mais avec une vraie dimension quotidienne: on voit comment des familles intègrent un hubot chez elles, avec des petits détails quotidiens: que boivent-ils, que font-ils la nuit, etc. Ces éléments presque “soap” apportent une âme à la série», souligne Alexandre Piel, directeur adjoint de l'unité Fiction en charge de l'international d'Arte.

Dysfonctionnel

Dans la série britannique Black Mirror, de Charlie Brooker, diffusée sur France 4 depuis le 1er mai, un épisode met en scène une jeune femme, Martha, qui se résoud à faire fabriquer par une société l'avatar-clone de son époux défunt, Ash. Un avatar créé à partir de toutes les traces  numériques laissées par Ash sur la Toile (Facebook, Twitter…). Et qui mime à la perfection l'original. Las, Martha finit par lui lâcher: «Tu n'es pas assez lui!»

«Les récits d'anticipation nous aident à nous poser les bonnes questions, commente Boris Razon, directeur éditorial de France 4 et responsable de l'unité France TV Nouvelles Ecritures. Ils disent: réfléchissez à la façon dont vous voulez vous positionner dans l'ère technologique qui s'installe.» D'ailleurs, dans le cadre de son appel à projets Metro-Robot-Dodo, France 4 va produire des webséries sur les robots.

La série américaine Almost Human, réalisée par J.H. Wyman et diffusée sur My TF1 VOD depuis novembre 2013, s'inscrit dans la même veine. En 2048, dans un Los Angeles futuriste à la Blade Runner, John Kennex fait équipe avec l'un d'entre eux, qui est dysfonctionnel: il a de… l'affect. Une série où «le robot a l'air assez sensible, on se demande lequel est le plus humain des deux, alors que l'humain est en partie “augmenté” par une jambe artificielle», souligne Pierre Langlais, journaliste spécialisé dans les séries TV pour Télérama et Le Mouv.

En fait, dans les séries et films SF d'anthologie, depuis Terminator,«le robot est un personnage ambigu: il peut être l'incarnation du mal, mais aussi une protection, immortelle donc susceptible d'être plus facilement sacrifiée», estime Pierre Langlais. Mais comme Real Humans, le dernier film de Spike Jonze, Her, posent la question d'une machine qui éprouve des sentiments. Le personnage principal, un individu esseulé, tombe amoureux du système d'exploitation de son mobile, matérialisé par la voix de Scarlett Johansson.

«La carapace se fend»

La publicité s'est aussi emparée de ces androïdes «sentimentaux», d'après le «Cahier des tendances publicitaires 2014» de M6. «Les robots montrent des émotions. Ils deviennent plus humains, parfois fragiles, même sympathiques, souligne l'étude. L'homme devient augmenté […], mais n'est pas robotisé: les émotions sont valorisées, à tel point que même les robots en expriment. […] Les marques questionnent nos habitudes et nos repères.»

M6 Publicité a ainsi repéré un spot TV de Nestlé Grand Chocolat qui met en scène un humanoïde dégustant un carré de chocolat. Pourquoi? «Le brief était d'être dans l'émotion. On a mis en scène un personnage par essence incapable d'avoir une émotion que l'on voit ressentir des émotions “dermiques”: la carapace se fend, il verse une larme», explique Thierry Brioul, concepteur-rédacteur chez JWT.

Pour la Peugeot 208, en novembre dernier, BETC a imaginé un Pinocchio robotisé qui s'échappe de nuit pour le plaisir de conduire une automobile. «Il fallait promouvoir la 208, une petite voiture qui redonne des sensations physiques. Avec ce Pinocchio, on voulait apporter du charme et de l'émotion à l'histoire, un côté conte de fées: ce robot devient en quelque sorte un garçon au contact des plaisirs de la vie», décrypte Vincent Behaeghel, directeur de création BETC.

De fait, dans la publicité et la société, «la machine devient un allié dans sa représentation, ou avec des sensations plus proches de l'homme. On voit beaucoup de robots dans les séries TV, mais également dans la culture pop, des Daft Punk au spectacle de Bianca Li. On se tourne vers l'avenir, les technologies, même si on ne sait pas trop où l'on va…», estime Carine Groz, directrice de groupe études chez M6 Publicité.

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